16 Jan La norme dans tous ses états : enjeux et défis pour le travail social
Appel à communication pour la Revue Sciences et Actions Sociales
Numéro thématique
La norme dans tous ses états : enjeux et défis pour le travail social
Du point de vue socioanthropologique, les normes se créent, disparaissent ou se redéfinissent à mesure que nos sociétés se transforment. Dans le contexte des transformations contemporaines de nos sociétés, il devient alors pertinent de nous intéresser aux processus de production des normes, à leurs formes, leurs contenus, ainsi qu’aux conditions et mécanismes par lesquelles elles se diffusent, s’appliquent, s’interprètent ou se réinterprètent sur les différents terrains du travail social.
Qu’il s’agisse de normes formelles ou informelles, sociales, culturelles, économiques, politiques, professionnelles, morales, cognitives, sanitaires, éthiques ou encore juridiques, la norme traverse indéniablement les acteurs, les pratiques, les postures, les organisations et les discours du travail social.
En examinant la norme sous ses différentes facettes, les objectifs de ce numéro visent d’une part, à mieux comprendre comment celle-ci se construit et intervient au niveau organisationnel, dans les pratiques et les discours ; et d’autre part, à identifier les enjeux, les défis et les conséquences qu’elle implique pour les professionnels et les usagers du travail social. Afin de mieux saisir ces processus et leurs différentes implications, il sera néanmoins important de distinguer les normes élaborées par et pour un groupe, de celles élaborées par un groupe pour un autre groupe (Becker, 1985).
Comment analyser le phénomène normatif en travail social ? Quelles normes actuelles composent le champ du travail social ? Comment sont-elles instituées, intériorisées, interprétées et appliquées par les acteurs ? Quelles sont leurs finalités ? À quel point sont-elles utilisées dans une perspective de normativité ou de normalisation des conduites sociales et professionnelles ? Dans quelles mesures sont-elles contraignantes ou sources de tensions ou de pression pour les acteurs ? Comment et à quelles conditions sont-elles négociées, contestées, détournées, transcendées ou transformées en ressources ou en leviers d’action ou d’intervention ?
Qu’ils soient empiriques, théoriques ou épistémologiques, les articles pourront s’orienter vers les thèmes suivants, sans toutefois s’y limiter :
• Aspects normatifs des organisations sociales et politiques
L’action publique est porteuse de normes et de valeurs qui définissent les arrangements institutionnels et conditionnent la pratique du travail social (Jenson, 2011). Établissant de nouvelles normes, les réformes institutionnelles et éducatives sont au cœur des transformations récentes du travail social. Comment l’action publique définit-elle le travail social passé ou actuel et quelles sont les répercussions de l’évolution des normes institutionnelles pour les professionnels ? Les professionnels peuvent-ils s’extraire de ces normes ? Se construisent-ils des espaces de contestation de ces normes imposées ?
• Interprétations, perceptions et représentations de la norme
Bien qu’elles puissent s’inscrire dans un cadre manifeste ou objectif, les normes relèvent aussi des domaines du patent, de l’interprétation et de la perception des acteurs pensants. Au sein même des représentations, peuvent coexister différents systèmes ou modèles normatifs (Flamant, 2001), notamment lorsque les représentations se rapportant à des objets « sensibles », – ou socialement construits comme tel -, contiennent des aspects contre-normatifs (Guimelli, 2009). La norme peut ainsi faire l’objet de variations de sens et de nuances inhérentes aux acteurs, à leurs interactions, à leurs situations et à leurs contextes. Par ailleurs, les normes peuvent aussi faire l’objet de confusions et d’incertitudes pour l’être envahi par l’imaginaire que représente l’homo-sapiens-demens (Morin, 2016, [1973]). Comment les professionnels rendent-ils intelligibles ou compréhensibles les panoplies normatives avec lesquelles ils composent dans le cadre de leurs pratiques ? Quelles significations sociales ou symboliques en donnent-ils ? Conséquemment, quelles sont les implications pour la pratique et pour les personnes usagères ?
• Normes, collectivités et solidarités
Cet appel thématique constitue également une occasion de réinterroger des normes qui ont pu être particulièrement prégnantes au cours des dernières décennies (De Gaulejac, 2014), à l’aune des initiatives qui se sont développées au sein des collectivités. Comment ces actions et ces initiatives contribuent-elles à remettre en question certaines normes ? De quelle manière conduisent-elles à des visions alternatives donnant lieu à des réinterprétations de ces normes ? En quoi participent-elles à la construction de solidarités (Foley, 1999) ?
• Au-delà de la norme
Les normes définissent les cadres dans lesquels le travail social et l’intervention sociale se réalisent. Elles émanent des autorités légales en la matière, mais répondent aussi à un ordre spontané de règles et d’ajustement dont la dynamique est liée aux actions et aux interactions des êtres humains (Luhmann, 1989). Le concept de déviance (Becker, 1985; Ogien, 1995) est plus fréquemment utilisé que celui de transgression et a donné lieu à une littérature abondante (Barrel & Fremeaux, 2010). La déviance, d’abord perçue négativement, peut être aussi une forme de déviance positive dès lors qu’elle entraine les individus à réinventer des comportements et des méthodes de travail et d’intervention donnant lieu à des innovations. Pour Alter (2000), la transgression est indissociable de l’innovation, comment cela se passe-t-il dans les organisations du travail social et de l’intervention sociale ?
Bibliographie
Alter N. (2000). L’innovation ordinaire. Paris : PUF.
Babeau, O., Chanlat J.-F. (2011). Déviance ordinaire, innovation et gestion. L’apport de Norbert Alter, Revue française de gestion, 1(210), 33-50. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-1-page-33.htm
Barel Y., Frémeaux S. (2010). Les motifs de la déviance positive, Management & Avenir, 2(32), 91-107. DOI : 10.3917/mav.032.0091. URL : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-2-page-91.htm
Becker, H. (1985). Étude de sociologie de la déviance. Paris : Métailié.
Boucher, M. (2015). Enquêter sur les déviances et la délinquance. Enjeux scientifiques, politiques et déontologiques (sous la dir. de Manuel Boucher) Paris : éd. L’Harmattan, coll. Recherche et transformation sociale.
De Gaulejac, V. (2014). La société malade de gestion. Paris : Seuil.
Flament, C. (2001). Représentation sociale et normativité : quelques pistes, dans F. Buschini et N. Kalampalikis (dir.), Penser la vie, le social, la nature. Mélanges en l’honneur de Serge Moscovici (pp. 257-261). Paris : Éditions de la maison des sciences de l’homme.
Foley, G. (1999). Learning in Social Action. New York : Zed books.
Guimelli, C. (2009). Normativité, représentations sociales et stratégies de masquage, dans M-L Rouquette (dir.), La pensée sociale (pp. 121-135). Toulouse : Érès.
Jenson, J. (2012). A New Politics for the Social Investment Perspective: Objectives, Instruments, and areas of Intervention in Welfare Regimes, dans G. Bonoli et D. Natali (dir.), The politics of the New Welfare State (pp. 21-44). Londres : Oxford University Press.
Luhmann N. (1989). Le droit comme système social, Droit et société, 11-12, 53-77.
Morin, E. (2016, [1973]). Le paradigme perdu : la nature humaine. Paris : Points.
Ogien, A. (1995). Sociologie de la déviance, Paris : A. Colin.
Coordination du numéro
• Kheira Belhadj-ziane, Département de travail social, Université du Québec en Outaouais
• Brigitte Baldelli, IRTS de Perpignan, Université de Perpignan Via Domitia (UPVD)
• Mélanie Bourque, Département de travail social, Université du Québec en Outaouais
• Manon Chamberland, Département des fondements et pratiques en éducation, Université Laval
Procédure d’évaluation des propositions de contribution
En lien avec la ligne éditoriale de la revue (voir présentation de la revue), les textes proposés doivent être originaux et ne pas avoir déjà fait l’objet d’une publication dans des revues. Néanmoins, à la condition qu’il demande l’accord préalable à la revue Sciences & Actions Sociales, l’auteur d’un article dans la revue SAS peut publier son article dans un ouvrage ou des actes de colloque à la condition de citer la source de première publication, c’est-à-dire la revue SAS.
Les propositions de contribution doivent respecter les recommandations aux auteurs. Ces propositions doivent être envoyées par courrier électronique au format .doc ou rtf à l’adresse suivante : redaction@sas-revue.org au plus tard le 28 février 2019. Un accusé de réception est alors adressé en retour. Les textes font l’objet d’une évaluation anonyme par trois lecteurs désignés au sein des comités de rédaction et scientifiques de la revue. Sur la base de leurs évaluations, après une discussion de l’article au sein du comité de rédaction, une décision collective est prise: accepté en l’état, accepté avec modifications mineures, accepté sous réserve de modifications majeures, refusé. Cette décision est transmise à l’auteur par la revue SAS au maximum trois mois après la réception de la proposition de l’article.
Calendrier de l’appel à contributions
Les propositions d’articles sont à envoyer à redaction@sas-revue.org au plus tard le 28 février 2019. Les retours aux auteurs sont prévus pour le 31 mars 2019, pour une publication dans le numéro d’avril 2019.