24 Oct La dimension soustractive des rapports à l’environnement – Appel à communications du RT38 « Sociologie de l’environnement et des risques » pour le XIème Congrès de l’AFS (8-11 juillet 2025, Toulouse)
Appel à communications
RT38 « Sociologie de l’environnement et des risques »
XIème Congrès de l’AFS (8-11 juillet 2025, Toulouse)
La dimension soustractive des rapports à l’environnement
Dans l’objectif de contenir les dérives environnementales des activités humaines, certaines orientations politiques et différents projets collectifs invitent à expérimenter la limitation, l’atténuation, la diminution, voire la décroissance ou le démantèlement. Cette orientation des aspirations écologistes vers “le moins”, contraste avec la dimension additive de la vie sociale : accumulation, reproduction, création, innovation. Elle diffère également du technosolutionisme mis en valeur par les discours sur la modernisation écologique (Hajer, 1995, Foyer, 2015). Cette dimension additive est plus volontiers étudiée par d’autres branches de la sociologie que celle de l’environnement. En prévision du XIème congrès de l’AFS sous le thème “Environnement(s) et inégalités”, le réseau thématique Sociologie de l’environnement et des risques choisit de s’intéresser à la dimension soustractive de la vie sociale en contexte de dérèglement climatique et d’effondrement des écosystèmes.
Les communications pourront se positionner sur les axes proposés, mais des propositions pourront néanmoins s’inscrire dans l’axe Varia.
-
Les politiques du faire “(avec) moins”
Cette soustractivité est d’abord en jeu dans la confrontation entre pouvoirs publics, mouvements sociaux et secteurs d’activité à qui il est de plus en plus demandé de “faire sans”, ou de “faire avec moins” (Goulet & Vinck, 2022). La soustraction peut porter sur des substances polluantes, sur des énergies fossiles, ou sur des moyens thérapeutiques tels que les antibiotiques, dont l’efficacité s’amenuise à mesure de leur diffusion. L’injonction au retrait peut prendre des donner lieu à des réponses très diverses. Elle peut donner lieu à des tentatives de substitution. Se pose alors la question de l’identification, de la qualification et de l’acceptabilité des solutions supposées remplacer les objets incriminés. Elle peut aussi donner lieu à des interprétations en termes de “sobriété” (Villalba, 2023). L’enjeu est alors la promotion d’imaginaires du renoncement face aux promesses d’abondance, structurantes de la modernité.
Les injonctions au retrait soulèvent donc des questions nombreuses. Qui porte la demande de faire « avec moins » ? Comment sont déterminés et discutés les objectifs visés (seuils bio-géo-physiques ? indicateurs socio-économiques ?) ? Comment différentes options et réponses à ces injonctions sont mises en concurrence et confrontées ? Dans quelles arènes et en faisant appel à quelles connaissances et métriques ? Comment les changements de pratiques sont-ils anticipés, accompagnés, voire détournés ? Que produit la confrontation entre pouvoirs publics, acteurs sociaux et secteurs d’activité? Comment ces objectifs peuvent affecter les organisations, les pratiques professionnelles et les particuliers?
-
Imaginaires socio-politiques (ou comment se mobiliser pour rétrograder)
Si la notion de sobriété peut renvoyer aux injonctions écologiques, nombreux sont les exemples d’engagements collectifs visant explicitement des modes de vie construits autour d’une sobriété choisie. Le thème de la “sobriété” (Villalba & Semal, 2018) ou de la “simplicité volontaire”, rejoint des anciens débats sur “[l]’autolimitation comme projet social” et sur la capacité collective à définir une “norme commune du suffisant” (Gorz, 1992). Elle peut également relever de stratégies plus individuelles visant à se soustraire à des contextes vécus comme aliénants du fait de leur privation de contact avec la nature, ou que l’on soupçonne de comporter des risques environnementaux. Elle peut prendre ici la forme de déplacements territoriaux, professionnels, ou des deux (Sallustio, 2022 ; Gazo, 2023), ou de nouvelles formes de solidarités basées sur la mutualisation, le partage (L’Atelier Paysan, 2021) et pouvant se présenter comme un révélateur d’utopies concrètes (Bloch, 1976 ; Guégen et Jeanpierre, 2022). Ces objets d’étude ont par ailleurs encouragé la mise en place de méthodes adaptées, comme pour les matérialités sélectives décrites par les enquêtes ethnocomptables (Pruvost, 2024).
Comment s’organise une sobriété collective ? Comment la tendance à la décroissance, au faire moins et avec moins, signe un renouveau des répertoires et des mobilisations collectives ? Comment s’articulent les échelles (une sobriété collective ayant des impacts sur les modes de vie individuels) ?
-
Faire faire avec moins : mais à qui ? Rapports socialement différenciés aux soustractions et réductions
Les appels récurrents à faire moins, énoncés au nom d’un intérêt général voire planétaire, circulent au sein d’une société inégalitaire et s’inscrivent dans les rapports entre groupes sociaux, plus ou moins énonciateurs, cibles ou destinataires de différentes versions de ces injonctions. Dans le champ politique, le ressentiment qu’elles peuvent susciter est notamment canalisé dans la dénonciation de “l’écologie punitive”. Des réflexions sociologiques pourront alors être accordées aux conséquences sociales de la dimensions soustractive de ce que l’on a commencé à appeler “transition”, de la rhétorique de la sobriété et de la désirabilité du futur: qui les porte et qui les rejette aujourd’hui dans les mondes sociaux, politiques, culturels, économiques (Eversberg, 2019) ? Sociologiquement, il faut nécessairement relier ces aspirations à la soustraction, au faire (avec) moins, à la question du qui. D’autant que le moins se conjugue, pour certains groupes sociaux, de façon tellement prégnante qu’il est presque devenu un trait culturel (“Gens de peu”, aurait dit Sansot, “goût de nécessité” aurait dit Bourdieu). Qu’en sera-t-il pour les plus fragiles des sociétés riches, industrielles, modernes ? Des travaux divers ont ainsi analysé la circulation des injonctions à la sobriété à travers l’espace social, ainsi que le décalage entre les termes globaux dans lesquels elles sont formulées, et des dispositions à la parcimonie plus ou moins affirmées dans différentes fractions parmi les milieux populaires et, entre autres, « l’écologisme des pauvres » (Martinez Alier, 2014). Comment penser les inégalités socio-environnementales à des échelles plus larges (plus seulement à l’intérieur des sociétés occidentales riches, mais à une échelle mondiale) ? Comment les groupes sociaux devant « soustraire » le plus d’après l’écologie politique acceptent – ou pas – cette optique? Quels sont les débats entre les parties prenantes, comment penser les inégalités de pouvoir entre eux ? Comment les enjeux d’inégalité structurent plus ou moins les discussions entre acteurs ?
4) Varia
Les personnes qui souhaitent communiquer sont invitées à privilégier les propositions qui s’inscrivent dans les axes précédents, issus du thème général du congrès. Cependant, ces axes ne sont pas exhaustifs. En effet, le RT38 entend représenter l’actualité de la sociologie de l’environnement et des risques dans sa globalité. Il est donc ouvert à toutes les propositions de communication présentant des recherches inscrites dans la thématique de son réseau.
Les propositions de communication sont à déposer d’ici le 15 janvier 2025 sur le site de l’AFS
- Les propositions de communication ne dépasseront pas 5000 signes espaces compris.
- Elles expliciteront les démarches méthodologiques, les choix conceptuels ainsi que les résultats mis en avant.
- Elles comporteront le titre de la communication et une liste de 5 mots-clés, en précisant si leur soumission concerne l’appel thématique ou celui de sessions croisées inter-RT.
Références :
L’Atelier Paysan (2021) : Reprendre la terre aux machines. Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire. Paris: Seuil.
Bidet, Alexandra et Vincent Rigoulet (2023) : Vivre sans produire. L’insoutenable légèreté des penseurs du vivant. Paris, Éditions du Croquant.
Dalgalarrondo, Sébastien et Tristan Fournier (2020) : L’utopie sauvage. Enquête sur notre irrépressible besoin de nature. Paris, Les Arènes.
Eversberg, D (2019) : “Who can challenge the imperial mode of living? The terrain of struggles for social-ecological transformation in the German population”, Innovation: The European Journal of Social Science Research, DOI: 10.1080/13511610.2019.1674129
Foyer J. (2015) : “ Introduction : La modernisation écologique à l’épreuve de Rio+20 ”, in Jean Foyer (dir.) Regards croisés sur Rio+20, la modernisation écologique à l’épreuve, CNRS Editions, pp11-28. halshs-01188337
Gazo, Cécile (2023) : « Se reconvertir dans l’agriculture : du retour au recours à la terre », Études rurales [En ligne], 211 | 2023, mis en ligne le 02 janvier 2026, consulté le 19 septembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/31354 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesrurales.31354
Gorz, André (1992) : « L’écologie politique entre expertocratie et autolimitation », Actuel Marx 12, nᵒ 2: 15‑29. https://doi.org/10.3917/amx.012.0015.
Goulet, Frédéric, & Dominique Vinck (dir.) (2022) : Faire sans, faire avec moins : Les nouveaux horizons de l’innovation. Paris, Presses des Mines.
Guéguen, Haud et Laurent Jeanpierre (2022) : La perspective du possible: Comment penser ce qui peut nous arriver, et ce que nous pouvons faire. Paris, La Découverte.
Hajer, Maarten A. (1995) : The Politics of Environmental Discourse: Ecological Modernization and the Policy Process, Oxford University Press, New York.
Martinez Alier, Joan (2002) : The environmentalism of the poor: a study of ecological conflicts and valuation, Edward Elgar, Cheltenham.
Pruvost, Geneviève (2021) : Quotidien politique. Féminisme, écologie, subsistance. Paris, La Découverte.
Pruvost, Geneviève (2024) : La subsistance au quotidien. Conter ce qui compte, Paris, La Découverte.
Sallustio, Madeleine (2022) : À la recherche de l’écologie temporelle. Vivre des temps libérés dans les collectifs néo-paysans autogérés : une analyse anthropologique, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
Tournadre, Jérôme (2024) : « C’est plus doux que dans la ZAD ce qui se fait ici » Politique du refus dans une expérience communaliste contemporaine. Sociologie, 2024/1 Vol. 15, p.65-81. URL : https://shs.cairn.info/revue-sociologie-2024-1-page-65?lang=fr.
Villalba, Bruno et Luc Semal (dir.), (2018) : Sobriété énergétique. Contraintes matérielles, équité sociale et perspectives institutionnelles, Paris, Quae.
Villalba, Bruno (2023) : Politiques de sobriété. Paris, Le Pommier.
Pour participer au Congrès, il faudra adhérer à l’AFS et s’acquitter de droits d’inscription. Lors du précédent Congrès de 2023, l’adhésion s’élevait à 41€ pour les non-titulaires et 103€ pour les titulaires ; l’inscription au Congrès à 61€ pour les non-titulaires et 152€ pour les titulaires. Les tarifs pour le Congrès de Toulouse seront légèrement plus élevés (inflation). Les collègues non-titulaires qui ne peuvent être financé.es par leur laboratoire pourront, sur présentation de dossier, être exonéré.es des droits d’inscription et bénéficier d’une aide pour le transport et le logement. La procédure pour la demande d’exonération des droits d’inscription sera précisée plus tard.
L’accès au Congrès se veut le plus inclusif possible :
* Des dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles seront mis en place.
* Si vous avez besoin de services d’accompagnement en raison d’une situation de handicap, vous pourrez le signaler dans le cas où votre communication est retenue. Le comité d’organisation mettra tout en œuvre pour essayer de répondre à vos demandes.
* Si vous avez besoin de services de crèche pendant le Congrès vous pourrez le signaler au moment de l’inscription. Le comité local essayera de proposer un mode de garde