Déjouer les normes, négocier par corps : engagements corporels et productions normatives

Déjouer les normes, négocier par corps : engagements corporels et productions normatives

Bonjour à toutes et à tous, 
 
Dans le cadre du laboratoire « Valeurs, Innovations, Politiques, Socialisations et Sports », nous organisons les 29 & 30 avril 2025 deux journées d’étude intitulées : « Déjouer les normes, négocier par corps : engagements corporels et productions normatives »
Les propositions sont à envoyer avant le 10 janvier 2025 aux adresses suivantes : anthony.forestier@univ-rennes2.fr et Julien.Puech@univ-nantes.fr 

Ces journées d’étude se proposent d’analyser les mécanismes de négociation, par corps, des normes et catégories sociales dominantes. Une norme correspond à un système de règles et de conduites considérées comme appropriées dans certains contextes, relativement partagées au sein d’un groupe social ou d’une société, permettant de réguler, classer et gouverner les corps (Foucault, 1975). Certaines normes peuvent être « édictées formellement par la loi » quand d’autres traduisent des « accords informels, établis de fraîche date ou revêtus de l’autorité de l’âge et de la tradition » (Becker, 1985, p. 26). Historiquement, les travaux en sociologie ont permis d’étudier finement la dimensioncorporelle de la normalisation et des rapports de domination afin d’en dévoiler les sources cachées sans toujours mettre en évidence les mouvements de changement, de contestation ou même de révolte (Boltanski, 2013). Le plus souvent, les pratiques sportives et corporelles constituent un espace d’incorporation et de somatisation (Fleuriel et al., 2021) d’un ordre social dominant structuré par des rapports sociaux de classe, de genre, de race et d’âge, à envisager dans leur imbrication (Dorlin, 2009), mais aussi normé par d’autres catégories telles que le handicap, la religion ou encorel’orientation sexuelle. Pour autant, la réception et l’appropriation de ces normes ne s’opèrent jamais de manière homogène. Certains travaux admettent une logique plus dynamique en examinant les possibilités – implicite ou explicite – de mise à distance des normes (Suaud & Mennesson, 2013) ou de leurs subversions dont il convient toutefoisde cerner leurs coûts, limites et ambiguïtés (Mennesson & Clément, 2009). Si le corps est souvent appréhendé comme dépositaire de ces normes, n’est-il pas possible d’observer aussi en lui et par lui, des processus de négociation, de contestation voire de renversement ou de subversion de celles-ci ?

Pour ces journées d’étude, nous nous intéressons aux manières dont le corps, à travers sa mise en mouvement dans les pratiques sportives et corporelles, exprime lui-même une mise à distance, si ce n’est une régulation de ces normes etcatégories dominantes. Partant, nous n’envisageons pas le corps uniquement comme un réceptacle des processus de socialisation, de domination, ou d’incorporation, mais aussi comme le support à partir duquel se déploie l’expression de points de vue normatifs dominés, minoritaires, peu visibles, peu légitimes, peu dicibles, en particulier pour des groupes sociaux n’ayant pas toujours les ressources symboliques, sociales, économiques et culturelles, pour les faire valoir autrement. En ce sens, le corps peut devenir la matière par laquelle l’expression implicite de normes subversives ou de catégories indigènes peut opérer. Nous cherchons à inclure l’analyse des engagements corporels à la production ou l’évolution des normes sociales, et à la mise en discussion des catégories de pensée habituellement appréhendées par le langage. Ainsi, les analyses attendues ici relèveraient autant de contestations ou d’oppositions explicites et conscientes à des normes intentionnelles, que de formes de négociation indirectes, involontaires et détournées via le corps.

Ce faisant, les communications pourront s’intéresser à des terrains d’enquête variés où s’observent des formes de négociation, par l’engagement corporel, des normes sociales dominantes. Sensibles à l’analyse des rapports sociaux de domination (de classe, de genre, de race, d’âge, etc.), plusieurs études en sociologie du sport et du corps mettent déjà en évidence les possibilités (ou tentatives) de résistance, de négociation, de lutte, voire de subversion ou de redéfinitiond’un ordre genré (Bertrand et al., 2014 ; Bohuon & Quin, 2012 ; Courcy et al., 2006 ; Guérandel & Mardon, 2022 ; Louchet & Hidri Neys, 2018 ; Mennesson, 2005a ; Schmitt & Bohuon, 2021 ; Schmitt & Sempé, 2022 ; Sorignet, 2010),et plus rarement associées à la classe sociale (Gasparini, 2004 ; Guérandel, 2016 ; Le Yondre, 2013 ; Oualhaci, 2015), à une origine ethnique ou migratoire (Coulangeon, 2007 ; Croquette & Mennesson, 2005 ; Didierjean, 2015 ; Noiriel &Gasparini, 2012 ; Parmantier, 2015 ; Schotté, 2012 ; Tlili, 2002) ou à une appartenance raciale (Forté, 2010 ; Simon, 2014). Plus encore, ces enjeux traversent également les sphères scolaires (Millet & Thin, 2007), familiales (Brun, 2022, 2023 ; Court, 2010 ; Mennesson et al., 2021), carcérales (Sempé et al., 2007), médicales (Darmon, 2003 ; Memmi & Fassin, 2004), associatives et militantes (Quéré, 2022) mais aussi religieuses où les “ruptures par corps” (Suaud & Viet-Depaule, 2004) des « prêtres-ouvriers » montrent par exemple que des contestations de l’orthodoxie catholique passent par le corps. Plus encore, les propositions pourront également se focaliser sur des actions institutionnelles destinées à des publics en situation de fragilité, précarité ou vulnérabilité puisque ces situations conduisent des personnes ayant peu de ressources (économiques, culturelles, langagières, scolaires, etc.) à s’en remettre au corps dont l’engagement parlesilencieusement et en réaction à des attentes politiques. Sans qu’il ne soit toujours conscientisé ou explicite,l’engagement corporel est ainsi susceptible de mettre en discussion certaines catégories sociales, ajuste ou régule les normes en vigueur dans certains espaces sociaux, qui n’échappent malgré tout pas complètement aux contraintes oustructures globales de domination. Cependant, l’analyse théorique de ces processus et de leurs effets sur la « construction de la réalité sociale » (Berger & Luckmann, 1966), la production de la normativité mais aussi les méthodesmises en place pour les saisir mériteraient d’être approfondies pour enrichir théoriquement et empiriquement ces travaux. Par conséquent, nous choisissons cette focale afin de sonder la place du corps dans les processus interactifs et dynamiques de construction des normes sociales, tout en injectant de la matérialité – ici corporelle – à une démarche constructiviste régulièrement taxée d’être déconnectée de dimension empirique par laquelle existe le monde social (Lemieux, 2012 ; Lahire, 2023).

Si différentes orientations théoriques peuvent être admises, seront privilégiées les communications reposant sur des enquêtes empiriques menées sur des terrains assez variés pour que, au-delà des spécificités liés aux contextes ou aux publics, des permanences théoriques, des processus analogues voire des “homologies structurales” (Bourdieu, 1979)puissent émerger. Le déplacement de terrains en terrains doit permettre d’identifier des éléments théoriques plus stables relatifs à tout un panorama, voire un continuum, de formes de négociation par corps d’un ordre social dominant et normatif dans la mesure où ces dernières ne se valent pas toutes, n’émergent pas dans les mêmes sphères d’existence, n’ont pas le même degré de conscientisation, etc. Ainsi, on se demandera principalement : comment concevoir et qualifier les différentes formes de négociation qui s’opèrent par le biais d’engagements corporels ? Quels en sont les ressorts et les effets sociaux ? Quelles approches théoriques et méthodologiques permettent d’ « attraper » ces processus de mise à distance par corps de l’ordre social dominant ?

 

·      Axe 1 – Qualifier les formes de négociation par corps

Ce premier axe souhaite aborder les différentes manières d’analyser les engagements corporels qui tendent à négocier les normes dominantes et plurielles rencontrées. Envisagée à la fois pour faire évoluer un système normatif mais aussi pour questionner, enrayer voire renverser un ordre établi dominant, la pluralité des négociations par corps nécessite d’en délimiter les propriétés principales à partir desquelles elles peuvent être appréhendées, sans oublier de préciser de qui elles émanent. Un premier enjeu peut être d’en distinguer les différentes logiques : s’agit-il de mise à distance, decontestation, de subversion ou d’une simple émission d’une définition de soi en décalage avec celle de l’institution lorsque négocier explicitement n’est pas toujours permis ou bien nécessite d’être doté·e de ressources et de dispositionsinégalement distribuées dans l’espace social ? Les communications pourront aussi s’intéresser aux termes regroupant à la fois les différentes formes de négociation par corps, mais aussi les objets de cette mise en discussion. Ces interrogations nous paraissent d’autant plus légitimes que les formes de négociation par corps n’existent pas en soi maisémergent au regard de leur distance à des normes, injonctions et catégories particulières (qu’elles soient sociales, genrées, raciales, migratoires, générationnelles, etc.), qui se (re)configurent d’un contexte à l’autre (Suaud & Mennesson, 2013). Les questions relatives à la transférabilité et à l’intensité de ces formes de négociation par corps pourront également être traitées à condition de les insérer dans les configurations sociales (Elias, 1991) et plus largement les contextes d’existence (Lahire, 2012) dans lesquels elles sont prises. En parallèle, il s’agira d’analyser la portée de ces engagements corporels négociants – mais aussi leur degré de conscientisation et d’intentionnalité par celleset ceux qui en sont à l’origine – afin de comprendre comment ces derniers se font et se défont, se revendiquent explicitement ou s’expriment indépendamment de la volonté dès lors que « le corps fonctionne comme un langage par lequel on est parlé, plutôt qu’on ne le parle » (Bourdieu, 1977, p. 51). Dans la mesure où ces engagements corporels ont une durée qui se limite au temps de l’action, la question de la temporalité et plus précisément de la durabilité de leurseffets méritera d’être posée. Des réflexions pourront également être menées pour savoir si les formes de négociation, aussi plurielles soient-elles, peuvent être imposées ou prescrites par une personne tierce – en d’autres termes, est-ce qu’une pratique sportive ou une activité corporelle subversive peut-être organisée, enseignée, fortement suggérée ou rendue obligatoire en tant que telle ?

 

·      Axe 2 – Des ressorts aux espaces sociaux de la négociation des normes par corps

Ce second axe vise à questionner la genèse et les conditions dans lesquelles ces mises à distance des normes par lecorps peuvent émerger et potentiellement être envisagées comme un trait dispositionnel façonné par l’expérience et lesparcours de socialisation. Ces dynamiques ne s’observent jamais dans l’absolu mais toujours au regard de catégories dominantes, que les individu·es s’approprient, dépassent ou détournent de façons différentes et surtout inégalement. Si le corps est socialement (re)construit (Détrez, 2002), les (bio)politiques du “gouvernement des corps” (Fassin & Memmi, 2004) ou “des gouvernements du corps” (Honta et al., 2018) ciblent certains publics prioritaires puisque « les dimensionscorporelles de la socialisation institutionnelle visent les milieux populaires en crise » (Faure, 2008, p. 33). En s’adressant prioritairement aux personnes vulnérables et peu dotées en capitaux culturel et économique (Bourdieu, 1980), ces modes de gouvernement véhiculent souvent une dimension responsabilisante et moralisante dans lesquels se jouent des rapports sociaux et institutionnels de contrôle, voire de domination (Honta et al., 2018). En leur sein, certain·es individu·es – a fortiori lorsqu’ils et elles sont placé·es en situation précaire, ou confronté·es à des situations coercitives– s’appuient malgré tout sur le corps pour participer à une forme de production de la réalité sociale, de normes sociales, de représentations ou de catégories – sans qu’ils et elles n’aient toujours une intention politique ou sociétale subversive et contestataire. Maintenu·es dans un rapport de domination qui n’est pas toujours perçu comme tel, les individu·es ne s’engagent pas ici dans des formes explicites de négociation, mais peuvent malgré tout exprimer corporellement l’indicible ou l’informulable lorsque leurs usages du corps diffèrent, à des degrés variables, des attentes politiques et normatives dominantes à leur égard. Par exemple, le sport est souvent considéré comme un espace privilégié del’observation de formes d’imposition ou d’incorporation de la domination puisqu’il légitime une hiérarchisation des corps masculins et féminins où les premiers seraient plus rapides, plus endurants et plus puissants que les seconds(Bohuon, 2012), une démonstration corporelle des performances sociales des catégories aisées (Faure & Suaud, 2003) oude la naturalisation des performances des sportifs issus de l’immigration (Schotté, 2012). Pour autant, des socialisations corporelles dès l’enfance permettent parfois d’y faire face lorsqu’elles donnent lieu à des expériences sportives “à contre-courant” (Guibert & Arab, 2016) ou “inversées” (Mennesson, 2005a), à l’instar des femmes qui s’engagent dansdes activités emblématiquement masculines.

En confrontant plusieurs terrains, les communications pourront ici être amenées à traiter les questions suivantes : en fonction de leurs propriétés sociales envisagées dans un sens large (classe sociale, genre, origines migratoires, race,âge, etc.) mais aussi de l’épaisseur dispositionnelle façonnée au gré des expériences socialisatrices antérieures et « encours », quel·les sont les individu·es qui parviennent à adopter, volontairement ou non, ces formes de négociation par corps d’un ordre social dominant ? Quels ressorts se cachent derrière ces dernières, d’où émergent-ils et comments’activent/ s’inhibent-ils ? Est-il, par exemple, possible de mettre en évidence des inégalités dans la manière dont les publics peuvent recevoir, s’approprier ou contester des dispositifs de gouvernement des corps ou des normes sociales dominantes ?

 

·      Axe 3 – Les effets sociaux des formes corporelles de négociation des normes

Enfin, il convient d’appréhender les effets, les limites et les possibilités de changement qu’entraînent ces engagements corporels dans les négociations des normes dominantes. À ce titre, les travaux de Mennesson (2005b) mettent déjà en évidence comment les boxeuses « hard » parviennent, par leur transgression sportive, à contester un ordre genré dominant dont les effets s’observent en dehors de la boxe. Leur « rapport masculin à la pratique » vient « se compenser » dans d’autres sphères de vie pourdémontrer leur appartenance de sexe en faisant l’effort par exemple d’un « travail de présentation de soi » et une volonté de maintenir dans l’espace domestique la distinction des rôles « féminin » et « masculin » (Mennesson, 2005b, p. 85). Plus que des effets sur soi, cette transgression sportive travaille aussi les catégories dans lesquelles les boxeuses sont prises.

Mennesson montre qu’une « socialisation sexuée non conforme alliée à une relative incertitude au sujet de lareconnaissance de l’identité sexuée par les institutions sportives favorisent le questionnement des catégories de sexe » (Mennesson, 2005b, p. 86). Plus encore, des effets peuvent aussi se diffuser sur les personnes qui gravitent autour,comme le montrent Schmitt et Sempé (2022) dans la navigation à voile en milieu scolaire. L’action dite “subversive” d’une élève parvenant à détourner et à bouleverser la hiérarchie genrée en s’imposant comme capitaine ne débouche pas forcément « sur une forme de contestation ou de mobilisation plus collective, mais son comportement lui vaut une forme d’admiration et a une incidence à la fois sur les autres filles et sur les garçons du groupe » (Schmitt & Sempé, 2022, p. 143).

Ce dernier exemple illustre un type d’effet relevant de la propagation réticulaire s’opérant par le biais des relationsd’interdépendances propres à une configuration telle qu’Elias (1985) la conçoit. Il est ainsi possible d’envisager leseffets des négociations par corps au sein de réseaux d’interdépendance puisqu’ils s’expriment toujours au sein deconfigurations sociales et au regard des catégorisations dominantes, avec lesquelles les influences mutuelles sontmultiples et évolutives. Par exemple, certains hommes réfugiés peuvent, lorsqu’ils s’engagent en tant que travailleurs bénévoles dans les associations sportives, à la fois faire valoir publiquement leurs bonnes dispositions morales àl’intégration tout en contestant silencieusement les assignations politiques à l’intégration lorsqu’ils privilégient des interactions fondées sur le plaisir corporel (Puech, 2024). Afin de sonder les effets des négociations exprimées parl’engagement corporel, on peut ainsi se demander : de quelle manière sont-elles reçues par celles et ceux qui y assistent, les perçoivent, les commentent, et sont parfois transformé·es par celles-ci ?

Ces formes de négociation peuvent également être appréhendées sous l’angle de « tactiques » (De Certeau, 1990) y compris chez les publics les plus précaires ou vulnérables comme les chômeur·ses de longue durée (Demazière, 2003)ou les sans-papiers (Jounin, 2008), soustrayant plus temporairement aux attentes sociales a fortiori lorsqu’ils et elles sont placé·es en situation de contraintes. Si ces actes de résistance sont « tout autant contournement, dérobade, fuite,qu’affrontement » (Jounin et al., 2008, p. 15), ils peuvent néanmoins être source de changement social puisqu’ « en contestant ou en contournant silencieusement, [ils] contraignent ceux qui régentent et tirent profit de l’ordre à rechercher des ajustements » (Jounin, 2008, p. 43). Dans les pratiques sportives proposées aux chômeur·ses de longue durée dans une perspective d’incorporation de la logique du devoir et de l’éthique du travail, le corps est à la fois le lieu d’une conformité à la conception institutionnelle du sport tout en faisant l’objet de tactiques silencieuses des individu·es qui s’en accommodent, la négocient voire la détournent par l’énonciation d’une autre conception du sport et, par là même, des façons prescrites d’être assisté·e (Le Yondre, 2013). Ces résultats invitent ainsi à ne pas considérer lesprocessus de catégorisation comme des mécanismes uniquement réflexifs et langagiers, mais à inclure la place du corps dans la production des réalités sociales. Ainsi, nous pourrons nous demander : quels sont les effets des discours ou de l’engagement corporel sur les processus de (re)catégorisation ou d’évolution des normes sociales dominantes ? Comment le détournement des activités corporelles et sportives est-il perçu et participe-t-il de l’évolution du dispositifinitial ? Que devient cette autonomie retrouvée dans d’autres sphères sociales ?

À plus large échelle, il a par exemple été montré que des normes culturelles dominantes liées à la blancheur de lapeau pouvaient être mises à l’épreuve via la diffusion d’un “modèle corporel” associé à une pratique balnéaire comme le surf, faisant toutefois l’objet de “codages symboliques” et d’appropriation différenciées selon les régions du monde (Coëffé et al., 2012). Malgré tout, les surfeur·ses participent d’un renversement progressif de ces normes historiques de beauté en Asie lorsqu’ils et elles suscitent l’identification d’individu·es qui les côtoient et souhaitent également se différencier par une peau bronzée, légitimant ainsi une position “hors-norme” et symboliquement profitable (Coëffé et al., 2014). Si ces exemples sont loin d’être exhaustifs, les communications de ce dernier axe pourront continuer de creuserle sillon des effets que produisent ces formes de négociation par le biais d’engagements corporels multiples : quels changements observe-t-on à l’échelle des socialisations individuelles et collectives ? Comment sont-elles perçues par celles et ceux qui y sont confronté·es ? De nouvelles normes ou catégorisations se diffusent-elles à plus large échelle ourestent-elles confinées à certains contextes ? Participent-elles par exemple à des évolutions politiques ou institutionnelles?

Pour finir et de manière transversale aux trois axes développés, le questionnement des méthodes aussi bien qualitatives (à travers divers types d’entretiens et en sondant les parcours de vie pour définir la sociogenèse des formes corporelles de négociation, leurs effets dans plusieurs temporalités mais aussi de manière synchronique dans plusieurs contextes de vie) que quantitatives (afin de mettre en évidence certaines régularités), structurera ces journées d’étude en filigrane afin de mieux parvenir à « attraper » les formes de négociation sur les terrains d’enquête. Dans le but d’accéder « à toutes ces pratiques cachées, ‘’naturelles’’, taboues, contradictoires ou indicibles » (Buscatto, 2010, p. 6), l’ethnographie se présente comme une méthode privilégiée pour décrire les formes de négociation plus silencieuses, douces ou peu intentionnelles. Plus qu’à travers l’observation visuelle, cette approche méthodologique tire son intérêt du fait que les données peuvent se recueillir ou s’éprouver depuis le corps – envisagé comme « ressort social et vecteur de connaissance » pour tirer profit de « la nature viscérale de la vie sociale » (Wacquant, 2005, p. 446) – à condition que cette approche soit épistémologiquement et théoriquement cadrée. Un des enjeux de ces journées d’étude sera donc aussi de discuter desdispositifs méthodologiques mis en place au regard des terrains dans lesquels ils se déploient et des questions derecherche qui sont posées.

MODALITES DE SOUMISSION

 D’une longueur maximale de 5000 signes (espaces, notes et bibliographie compris), les propositions devront décrireprécisément l’objet de la communication, le cadre théorique mobilisé, la méthodologie et les matériaux empiriques utilisés ainsi qu’une partie de traitement expliquant la structure de l’exposé.

Les propositions incluront en début de document les éléments suivants : auteur·rices, discipline, statut,établissement(s) et laboratoire(s) de rattachement, adresse électronique, proposition d’axe(s).

Les propositions sont à envoyer jusqu’au 10 janvier 2025 à Anthony Forestier (anthony.forestier@univ-rennes2.fr)et Julien Puech (Julien.Puech@univ-nantes.fr). Elles seront examinées par deux membres du comité scientifique ainsique par les organisateurs. Une réponse sera formulée au plus tard au début du mois de février 2025. Pour les propositionssélectionnées, les textes des communications devront être envoyés à une date précisée par la suite. À l’issue de ces journées d’étude et au regard des communications retenues, une proposition de dossier thématique pourra être envisagéedans une revue francophone, adaptée à la thématique traitée.

COMITE D’ORGANISATION

FORESTIER Anthony, doctorant en STAPS et en sociologie, ATER à l’Université Rennes 2, Laboratoire VIPS2.

PUECH Julien, docteur en STAPS et en sociologie, ATER à Nantes Université, membre associé du CENS et du laboratoire VIPS2.

COMITE SCIENTIFIQUE

BERTRAND Julien, maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, PACTE BRUN Solène,chargée de recherche au CNRS, IRIS

FLEURIEL Sébastien, professeur des universités à Nantes Université, CENS FORESTIERAnthony, doctorant et ATER à l’Université Rennes 2, VIPS2

FRAYSSE Mélie, maîtresse de conférences à l’Université de Toulouse III, CRESCO GUÉRANDEL Carine,maîtresse de conférences à l’Université de Lille, CeRIES

HIDRI NEYS Oumaya, professeure des universités à l’Université d’Artois, Textes et Cultures LE YONDREFrançois, maître de conférences à l’Université Rennes 2, VIPS2

PUECH Julien, docteur et ATER à Nantes Université, membre associé du CENS et du VIPS2 QUIDU Mathieu, maître de conférences à l’Université de Lyon 1, L-VIS

RASERA Frédéric, maître de conférences à l’Université de Lyon 2, Centre Max Weber SCHOTTÉ Manuel, professeur des universités à l’Université de Lille, Clersé

SEMPÉ Gaëlle, maîtresse de conférences à l’Université Rennes 2, VIPS2

BIBLIOGRAPHIE

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