Justice sociale et environnement(s) : Quelles théories et pratiques émancipatrices dans un contexte international d'extrême droitisation ?
Le 11e congrès de l’AFS est orienté vers la thématique « Environnement(s) et inégalités ». Le RT44 « Justice et critiques sociales. Théories et pratiques émancipatrices » se propose d’ouvrir à une réflexion sur différentes dimensions de ces enjeux. Sont acceptées aussi bien des propositions théoriques (épistémologie, théories critiques...) que des propositions avec des terrains empiriques.
Axe 1 : Contexte général- Quelles catégories critiques pour penser les environnement(s) actuels ?
Alors que la notion d’anthropocène s’est largement diffusée dans le discours public ces dernières années, plusieurs alternatives théoriques ont émergé : capitalocène, androcène, plantaniocène, chthulucène… Quelle catégorie critique est-il pertinent de retenir dans une perspective intersectionnelle ?
La notion de capitalocène (par exemple chez Jason Moore) a conduit à des débats au sein de l’éco-marxisme.
On peut rappeler l’émergence de la notion de « fascisme fossile » (Zetkin collective, 2020) qui insiste sur l’antagonisme entre le fascisme et l’écologie. A l’inverse, d’autres auteurs comme Pierre Madelin, par exemple, ont mis en avant une tentation « écofasciste ». Comment peut-on éclairer le positionnement de l’extrême-droite relativement à l’écologie ?
Qu'est-ce que la catégorie de confusionnisme apporte dans ces débats ? Que dire, par exemple, des secteurs confusionnistes de l'écologisme, comme le journal La décroissance ou le collectif PMO (Pièces et Main d'Oeuvre), nés à gauche et convergeant avec des thèmes de la Manif pour tous ?
La catégorie d’extrême-droite reste-t-elle pertinente ? Faut-il lui préférer d’autres catégories théoriques comme celles de fascisme et de processus de fascisation, proposées entre autres par Ugo Palheta ? Celle de néofascisme proposée par Eric Fassin? Ou encore celle de postfascisme, développée par le philosophe hongrois Gáspár Miklós Tamás?
De manière générale, cet axe est ouvert aux débats sur les catégories théoriques qui nous permettent de penser les environnement(s) actuels dans une perspective de critiques sociales.
Axe 2 : Face au succès planétaire de l’extrême-droite, quel devoir d’inventaire sociologique pour l’écologisme et le progressisme ?
La notion d’environnement(s) sous l’angle sociologique ne renvoie pas seulement à un environnement naturel, mais également à des environnements sociaux contrastés, marqués par des inégalités sociales. Les crises sont environnementales, sociales et politiques. Ces crises se traduisent par la montée des extrêmes-droites en Europe et dans les Amériques. Quelles explications face à la montée de l’extrême droite ?
Le contraste entre l’urgence climatique et le creusement des inégalités sociales d’un côté et les succès des droites extrêmes de l'autre étonne. Sur le plan politico-normatif, rien n’y fait : même le barrage unitaire, le front républicain, l’unité syndicale ont montré des signes d’essoufflement. Autant dire qu’il n’y a pas de solution évidente. Par contre, il y a peut-être un devoir d’inventaire. Il ne s’agit pas de sombrer dans le pessimisme ou l’autoflagellation, mais de mieux comprendre pour être en mesure, ensuite, de mieux faire face. Un congrès de sociologie est un moment idéal pour esquisser un bilan analytique du progressisme, chercher des explications à la faillite de ses missions déclarées.
On peut y voir des causes structurelles, dans la modification des classes sociales : l'atomisation des classes populaires, l'affaiblissement des classes moyennes et la consolidation de la grande bourgeoisie sont de nature à effriter la démocratie. Il faut donc revenir sur des interrogations structurelles, parfois oubliées au profit du conjoncturel. L'extrême droite propose-t-elle une traduction politique de la conscience de classe triangulaire (à la fois contre "ceux d'en haut" et contre les secteurs populaires plus précarisés sous minimas sociaux, souvent racisés), analysée par Olivier Schwartz, comme imaginaire commun aux milieux populaires et aux couches moyennes votant pour elle ? Le nationalisme est-il le produit de l’émiettement des classes populaires voire moyennes ? Il s’agit de renouveler l’analyse sociologique en s’interrogeant sur les racines sociales du politique.
On peut y voir aussi des causes conjoncturelles, dans les stratégies partisanes et les politiques publiques : il est clair que les partis de gauche ou les syndicats ont perdu en légitimité. Les politiques de gauche ou les stratégies militantes sont-elles en cause ? Sont-elles parvenues à leurs fins ou ont-elles agacé sans convaincre ? On songe à l’exemple du Chili, où la force du mouvement social n’a pas su déboucher sur une refonte de la Constitution héritée de Pinochet. Ou dans un registre plus subjectif, à l’échec du NPA, qui devait grossir au-delà des courants et qui a éclaté entre trois courants. Quelles réponses à gauche pour renouer des liens entre couches populaires précarisées, secteurs populaires dont l'identité demeure associée à un travail salarié et couches moyennes sur la base d'un imaginaire émancipateur partagé ? Face à la prévalence médiatique du discours identitaire et du poids des médias ultraconservateurs sur l’agenda politique, quelles stratégies proposer pour contrecarrer, sur la base d'une ouverture internationaliste, les hybridations variables en fonction des moments entre critiques nationalistes de la mondialisation néolibérale, maintien de politiques nationales d'inspiration néolibérale et identitarisme d'extrême droite ?
Enfin, la recherche d’explication peut trouver du grain à moudre idéologique. La quête de légitimité du progressisme s’est-elle trompée de voie ? S’agit-il d’un défaut intellectuel qui rate la cible ? Doit-on faire son deuil de façons de pensée désuètes, inadaptées, créant moins d’espoirs que d’illusions ? Est-ce que les sciences sociales n’ont pas leurs travers aussi et si oui que veulent dire « sociologisme », «économicisme » (mieux connu), « politicisme », "anthropologisme" (néologismes inconnus au bataillon), « historicisme » ? Ou bien le débat a-t-il laissé la place à des rigidités intellectuelles plus radicales et moins souples les unes que les autres ?
Axe 3 : Quelles pratiques émancipatrices pour faire face aux crises environnementales actuelles ?
Quelles sont les propositions qui émergent des mouvements sociaux actuels : mouvements féministes, queer, écologistes, syndicaux, antiracistes ?
Qu'apporte la méthodologie de l'intersectionnalité aux perspectives émancipatrices ? En ne permettant plus de définir un sujet principal et unifié d'émancipation à partir de caractéristiques sociales (comme jadis "le prolétariat"), puisque sous des angles différents et/ou dans des situations différentes une même personne peut être discriminée et privilégiée, dominée et dominante, comment envisager "la convergence des luttes" ? Quid du projet d'émancipation et de l'imaginaire émancipateur dans cette perspective ? Quid de la notion de “solidarité" ?
Que dire des apports des pratiques d’éducation populaire qui favorisent la conscientisation : éducation populaire politique, pédagogies critiques, pédagogies féministes ou encore écopédagogie ?
On peut également s’intéresser dans cet axe aux pratiques d’organisation et d’action qui sont développés dans les mouvements sociaux actuels. Il peut s’agir par exemple de la notion de « désarmement » (Soulèvements de la Terre).
De manière générale, cet axe est ouvert aux propositions qui visent à produire des pratiques émancipatrices orientées vers la justice sociale et écologique.
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