L’appel à communications du RT 33 « Sociologie de la famille et de la vie privée » s’articule autour des deux notions clés qui guident ce onzième congrès de l’Association française de sociologie (AFS) : « environnement(s) » et « inégalités ».
Cet appel à communications se construit autour de cinq axes. Les trois premiers axes sont organisés par le RT33, le dernier est co-organisé avec le RT48 « Articulation des temps sociaux ». Alors que le premier axe thématique explore les environnements familiaux à travers le prisme des inégalités, nous proposons d’explorer dans un deuxième axe la place de l’écologie au sein des relations intergénérationnelles. Notre troisième axe s’intéresse au changement climatique et à l’environnement, en cherchant notamment à saisir comment ils redéfinissent la question de la procréation. La (dé)mobilisation environnementale au sein des familles et de la vie privée sera abordée dans un quatrième axe. Enfin, nous interrogerons dans un cinquième axe la manière dont l’écologie modifie ou non l’organisation des familles, les partages de tâches ainsi que les négociations qui en découlent. Nous restons ouvert·es à toute proposition de communication articulant les notions de famille, de vie privée et d’environnement(s), non seulement comme désignant la « nature », mais aussi de manière plus large, comme englobant « les différents environnements spatiaux, sociaux, matériels, politiques ou encore professionnels étudiés par les sociologues » (argumentaire général du congrès).
Environnements familiaux et inégalités
Familles et mobilités
Nous souhaitons interroger la « dimension dynamique des migrations familiales » (Ambrosini, 2008) en réponse aux nombreux changements environnementaux. Alors que certaines mobilités s’opèrent au niveau national comme le passage d’un territoire urbain à un territoire rural, la recherche de quartiers plus verts ou moins pollués, ou encore l’évitement de catastrophes, d’autres sont menées au niveau transnational. Un ensemble de questions porte sur la réalisation de ces déplacements : dans quelle mesure les facteurs environnementaux influencent-ils les stratégies de mobilité résidentielle des familles ? Quels supports permettent la réalisation des mobilités ? Quelles sont les ressources à disposition des familles, qui permettent, contraignent ou encore délimitent leurs possibilités ? Quelles inégalités socio-économiques structurent ces choix ? Pour les familles transnationales, dans quelle mesure les liens avec les membres de la famille se maintiennent-ils ? Quels sont les outils et les supports disponibles et mobilisables au maintien de ces liens ?
Outre les changements environnementaux, nous nous intéressons également aux familles qui choisissent ou, au contraire, sont contraintes de quitter leur lieu de résidence pour des raisons spécifiques : professionnelles (promotion, licenciement), familiales (agrandir sa famille, se rapprocher de ses proches, s’occuper d’un proche – de ses petits-enfants et/ou de ses parents vieillissants), conjugales (à la suite d’une séparation, d’une remise en couple), financières, institutionnelles (expulsion de son logement par exemple (Begtas et al., 2022)), etc. Nous interrogeons par ailleurs les mobilités « entre les différents lieux, notamment les lieux de famille » (Bonvalet et Lelièvre, 2005, p. 100). Dans quelle mesure ces mobilités sont-elles des « révélateurs des liens entre parents » ? (Bonvalet et Lelièvre, 2005, p. 100), d’une certaine proximité ou distance entre les différents membres de la famille ? En quoi ces mobilités redéfinissent-elles le quotidien des familles, et plus particulièrement de chacun des membres de la famille ? Comment sont-elles négociées à un niveau institutionnel et/ou à un niveau intrafamilial ? Comment les inégalités se traduisent-elles entre les familles, entre les parents et leurs enfants, ou encore entre les enfants ? Nous pouvons nous demander dans quelle mesure ces mobilités mettent en lumière des inégalités, de genre, de classe, de race, ou encore d’âge.
Familles et territoires
Dans les espaces urbains, périurbains et ruraux, les membres de la famille rencontrent des situations sociales et familiales variées en fonction de leurs caractéristiques, de leurs besoins et des difficultés qu’ils rencontrent (Terrier, Halifax, 2017). La pauvreté et la précarité des individus en milieu rural font l’objet de nombreux questionnements ces dernières années (Pagès, 2015). Dès lors, les familles sont confrontées à des difficultés économiques, sociales et spatiales importantes. Si elles touchent particulièrement les besoins de premières nécessités – se nourrir ou encore chauffer son logement – elles questionnent également l’isolement des familles. Certaines d’entre elles font également face à une « précarité énergétique » (Deffobis, 2015) en raison de l’état de leur logement et de leur localisation géographique. Ainsi, dans cet axe, il s’agira de saisir les difficultés rencontrées par les familles sur le(s) territoire(s) et la façon dont elles composent et répondent à ces difficultés.
Au contraire, certaines familles qui ont accès à des « ressources culturelles et économiques » vivent dans des espaces de vie privilégiés. Sur le versant de l’éducation, ces territoires peuvent par exemple permettre aux parents d’user de « stratégies » et ainsi « d’offrir à leurs enfants les meilleurs cheminements possibles dans le système d’enseignement », ce qui a pour conséquence de « renforce[r] les inégalités entre groupes sociaux » (Van Zanten, 2010, p.35).
Comme indiqué précédemment, les territoires ne sont pas seulement perçus à travers le prisme de la « nature », ils englobent des dimensions individuelles et familiales (Maunaye et Ramos, 2022, p. 1). Ces lieux peuvent correspondre au domicile, au quartier, à une région, ou encore à un pays, et être considérés par certaines personnes comme les « espaces du chez-soi » (Maunaye et Ramos, 2022). Le chez-soi s’appréhende à travers trois dimensions interdépendantes (Ramos, 2002, p.23) : la dimension spatiale (« la relation de l’occupant à l’espace au sens strict et à son monde matériel c’est-à-dire à son environnement physique » (Ibid., p.22)), la dimension temporelle (« le temps présent du quotidien » et « le temps long de l’histoire personnelle et familiale » (Maunaye et Ramos, 2022, p.1)) et la dimension relationnelle (comment les membres de la famille partagent les espaces et les temps, et comment ils les négocient (Ramos, 2002, p.23)). Ces espaces évoluent au cours de la vie des individus : dans quelle mesure la naissance ou le départ d’un enfant, l’arrivée d’un nouveau membre (tel qu’un beau-parent, un demi-frère/une demi-sœur, un enfant accueilli dans le cadre du placement familial…) peuvent redéfinir, tant le rapport à l’espace pour chaque occupant que les relations familiales ? Comment ces territoires sont-ils négociés et dans quelle mesure mettent-ils en lumière des inégalités entre les membres ? En quoi les inégalités sociales, économiques ou générationnelles influencent-elles la manière dont ces territoires sont perçus et investis ? Comment ces inégalités créent-elles des déséquilibres dans l’accès à certains espaces et dans les modalités de négociation au sein du foyer ? Ces questions nous amènent à examiner comment les dynamiques familiales et les asymétries relationnelles modèlent l’expérience du chez-soi et les frontières des territoires familiaux.
Écologie et approches (inter)générationnelles
La famille est principalement caractérisée par des liens entre ascendants et descendants, donc entre générations. L’approche générationnelle a fait ses preuves en ce qui concerne l’aide et le soutien, dévoilant l’organisation pratique des obligations juridiques et morales à l’égard des parents (Pennec, 2010). Ces formes de solidarité sont d’ailleurs parfois approchées comme une façon de s’acquitter de dettes vis-à-vis de ces derniers, pour leurs activités d’éducation et de soutien économique (Attias-Donfut, 2000). À ce titre, les aidant·es représentent une catégorie de l’action publique fondée sur l’idée même d’aide et de solidarité entre générations. Dès lors, la famille peut être appréhendée comme une institution réunissant des générations qui feraient maisonnée (Weber, 2003). On peut toutefois s’interroger sur les points de friction qui peuvent être liés, entre autres, aux différences d’appartenance générationnelle et à l’autonomie relative entre générations (Singly, 1993). Dans ce cadre, partant de l’écologie, il est question de saisir les façons dont l’aspect intergénérationnel de la famille est parfois producteur de proximités, mais aussi de désaccords politiques et idéologiques qui peuvent remettre en cause l’idéal de fusion entre ses membres.
Les différences entre les générations peuvent permettre de les approcher. Les générations plus âgées se montrent à la fois plus sceptiques à l'égard des initiatives écologiques en comparaison aux jeunes générations, tout en adoptant davantage de pratiques labellisées comme favorables au développement durable par les organismes publics. Cet écart, entre « pratiques » et « attitudes » écocitoyennes (Ginsburger, 2020) pourra être interrogé à l’aune de la vie familiale : quelles pratiques sont considérées comme écocitoyennes et par qui ? Quelles familles se considèrent comme sensibles aux préoccupations écologiques ? Lesquelles épousent les « normes écocitoyennes » promues par les pouvoirs publics depuis les années 90 ? À l’intérieur des familles, que disent les transmissions de pratiques et/ou d’idées écocitoyennes à propos des relations entre les membres ? Dans quel sens intergénérationnel ces transmissions ont-elles lieu ? Par quels moyens ?
Changement climatique, environnement et procréation
Plusieurs études récentes ont exploré la relation entre le changement climatique, l'environnement et la fertilité (Barreca et al., 2018 ; Gerlach et al., 2022 ; Hajdu, 2024), montrant comment les changements environnementaux affectent à la fois la fertilité masculine et féminine, les structures familiales, le comportement reproductif, ainsi que le choix d'avoir ou de ne pas avoir d'enfants. L’incertitude créée par la dégradation de l'environnement, particulièrement pour les jeunes générations, conduit à une remise en question du désir de parentalité (Veaux et Roux, 2023). Des mouvements et réseaux de personnes se forment et refusent de procréer pour des raisons écologiques. Cette tendance alimente des recherches sur le choix d'une vie sans enfant, un phénomène désormais étudié en tant que tel (Debest, 2014 ; Gotman, 2017).
Bien que souvent considéré sous l'angle des parcours professionnels ou relationnels, le rôle des préoccupations écologiques dans ces décisions reste encore peu exploré. On peut notamment se demander comment les inquiétudes sur la préservation de l’environnement influencent les décisions procréatives et quelles sont les caractéristiques sociodémographiques des acteur·ices qui avancent ces justifications. Ces motivations écologiques s'entremêlent-elles avec d'autres dimensions sociales et d'autres formes de politisation, féministe par exemple ? Les convictions écologiques ne se limitent pas aux comportements reproductifs ; elles transforment également les pratiques prénatales. La critique de l’hypermédicalisation du corps des femmes et la diffusion de la pensée écoféministe incitent certaines femmes à opter pour un accouchement « naturel » (Della Sudda et Mosconi, 2018), alourdissant d'autant plus le travail parental des femmes (Quagliariello, 2017). Ainsi, les communications explorant ces pratiques, leurs promoteur·ices et leurs justifications seront les bienvenues.
Au-delà de l'impact direct de l'écologie sur la procréation, il est crucial de comprendre comment les politiques publiques et les régulations institutionnelles prennent en compte ces enjeux. Les politiques environnementales influencent-elles les décisions des familles, par exemple via des normes de santé ? L’approche « One Health » qui propose une intégration des politiques environnementales et de santé reproductive, peut-elle constituer un levier stratégique pour les politiques publiques afin de répondre aux défis posés par le changement climatique dû à la fertilité des populations ? (Lombardi, Pascucci, 2024, à paraître).
(Dé)mobilisations environnementales
Au sein des familles…
À partir de l’exploration des mobilisations environnementales au sein des familles, on se demandera dans quelle mesure l’adhésion aux principes écologiques les positionnent sur l’échiquier social et peut être interprétée comme une pratique distinctive (Ginsburger, Madon, 2023). Que l’on pense aux choix des femmes en matière d’hygiène féminine (produits menstruels réutilisables, soins corporels naturels, etc.) et à leur impact sur l’engagement écologique ; ou à la revalorisation des méthodes parentales « naturelles » (Landour, 2016) : ces pratiques – dont certaines vont par ailleurs de pair avec une norme de maternité intensive, augmentant ainsi le temps consacré aux tâches parentales des femmes (Déchaux et Le Pape, 2021, p. 48-49) – agissent-elles comme un outil de distinction, notamment chez les femmes des classes moyennes et supérieures ? Aussi, comment l'engagement écologique devient-il un élément constitutif de l'identité familiale ? Certaines familles se définissent-elles à travers leurs pratiques environnementales ? Dans quelle mesure le numérique est-il par exemple utilisé pour médiatiser les pratiques environnementales au sein des familles ? On pourra du reste s’intéresser à des formes d’instrumentalisation d’une écologie dite « intégrale » par des familles et mouvements conservateurs dans le but de réaffirmer un ordre de genre traditionnel (Della Sudda, 2022).
Souvent perçues comme écocitoyennes, ces pratiques durables et socialement situées soulèvent par ailleurs des questions sur leur adoption au sein des familles. Comment, par contraste, appréhender l’inaction des familles en matière d’engagement écologique ? Quelles sont les barrières à l'engagement écologique au sein des familles et comment les facteurs économiques et culturels peuvent-ils limiter leur diffusion ?
… et de la vie privée
Cet axe propose aussi d'étudier les (dé)mobilisations environnementales au sein d’autres liens structurants de la vie privée, aux frontières de la famille. Ces « Intimités relationnelles contemporaines » ont été questionnées les 19 et 20 septembre 2024 lors de deux journées d’études organisées par le RT28 « Recherches en sciences sociales sur la sexualité » et le RT33 « Sociologie de la famille et de la vie privée » (
programme).
Les convictions écologiques peuvent impacter les relations intimes au sens large, comprises comme toute relation ou histoire dans lesquelles des individus mettent en œuvre des échanges relationnels, affectifs et/ou sexuels. Avant même la formation d’une relation, elles peuvent orienter la recherche d'un·e futur·e partenaire selon une « préselection » constituant selon Marie Bergström (2019), « une vraie nouveauté par rapport aux rencontres traditionnelles » autant que l’« un des aspects les plus controversés des rencontres en ligne ». Plusieurs applications de rencontre (OKCupid, Tinder, Bumble, etc.) proposent, dans la liste des intérêts que leurs usagers doivent renseigner, la lutte contre le réchauffement climatique, voire des filtres pour les profils vegans ou végétariens. Le concept de greendating, qui met l’accent sur les valeurs écologiques dans les relations amoureuses, est particulièrement observé chez les jeunes générations. Peut-on pour autant affirmer que les valeurs environnementales deviennent de nouveaux critères de rencontre ? Contribuent-elles à renforcer des logiques homogamiques ?
Plus encore, l’importance accordée aux valeurs écologiques influence le fonctionnement même d’une relation amoureuse. Elles peuvent représenter une nouvelle forme de charge mentale, générer des conflits entre les partenaires, et donner lieu à de nouvelles pratiques comme l’écosexualité et le sexe écologique. Comment ces préoccupations redéfinissent-elles les pratiques et les représentations des relations intimes ? On pourra enfin s’interroger sur la place prise par les préoccupations écologiques dans les relations amicales (ou de sororité), qui partagent parfois des logements, s’inscrivent dans des communautés et réseaux de soins spécifiques (Raybaud, 2024) et constituent alors des alternatives à la vie conjugale cohabitante. Prendre pour objet l’analyse de la conscience écologique dans ces formes relationnelles permet par ailleurs « d’éclairer la forte porosité des frontières entre amour et amitié (Rich, 1981 ; Wauthier, 2022 ; Combessie, 2014 ; Guay & Chaulet, 2023), entre relation sexuelle éphémère et sérieuse (Garcia, 2016, 2021), ou encore entre colocation et concubinage (Martin et al., 2011) » (extrait de
l’appel à communication des JE Intimités relationnelles contemporaines).
Références bibliographiques mentionnées dans l’appel à communications
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Modalités de dépôt des communications
Les propositions de communication sont à déposer, avant le 15 janvier 2025, sur le site de l’AFS
L’appel à communications est ouvert à tout·e·s les doctorant·es et docteur·es dont les travaux portent sur les enjeux entourant environnement(s) et inégalités dans le champ de la famille et de la vie privée.
Après avoir précisé dans quel axe votre proposition, d’une page maximum, s’inscrit, celle-ci devra être composée :
- de votre nom et prénom ;
- de votre institution de rattachement ;
- de votre adresse mail ;
- d’un titre ;
- d’un bref argumentaire sur la méthode ;
- des objectifs et des résultats de recherche.
Les propositions seront évaluées par les membres du bureau. Une attention particulière sera portée à l'adéquation entre la construction de la problématique, de la méthode et la présentation des résultats.
Les réponses seront transmises mi-février et les interventions sélectionnées seront inscrites dans le programme que nous vous communiquerons début avril. Pour toute question, vous pouvez nous écrire à : rt33famille@gmail.com
Membres du bureau : Elphège Amossé, Lucie Anselmi, Louise Déjeans, Christophe Giraud, Margot Lenouvel, Rosalia Lombardi, Daria Malyuta (Vedenyapina), Anaïs Mary, Camille Roudaut, Svetlana Russkikh, Sarah Yvon.
Informations pratiques
Pour participer au Congrès, il faudra adhérer à l’AFS et s’acquitter de droits d’inscription. Lors du précédent Congrès de 2023, l’adhésion s’élevait à 41€ pour les non-titulaires et 103€ pour les titulaires ; l’inscription au Congrès à 61€ pour les non-titulaires et 152€ pour les titulaires. Les tarifs pour le Congrès de Toulouse seront légèrement plus élevés (inflation). Les collègues non-titulaires qui ne peuvent être financé·es par leur laboratoire pourront, sur présentation de dossier, être exonéré·es des droits d’inscription et bénéficier d’une aide pour le transport et le logement. La procédure pour la demande d’exonération des droits d’inscription sera précisée plus tard.
L’accès au Congrès se veut le plus inclusif possible :
- Des dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles seront mis en place.
- Si vous avez besoin de services d’accompagnement en raison d’une situation de handicap, vous pourrez le signaler dans le cas où votre communication est retenue. Le comité d’organisation mettra tout en œuvre pour essayer de répondre à vos demandes.
- Si vous avez besoin de services de crèche pendant le Congrès vous pourrez le signaler au moment de l’inscription. Le comité local essayera de proposer un mode de garde.