La question des inégalités sociales est au cœur des préoccupations théoriques et empiriques de nombreux groupes professionnels appartenant à des segments distincts (Strauss, 1984 ; Hénaut, Poulard, 2018) de la sphère de l’éducation. Plus récemment, les thématiques de « l’environnement » se sont imposées dans ces réflexions et les actions mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre les inégalités éducatives. Il s’agit ici d’appréhender les effets de la combinaison de ces questionnements sur les pratiques professionnelles des enseignant·es, des personnels non enseignants (par exemple, des domaines de la vie scolaire, de l’animation, de la direction, etc. (Tardif, Le Vasseur, 2010) et des personnels de la formation.
Cet appel cherche à mobiliser la sociologie de l’éducation et celle des groupes professionnels pour permettre de comprendre comment l’essor de la thématique « environnementale » transforme ou non les représentations, les mandats, les
licenses (Hughes, 1996), les pratiques et les identités des professionnel·les au sein des établissements éducatifs.
Une première piste de questionnement pourra porter sur les personnels de l’éducation, destinataires de discours politiques et institutionnels qui visent à les sensibiliser à la question environnementale et aux « problèmes climatiques », les enjoignant d’endosser un rôle engagé pour « sauver la planète » (Blanchard & al., 2022). Ainsi, apparaissent de nouveaux termes ou concepts, comme « développement durable », qu’il est important de contextualiser et d’analyser (Chetouani, 2014). Ces discours prennent plus ou moins la forme d’injonctions comportementales, formelles et informelles, et émanent de producteur·ices divers·es, plus ou moins éloigné·es des personnels de l’éducation : médias, ministères, employeur·ses, etc.
De ce fait, il sera intéressant d’interroger les transformations curriculaires à l’œuvre (Forquin, 1984). Quels sont les concepts mobilisés et quelle place ont-ils dans les programmes ? Qui les produit ? Comment les professionnel·les sont-iels formé·es à ces questions et de quelle manière réceptionnent-iels ces discours ? Quels effets ont-ils sur leur rapport à leur métier ? Comment les représentant·es des groupes professionnels les intègrent-iels dans leur rhétorique (Paradeise, 1985) ? Et enfin, quels effets cela a-t-il sur les relations entre ces groupes professionnels ? Pour cela il nous apparaît essentiel de prendre en compte leurs diversités d’origine : sociales, statutaires, territoriales, de race, de genre et d’âge (Farges, 2017).
Par ailleurs, comme toutes politiques publiques, celles relevant des problématiques environnementales génèrent la construction ou le repérage de « nouveaux besoins », et de l’émergence de nouveaux métiers ou fonctions. L’État et ses ministères, les établissements publics et les structures privées de l’éducation mettent en place des postes de professionnel·les chargé·es de relayer leurs orientations en matière d’environnement. Ainsi, quels sont les mandats attribués et revendiqués à/par ces « expert·es du climat » ? Quelle place est attribuée à ces expert·es dans les établissements ? De nouveaux savoirs ou référentiels apparaissent-ils, ou les anciens sont-ils « recyclés » ? Comment la question des inégalités sociales et des propriétés sociales des élèves, des étudiant·es et des stagiaires est-elle prise en compte ? Assiste-t-on à une prise en considération des difficultés et des situations des publics ou constate-t-on un « habillage de circonstance » des contenus pédagogiques ?
Enfin, il s’agira d’observer comment les publics réceptionnent ces nouveaux contenus, ces nouveaux savoirs (Lignier & Pagis, 2017) ? Que révèle une analyse intersectionnelle de la rencontre entre les contenus pédagogiques et leurs destinataires ? Les publics qui en sont destinataires modifient-ils leurs représentations et leurs pratiques environnementales et si oui, de quelles manières ?
Références bibliographiques
Barthes A., Alpe Y. (2013), « Le curriculum caché du développement durable »,
Penser l’éducation, n° ,1, vol. 36, pp. 101-121.
Blanchard M., Bouchet-Valat M., Cartron D., Greffion J., Gros J. (2022),
Inquiets mais pollueurs : une enquête sur le personnel de la recherche française face au changement climatique, Document de travail, Ined Éditions.
Chetouani L. (2014), « Conceptualisation de la notion de « développement durable » en EDD : une affaire de vocabulaire », in A. Diemer, C. Marquat (dir.).
Éducation au développement durable. Enjeux et controverses, Louvain-la-Neuve, de Boeck, p. 33-56.
Farges G. (2017),
Les mondes enseignants, Paris, PUF.
Forquin J.-C. (1984), « La sociologie du curriculum en Grande-Bretagne : une nouvelle approche des enjeux sociaux de la scolarisation »,
Revue française de sociologie, n° 25, vol. 2, p. 213-232.
Hénaut L., Poulard F. (2018), « Faire groupe au sein d’un groupe : la structuration des segments professionnels »,
SociologieS,
http://journals.openedition.org/sociologies/8798
Hughes, E. C. (1996).
Le regard sociologique. Essais choisis. Editions de l’EHESS.
Lignier W., Pagis, J. (2017),
L’Enfance de l’ordre. Comment les enfants perçoivent le monde social, Paris, Seuil.
Martel C., Wagnon S. (2022),
L’école dans et avec la nature. La révolution pédagogique du XXIe siècle, Paris, ESF Sciences humaines.
Paradeise C., (1985), « Rhétorique professionnelle et expertise »,
Sociologie du travail, n°1, janvier-mars, pp. 17-3.
Strauss A. (1984), « Social Worlds and their Segmentation Processes »,
Studies in Symbolic Interaction, n° 5, pp. 123-139.
Tardif M., Le vasseur L. (2010),
La division du travail éducatif , Une perspective nord-américaine. Paris, Presses Universitaires de France.
Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à déposer avant le
17 janvier 2025 sur le site de l’AFS.
Elles ne dépasseront pas 3 500 signes espaces compris, hors bibliographie et titre. Elles seront déposées dans l’onglet “proposition” sur l’interface de l’AFS.
Contacts en cas de besoin : Samuel Pinto (RT4)
samuel.pinto@univ-reims.fr, Alicia Jacquot (RT4)
alicia.jacquot@univ-rennes.fr, Rémi deslyper
Remi.Deslyper@univ-lyon2.fr, Sophie Divay (RT1) sophie.divay@univ-reims.fr
Modalités d’évaluation
Les propositions devront articuler les approches sociologiques propres aux deux RT des sessions jointes. Leurs travaux devront être fondés sur les enquêtes de terrain. L'évaluation sera réalisée par les membres des deux RT.
Participation au Congrès
Pour participer au Congrès, il faudra adhérer à l’AFS et s’acquitter de droits d’inscription. Lors du précédent Congrès de 2023, l’adhésion s’élevait à 41€ pour les non-titulaires et 103€ pour les titulaires ; l’inscription au Congrès à 61€ pour les non-titulaires et 152€ pour les titulaires. Les collègues non-titulaires qui ne peuvent être financé·es par leur laboratoire pourront, sur présentation de dossier, être exonéré·es des droits d’inscription et bénéficier d’une aide pour le transport et le logement. La procédure pour la demande d’exonération des droits d’inscription sera précisée plus tard.
L’accès au Congrès se veut le plus inclusif possible :
- Des dispositifs de lutte contre les violences sexistes et sexuelles seront mis en place.
- Si vous avez besoin de services d’accompagnement en raison d’une situation de handicap, vous pourrez le signaler dans le cas où votre communication est retenue. Le comité d’organisation mettra tout en œuvre pour essayer de répondre à vos demandes.
- Si vous avez besoin de services de crèche pendant le Congrès vous pourrez le signaler au moment de l’inscription. Le comité local essayera de proposer un mode de garde.