RT9

AAC RT9 Lille 2021

La thématique transversale du prochain congrès de l’AFS de 2021, « Changer ? », rejoint une problématique classique de la sociologie urbaine et des territoires : celle des « changements urbains ». Sans renoncer à accueillir des recherches originales qui pourraient être proposées sur cette thématique, le bureau du RT9 a néanmoins fait le choix d’axer son appel à communications vers des problématiques plus contemporaines et moins explorées en relation avec le thème « Changer ? ». L’esprit et l’enjeu de cet appel peuvent se résumer ainsi : saisir les effets de la conjoncture historique actuelle – marquée par la pandémie de Covid-19, la montée des préoccupations environnementales, la recrudescence des inégalités et la multiplication des crises politiques dans de nombreux pays – sur les dynamiques socio-spatiales des villes et des territoires (peuplement, usages, mobilités, politiques d’aménagement et de logement, etc.), et sur les manières d’étudier ces dernières. L’inscription sociologique et contemporaine de notre réflexion n’est évidemment pas incompatible avec des travaux apportant une perspective historique et inter-disciplinaire sur ces enjeux. Pour traiter ces problématiques, l’appel à communications se décline en six axes thématiques, dont deux donneront lieu à des sessions coorganisées avec le RT34 « Sociologie politique » et le RT42 « Sociologie des élites ». Le bureau du RT9 privilégiera des propositions de communication reposant sur des enquêtes empiriques, aussi bien quantitatives qu’ethnographiques ou autres, menées en France comme à l’étranger.

Axe 1. La recherche urbaine en changement(s)

La crise du Covid-19 – à court terme – et la montée en puissance des préoccupations environnementales – à plus long terme – mettent aujourd’hui en question les pratiques de recherche, notamment au niveau international (voyages de terrain et séjours de recherche à l’étranger, participation régulière à des colloques à l’autre bout du monde, forte valorisation des consortiums de recherche internationaux dans les appels à projets, etc.). Ces évolutions semblent susceptibles de faire évoluer durablement le travail des sociologues de la ville et des territoires. Alors que nos recherches présentent la spécificité de revendiquer une forte inscription spatiale, faut-il envisager de « réduire la voilure » et redéfinir les échelles pertinentes (et soutenables) de la comparaison inter-urbaine ? Ce nouveau contexte peut-il accompagner un ralentissement « vertueux » de la pratique scientifique (dans l’esprit de la « slow science ») ou faut-il craindre, au contraire, que le basculement en ligne d’une grande partie de la vie scientifique n’accélère encore les rythmes de travail (collecte de données, analyses, productions d’articles et ouvrages scientifiques)? Plus largement, ce premier axe entend développer un ensemble d’interrogations pratiques sur la manière dont le nouveau contexte sanitaire affecte le travail de terrain, et peut-être aussi la définition même des objets de recherche : l’enquête ethnographique, qui implique de s’inscrire dans la durée dans un milieu d’interconnaissances, et souvent d'entrer au domicile des ménages, est-elle possible en contexte de circulation intense du virus et d’incertitude réglementaire permanente ? Quid de l’accès aux enquêté·e·s (et en particulier aux plus fragiles d’entre elle/eux sur le plan sanitaire – comorbidité, âge avancé), qu’il s’agisse de renseigner un questionnaire ou de conduire un entretien plus long ? De ce point de vue, la crise sanitaire semble avoir facilité la pratique de l’enquête à distance, par téléphone ou visio-conférence, parfois sans analyser de manière réflexive les effets que produit cette situation nouvelle sur la production des discours. Si cette tendance ouvre de nouvelles perspectives méthodologiques, on peut se demander si elle ne va pas de pair avec une injonction à produire toujours plus, en offrant les conditions d’un meilleur rendement de l’enquête qualitative. De même, comment la multiplication des enquêtes en ligne, dont les taux d’abandon et la représentativité sont moins facilement contrôlés, vient-elle transformer notre compréhension des territoires ? Faut-il craindre la montée en puissance d’une sociologie « hors-sol » ? Plus largement, ce premier axe invite à réfléchir à la façon dont différentes formes d’évolutions sociales, politiques mais aussi technologiques (à l’image du développement du numérique et des Big data), remettent ou sont susceptibles de remettre en cause la pratique et la conception de la recherche urbaine.

Axe 2. La revanche du logement ?

Le confinement a considérablement renforcé le poids du logement dans le déroulement de la vie sociale et familiale. De nombreuses activités y sont aujourd'hui « confinées » (travail, loisirs, éducation, sociabilité amicale ou familiale, etc.), se superposant parfois dans l'espace (même pièce) et/ou dans le temps (avec l'affaiblissement des frontières entre la sphère privée et la sphère professionnelle/publique notamment). Alors que l’appréhension des inégalités de logement repose habituellement sur des comparaisons entre ménages, la crise sanitaire implique non seulement d'intensifier l'étude des écarts de conditions de vie entre groupes sociaux (qui continuent à se creuser avec l'installation de la pandémie dans la durée), mais aussi d’analyser de manière plus systématique et plus approfondie les inégalités qui se jouent au sein même des ménages (en fonction du sexe, de la position dans la famille, de l'âge, ou encore de l'origine sociale et des statuts d'emploi respectifs des conjoints).  En effet, le confinement éclate dans un contexte historique où les inégalités de patrimoine, d'accès à la propriété, de répartition dans la ville se sont déjà intensifiées depuis le tournant des années 2000. Mais il constitue aussi un moment spécifique de retrait relatif de l’État social, amené à suspendre certaines de ses fonctions  d’éducation, d’aide et d’accompagnement des familles, de prise en charge des populations fragiles et dépendantes, de fermeture des guichets de service public (de manière massivelors du premier confinement et, dans une moindre mesure, à nouveau lors de  l'automne 2020), en même temps que le recours aux services du secteur marchand dans l'organisation du quotidien (ménage, garde d'enfants, etc.) est rendu plus difficile. Suite aux résultats des premières enquêtes menées pendant et sur le confinement (comme l'enquête Coconel-Logement et conditions de vie de l'Ined, qui souligne par exemple l'exacerbation des écarts de conditions de télétravail entre les femmes et les hommes, notamment dans le groupe des cadres, aux conditions de logement a priori plus favorables), ce second axe entend développer plusieurs pistes d’analyse, comme les usages et la transformation des modes d'appropriation du logement, la prise en charge des tâches parentales et domestiques et, plus largement, la recomposition des rôles sexués au sein de la sphère privée. Il s'agira, dans la mesure du possible, de croiser les inégalités entre classes sociales et genres pour voir comment les individus, au sein des groupes domestiques, se trouvent confronté·e·s, de manière temporaire ou prolongée, à une détérioration de leurs conditions d'existence, ou au contraire tirent profit du contexte spécifique pour asseoir leur statut social et leur autonomie. En outre, cet axe sera l'occasion d'interroger les discours sur « la revanche du pavillon » et « le retour des campagnes » qui fleurissent dans la presse et les médias en ligne depuis le confinement du printemps 2020. Par la confrontation de ces discours avec des analyses empiriques reposant sur des données statistiques et/ou qualitatives, il s'agira de discuter l'ampleur de ces changements, leur caractère socialement et géographiquement situé, ou encore leur caractère éphémère ou durable. Les analyses proposées dans cet axe pourront aussi rendre compte des arbitrages et des rapports de pouvoir auxquels ces mobilités résidentielles (espérées ou réalisées) donnent lieu au sein des couples et des familles (par exemple en matière de localisation, de distance à l’emploi, à la famille ou encore de type de logement).

Axe 3 : La fin des mobilités élitaires ? (Session croisée avec le RT42 « Sociologie des élites »)

Si la crise sanitaire mondiale a creusé les inégalités socio-économiques et socio-spatiales dans le cadre national comme au niveau international, elle semble néanmoins avoir affecté les conditions de vie et les pratiques professionnelles observables dans toutes les classes sociales selon des modalités spécifiques à chacune, qu'il s'agit ici de documenter en s'attachant aux « élites ». La multirésidentialité caractérisant les classes supérieures a ainsi pu être une ressource pour traverser la crise dans de bonnes conditions matérielles et limiter l'exposition aux risques de contamination. Toutefois, les limitations réglementaires apportées au régime de mobilité internationale qui constituait un cadre stable de la construction de capital social et d'affirmation d'une distinction culturelle ont notamment affecté les conditions de réalisation du « cursus honorum » des enfants des classes supérieures. Les déplacements aériens sont par ailleurs remis en cause par les mouvements écologistes qui soulignent leur coût environnemental. Comment et dans quelle mesure ces contraintes de mobilité affectent-elles actuellement et pourraient-elles affecter durablement les stratégies de reproduction des classes supérieures ? Dans une large mesure, il apparaît que les fractions les plus dotées en capital économique ont eu les moyens financiers de se soustraire aux assignations territoriales et aux périodes de confinement (résidences secondaires et multi-propriété de logements, possession de jets privés et de yachts ou recours à des services privés et exclusifs de transport, achat de passeports et permis de résidence dans des pays épargnés par la pandémie, entre autres), alors que les moins internationalisées ont pu être entravées dans leurs déplacements et l'accès à leurs lieux de socialisation (clubs, festivals, courses hippiques, autres manifestations mondaines, etc.). Sur le plan scolaire comme dans les espaces de travail et de loisir, la différenciation parmi les fractions des classes supérieures semble s'être approfondie, produisant à la fois des effets de déclassement et d'enrichissement, d'auto-ségrégation et d'exclusion au sein même des groupes élitaires. Au-delà de l'actualité, cet axe vise à rassembler des communications qui se proposent d'examiner les « changements » affectant les mobilités élitaires et ce que ces mobilités font aux territoires qu'elles s'approprient, délaissent ou traversent. Il est peut-être encore trop tôt pour analyser à quel point ces changements de mode de vie affectent en retour des catégories de l'action publique à l'égard des villes et des territoires, telles que « l'attractivité internationale » ou les modes de production de grands événements, mais le repérage des reformulations d'agendas, des controverses et des mobilisations mettant implicitement en question les cadres transnationaux de la gestion urbaine et les modes de vie cosmopolites peut permettre d'enrichir cette perspective. Pour ce thème, les propositions de communication sont à déposer sur la pape dédiée à cette session croisée.

Axe 4 : Les effets politiques des changements urbains (Session croisée avec le RT34 « Sociologie politique »)

Les dernières élections municipales, fortement perturbées par l’épidémie de Covid-19, ont vu un grand nombre de villes – et notamment de capitales régionales – changer de majorité politique, au profit de listes d’appartenance ou de sensibilité écologiste (comme à Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou Besançon). Or les questions urbaines (logement, mobilités, peuplement, aménagement, etc.), remises au-devant de la scène par la crise sanitaire, semblent avoir joué un rôle décisif dans ces basculements politiques locaux. L’enjeu de cette session croisée entre le RT9 et le RT34 est d’interroger la place des dynamiques et des politiques urbaines au cours des élections municipales de 2020, depuis l’organisation de la campagne électorale jusqu’aux résultats du scrutin. Les communications pourront tout d’abord, de manière classique, étudier les liens entre les transformations du peuplement urbain et les changements de majorité électorale locale. L’évolution de la composition sociale des villes constitue l’un des prismes habituels à travers lequel est interprétée et commentée l’issue des scrutins municipaux, par exemple la victoire de têtes de liste écologistes à Marseille ou à Bordeaux en 2020. À distance des cadrages médiatiques (par exemple le succès de la catégorie de « bobos » comme clef d’explication des victoires de la gauche dans les grandes villes depuis 2001), les communications pourront interroger la place relative des dynamiques de peuplement urbain (ségrégation, gentrification, désertification, relégation, politiques de mixité sociale, etc.), mais aussi les controverses autour de cette question lors de la campagne. Dans quelle mesure le basculement politique de villes, comme Lyon et Marseille (pour la gauche) ou comme Auxerre et Perpignan (pour la droite et l’extrême droite), renvoie-t-il ou non à l’évolution de leur structure socio-spatiale ? En quoi ces changements à la tête du pouvoir municipal reflètent-ils des redistributions dans les rapports de force entre des intérêts sociaux territorialisés ? Signent-ils le succès de nouvelles coalitions ? Quel est le poids de la situation historique et politique particulière (marquée par la crise sanitaire, les crises de succession partisane, ou encore un niveau très élevé d’abstention) dans laquelle se sont déroulés ces scrutins en mars et juin 2020 ? Face aux diverses mutations urbaines et dans cette conjoncture singulière, qu’en est-il des soutiens apportés localement « En Marche », mais aussi à des entreprises concurrentes, notamment dans des territoires urbains qui lui avaient été favorables lors de précédents scrutins (nationaux et européens) ? En lien avec ce premier point, un second angle d’analyse serait d’interroger la place des enjeux urbains – comme l’envolée des prix de l’immobilier, la crise du « logement abordable », les politiques de rénovation urbaine ou de gentrification commerciale, les grands projets d’aménagement ou encore la transformation des modes de mobilité – dans ces élections municipales. Plutôt que d’opposer un « vote sur enjeux » à un « vote de classe » (influencé par les propriétés sociales des votants), les communications pourront analyser les usages sociaux et politiques de ces enjeux en questionnant : d’une part, le processus de politisation de ces enjeux urbains dans le cadre de mobilisations locales (au-dedans ou en dehors de cadres partisans, qui semblent largement s’éroder en tendance) ; d’autre part, leur inégale appropriation par les différents groupes sociaux, les effets de ces appropriations inégales sur les dynamiques de mobilisation et de participation électorale, voire sur l’issue des scrutins. L’enjeu de la session serait de faire apparaître précisément les mécanismes et opérateurs d’intermédiation par lesquels des dynamiques socio-spatiales caractéristiques produisent des effets politiques, et singulièrement des effets électoraux. Pour le dire en utilisant les catégories forgées par Daniel Gaxie et Patrick Lehingue, comment les enjeux externes deviennent-ils (ou pas) des enjeux internes du champ politique à la faveur des élections ? En retour, les comportements électoraux peuvent se révéler des points de départ fructueux pour reconsidérer finement les nuances et les mouvements de la stratification sociale urbaine. En quoi le vote peut-il être analysé comme une modalité d’occupation de l’espace et de revendication d’un droit à le façonner ? Si ces questionnements s’orientent largement vers les scrutins municipaux de 2020, des mises en relation avec des élections antérieures, ou dans d’autres pays, permettant d’apprécier la portée d’éventuels changements ou de phénomènes d’inertie, sont les bienvenues. Pour ce thème, les propositions de communication sont à déposer sur la pape dédiée à cette session croisée.

Axe 5 : Le tournant écologique des villes ?

Si les préoccupations pour la « ville durable » (sustainable city) ne sont pas nouvelles, les élections municipales 2020 ont mis sur le devant de la scène des propositions pour rendre les villes françaises plus écologiques. Derrière les effets d’annonce, peut-on parler d’une mise à l’agenda de nouvelles politiques écologiques dans les villes ? S’agit-il de projets écologiques d’envergure ou d’une forme de greenwashing ? Quels acteurs participent à ces potentielles transformations ? Que visent ces projets politiques en termes d'aménagement urbain, de gestion des espaces publics, de politiques du logement et de pratiques citadines ? Quels sont éventuellement leurs premiers effets ou leurs conséquences sur l'espace urbain et les groupes sociaux qui y vivent ? Les communications pourront, à partir du cas d’une ville ou de plusieurs, revenir sur l’évolution du traitement des enjeux écologiques et/ou environnementaux du point de vue des acteurs du secteur public mais aussi du privé, par le biais notamment de partenariats public-privé. Les travaux pourront interroger l’existence de ce tournant écologique, ses spécificités, son historicité, les niveaux de l’action menée et les référentiels en vigueur.  On pourra également analyser à la fois les représentations et projets politiques qui les sous-tendent et les moyens et outils de mise en œuvre plus concrète dans des espaces urbains spécifiques. L’écologisation ne concerne pas uniquement les politiques urbaines mais aussi les styles de vie des citadins. Les communications pourront également se centrer sur les changements et les mutations qu'engage un tel « tournant ». La question des styles de vie englobe a priori une grande variété de pratiques et de manières de vivre : la consommation (alimentaire, énergétique, notamment) et ses lieux dédiés, les déplacements et les mobilités urbaines, la vie domestique et les pratiques du logement, les sorties, les loisirs et les aménités urbaines, par exemple. Elle amène également à tenir compte des différents groupes sociaux et de leurs ressources inégales. Comment les inégalités sociales affectent-elles les projets d'écologisation urbaine et, réciproquement, comment ces projets de transformation se confrontent-ils à des styles de vie différenciés et des conditions de vie inégales ? Dans le contexte de la pandémie actuelle, des communications pourront enfin aborder les liens entre crise sanitaire et mutations écologiques en ville. Les mesures de prévention sanitaire et de confinement ont en effet reformulé de façon spécifique certaines problématiques écologiques déjà anciennes, notamment dans les métropoles : approvisionnement et circuits alimentaires ; transports en commun et mobilités citadines ; accès à la nature et aux espaces verts ; pollution urbaine et risques sanitaires. Le recours très inégal au télétravail pendant la crise sanitaire est-il l'indicateur de l'inertie des comportements de mobilité et de l'organisation des déplacements urbains, ou au contraire un signe de l’accentuation des clivages entre catégories socio-professionnelles (entre les professions équipées et à mêmes de télétravailler, et les autres) ? La crise sanitaire joue-t-elle paradoxalement un rôle moteur dans le « tournant écologique » urbain ? À quels obstacles et limites confronte-t-elle l'action publique et les citadins ?

Axe 6 : Bonus track | Les changements urbains

Pour finir, rappelons que des travaux et propositions originales portant sur les questions plus classiques liées au(x) « changement(s) urbain(s) » seront bien entendu également appréciés et évalués.  
Comment proposer une communication ? Les propositions de communication (3000 signes maximum, espaces compris, hors bibliographie) sont à déposer jusqu'au 15 février 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page). Elles devront impérativement répondre aux normes suivantes pour faciliter l’opération d’anonymisation : Page 1 : Nom, Prénom Institution de rattachement Adresse mail de contact Page 2 : Axe(s) souhaité(s) Titre de la communication Résumé de la communication (cadre théorique et matériaux empiriques à préciser).   Les résultats seront transmis aux auteur-e-s fin mars 2021.   Le bureau du RT9
 












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