Bien que les organisations syndicales conservent dans la fonction publique une implantation significative et malgré l’existence de sociabilités syndicales favorisant la formulation de discours critiques sur le travail et sa dégradation (Alfandari, 2017 ; Siblot, 2018), la mise en place de dispositifs de prévention en santé au travail et la reconnaissance des maux du travail y rencontrent de sérieux obstacles. Les employeurs publics échappent à toute mesure coercitive en cas de manquement à leurs obligations de sécurité et de prévention de la santé des agents. Ils sont leurs propres assureurs en matière de santé au travail des agents, domaine où ils deviennent juges et parties (Gaboriau, 2020). Les dispositifs de prévention et de réparation des risques professionnels y sont très inégalement développés et largement moins disant que dans le secteur privé (Join-Lambert, 2003 ; Tcham, 2017 ; Collectif 350 tonnes et des poussières, à paraître). Comment cette configuration pèse (ou non) sur les négociations des enjeux de santé au travail dans la fonction publique ?
Nous nous proposons d'étudier cette question à partir du cas exceptionnel du « Tripode », immeuble inter-administratif où plus d'un millier d’agents relevant des affaires étrangères, du trésor public et de l'INSEE a été exposé à 350 tonnes d'amiante. Une intersyndicale (CGT, CFDT, FO principalement) y a négocié un suivi médical post-exposition à l’amiante. Nous analyserons les archives jusqu’alors inexploitées de cette intersyndicale, déposées au Centre d’histoire du travail de Nantes. Notre propos se fonde également sur une trentaine d’entretiens semi-directifs menés avec les ex-agent·e·s du Tripode et leurs représentant·e·s syndicales (n=23), des médecins de prévention (n=2), des représentants de l’administration (n=4) et les ayant-droit des agent·e·s décédés (n=2).
L'obtention de ce suivi médical post-exposition à l'amiante en 1991 est exceptionnelle car le dispositif est négocié avant même d'être reconnu par la législation dans le secteur privé en 1993 puis dans le secteur public en 2009 (Counil, Lysaniuk, et Marchand 2012). Dans ce cas, la reconnaissances des atteintes à la santé semble requérir des mobilisations exceptionnelles de travailleurs qui cumulent ressources militantes et professionnelles. Car si l’administration reconnaît précocement cette exposition, il n’en est pas de même pour le corps médical dont le consensus sur les catégories d’exposition à l’amiante et les modalités de suivi médical minorent, en 1999, l’exposition des travailleurs de bureaux ne manipulant a priori pas directement le produit. Pourtant les ex-agents du Tripode, par la mobilisation d’une variété d’outils (dont une étude épidémiologique spécifique) et des relais politiques obtiennent la pérennisation de ce suivi et son amélioration matérielle par l’emploi de l’imagerie par scanner plus détaillée que les radiographies. Ils et elles parviennent même à généraliser ces acquis à l’ensemble des fonctionnaires. Aussi par leur mobilisation emblématique, les agents du Tripode donnent de la visibilité à l’exposition professionnelle de travailleurs de bureaux, fonctionnaires et contractuels à l’amiante.
Bibliographie Alfandari François, « Le syndicalisme à l’heure de la transformation de la psychiatrie. Des militants CGT à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (Lyon, années 1960-1970) », Genèses, vol. 107, n°2, 2017, p. 82-105. Collectif 350 tonnes et des poussières, « Une épidémiologie paritaire ? », Travail & Emploi (à paraître). Gaboriau Marion, « De la fabrication de la preuve à la décision. Reconnaissance, droit et usage de la maladie professionnelle dans la fonction publique territoriale », in Cavalin Catherine, Henry Emmanuel, Jouzel Jean-Noël, Pélisse Jérôme, Cent ans de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, Paris, Presses des Mines, 2020, p. 235253. Garabige Alexandra, « La logique du compromis belliqueux. Chronique d’une négociation sur le régime indemnitaire dans une mairie française », Négociations, vol. 14, n°2, 2010, p. 59-70. Join-Lambert Odile, « Histoire du service médical des PTT (1943-1977) Regards sur l’État employeur et la santé au travail », Travail et Emploi, vol. 1, n°96, 2003. Lecocq Charlotte, Coton Pascale, Verdier Jean-François, « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance », Rapport remis au premier Ministre, 18 septembre 2019. Le Saout Rémy, « La rationalisation budgétaire comme révélateur des rapports de pouvoir entre fonctionnaires et élus : l’exemple des DRH des communes intermédiaires », Revue français d’administration publique, vol. 164, n°4, 2017, p. 855-872. Saglio Jean, « Les relations professionnelles dans les fonctions publiques françaises. Éléments d’analyse », La revue de l’IRES, vol.2, n°45, p. 33-53. Siblot Yasmine. « Entretenir un rapport mobilisé à sa condition sociale en milieu populaire. Engagement syndical et sociabilité parmi des ouvrières de blanchisserie », Sociétés contemporaines, vol. 109, n°1, 2018, p. 65-92. Siwek-Pouydesseau Jeanne, Les syndicats de fonctionnaires depuis 1948, Paris, Presses universitaires de France, 1989. Tcham Tessa, « Pour un droit « sans frontière ». L’Union Syndicale Solidaires face à la question de la santé au travail dans la fonction publique », in Goussard Lucie et Tiffon Guillaume (dir), Syndicalisme et santé au travail, Editions du Croquant, 2017, p. 147-158.Vincent Catherine, Meilland Christèle, Nizzoli Cristina, "Dialogue social et négociation dans les fonctions publiques : Quel rôle dans les réorganisations ?", Rapport d'étude, CFDT- Économie et Société, 2020.
Cette proposition de communication repose sur une enquête qualitative menée par entretiens et recueil d’archives. Elle vise à retracer la mobilisation d’aides-soignantes et d’infirmières, ayant travaillé à partir des années 1970 dans un centre de lutte contre le cancer, pour faire reconnaître en tant que maladies professionnelles les cancers qu’elles ont contracté. Notre propos visera à reconstituer la spécificité du travail des soignantes pour comprendre leurs expositions professionnelles, les freins à la contestation des conditions de travail et enfin l’infléchissement des rapports de force à l’issue de cette mobilisation.
Les salariés des écuries de courses françaises disputent souvent à ceux de la sylviculture la première place dans les classements des filières d’emploi les plus accidentogènes. Ce sont notamment les cavalières et les cavaliers d’entraînement (anciennement « lads-jockeys »), chargé·es d’entraîner les chevaux de course tôt le matin sur les pistes, qui sont particulièrement exposé·es à ces risques. Comment expliquer que ces accidents – dont le nombre officiel est manifestement sous-estimé – fassent si peu débat au sein du monde des courses hippiques et au-delà ? L’enquête (reposant sur des observations et une quarantaine d’entretiens) a été menée, en 2022-2023, au sein de la filière des écuries de courses française, dans le secteur du galop. Elle se situe au croisement de la sociologie des problèmes publics, de la sociologie des relations professionnelles et de la sociologie de la santé au travail. Elle montre que plusieurs éléments conduisent à sous-estimer la dimension collective de la santé des salariés : tout d’abord, la banalisation des accidents au sein des écuries; ensuite, la production, par les acteurs de la prévention, d’une grille de lecture individuelle de leurs « causes » supposées ; enfin, la minoration des aspects psychiques des rapports sociaux de travail. La communication entend plus généralement interroger les effets de la dévitalisation des collectifs de travail dans les « zones blanches » du dialogue social – celles des TPE-PME –où les salariés, en l’absence de représentants du personnel, se retrouvent relativement seuls et démunis quand ils sont confrontés à des problèmes de santé liés à leur travail.
Dans un contexte de politisation des questions sexuelles et de constitution de la sexualité comme objet de santé publique, l’ambition de cette communication est de saisir comment la sexualité (envisagée en termes de désir et de plaisir) se construit comme problème professionnel dans les pratiques de soins gynécologiques. Mon entrée se fait par la sexualité, c’est-à-dire qu’elle n’est ni délimitée par une profession (j’envisage conjointement gynécologues, sages-femmes et médecins généralistes ayant fait un diplôme universitaire de gynécologie) ni subordonnée à une catégorie de l’entendement médical, c’est-à-dire une catégorie nosographique (telles l’endométriose ou les dyspareunies) ou un élément du mandat professionnel (tels l’IVG, la contraception ou les mutilations génitales). Partant de l’énigme d’une discipline gynécologique focalisée sur la santé reproductive des femmes mais pour laquelle la santé sexuelle reste marginale ou arrimée à des préoccupations procréatives et contraceptives, j’ai mené l’enquête auprès des professionnel·les qui acceptent de prendre en charge les problèmes sexuels. M’appuyant sur des entretiens et des observations de consultations, j’ai cherché à mettre au jour les conditions de possibilité de la prise en charge d’un objet professionnel ambivalent, travaillé par le stigmate, qui vient questionner les frontières du soin et le mandat de ces professionnel·les.
J’analyse les coûts moraux ambivalents, individuels et professionnels, de ces trajectoires de spécialisation dans la prise en charge des troubles sexuels. Déjà, l’accès à une formation en santé sexuelle répond pour certain·es à une demande de leur hiérarchie tandis que d’autres doivent longuement batailler avant d’y accéder. Ensuite c’est une spécialisation vécue comme « chargée symboliquement » qu’on ne peut faire en début de carrière parce qu’il faut être spécialisé·e dans d’autres domaines plus légitimes auparavant, parce qu’elle met à l’épreuve les soignant·es dans l’exposition aux récits de violence et à l’intime qui, toujours renvoie à soi, et enfin en raison de la sexualisation de l’activité – la soignante prend toujours le risque de voir son travail assimilé au travail sexuel. Je retrace ensuite les trajectoires de ces professionnel·les, exposant les raisons pour lesquels elles et ils se spécialisent (socialisation familiale libérale vis-à-vis de la sexualité, demandes de patientes, incitation hiérarchique), les savoirs mobilisés pour répondre aux demandes qu’ils s’agissent de savoirs profanes (expériences personnelles, supports féministes) ou médicaux (issus de l’andrologie, de la sexologie ou de la santé sexuelle) et les formes différenciées de morale sexuelle que, ce faisant, elles et ils véhiculent et reconduisent dans le soin.
L’épisiotomie est une pratique préventive lors de l'accouchement dont l’efficacité est débattue au sein de la littérature scientifique. Elle prend une place de plus en plus importante dans la critique féministe et usagère portant sur les conditions de la naissance, notamment dans le cadre du débat autour des violences obstétricales et gynécologiques, un concept forgé dans l’espace public au milieu des années 2010, qui fait de l’épisiotomie un enjeu de santé autant qu’un problème de droit des femmes. Cette communication entend analyser la régulation de cette pratique au sein de la maternité de Bronze, qui se positionne comme une maternité alternative, en tant que pionnière de la critique de la (sur)médicalisation de l’accouchement, et précurseur sur les enjeux d’information et de consentement des femmes. Elle se base sur une enquête ethnographique (observations et vingtaine d’entretiens) qui s’inscrit dans le cadre plus général d’une thèse socio-historique portant sur la régulation de l'épisiotomie depuis les années 1980 en France. Au sein de ce lieu, la pratique de l'épisiotomie apparaît marquée par une tension entre le travail d’adaptation des médecins et sages-femmes pour diminuer leur recours à cet acte (au travers d’innovations technologiques, d’une nouvelle répartition des compétences et d’un renouvellement des bénéfices/risques attribués à l’épisiotomie), et l’existence de contraintes organisationnelles importantes qui limitent les droits des femmes et les efforts des professionnel.le.s pour réduire encore (plus) leur taux d’épisiotomie. Cette communication entend analyser les tensions qui traversent les discussions entre soignant.e.s quant au positionnement de la maternité comme lieu en/de "résistance" à l'obstétrique classique, et ainsi montrer l’absence de ruptures majeures avec les maternités plus médicalisantes, sur la manière dont est géré l’accouchement.
Bien que les organisations syndicales conservent dans la fonction publique une implantation significative et malgré l’existence de sociabilités syndicales favorisant la formulation de discours critiques sur le travail et sa dégradation (Alfandari, 2017 ; Siblot, 2018), la mise en place de dispositifs de prévention en santé au travail et la reconnaissance des maux du travail y rencontrent de sérieux obstacles. Les employeurs publics échappent à toute mesure coercitive en cas de manquement à leurs obligations de sécurité et de prévention de la santé des agents. Ils sont leurs propres assureurs en matière de santé au travail des agents, domaine où ils deviennent juges et parties (Gaboriau, 2020). Les dispositifs de prévention et de réparation des risques professionnels y sont très inégalement développés et largement moins disant que dans le secteur privé (Join-Lambert, 2003 ; Tcham, 2017 ; Collectif 350 tonnes et des poussières, à paraître). Comment cette configuration pèse (ou non) sur les négociations des enjeux de santé au travail dans la fonction publique ?
Nous nous proposons d'étudier cette question à partir du cas exceptionnel du « Tripode », immeuble inter-administratif où plus d'un millier d’agents relevant des affaires étrangères, du trésor public et de l'INSEE a été exposé à 350 tonnes d'amiante. Une intersyndicale (CGT, CFDT, FO principalement) y a négocié un suivi médical post-exposition à l’amiante. Nous analyserons les archives jusqu’alors inexploitées de cette intersyndicale, déposées au Centre d’histoire du travail de Nantes. Notre propos se fonde également sur une trentaine d’entretiens semi-directifs menés avec les ex-agent·e·s du Tripode et leurs représentant·e·s syndicales (n=23), des médecins de prévention (n=2), des représentants de l’administration (n=4) et les ayant-droit des agent·e·s décédés (n=2).
L'obtention de ce suivi médical post-exposition à l'amiante en 1991 est exceptionnelle car le dispositif est négocié avant même d'être reconnu par la législation dans le secteur privé en 1993 puis dans le secteur public en 2009 (Counil, Lysaniuk, et Marchand 2012). Dans ce cas, la reconnaissances des atteintes à la santé semble requérir des mobilisations exceptionnelles de travailleurs qui cumulent ressources militantes et professionnelles. Car si l’administration reconnaît précocement cette exposition, il n’en est pas de même pour le corps médical dont le consensus sur les catégories d’exposition à l’amiante et les modalités de suivi médical minorent, en 1999, l’exposition des travailleurs de bureaux ne manipulant a priori pas directement le produit. Pourtant les ex-agents du Tripode, par la mobilisation d’une variété d’outils (dont une étude épidémiologique spécifique) et des relais politiques obtiennent la pérennisation de ce suivi et son amélioration matérielle par l’emploi de l’imagerie par scanner plus détaillée que les radiographies. Ils et elles parviennent même à généraliser ces acquis à l’ensemble des fonctionnaires. Aussi par leur mobilisation emblématique, les agents du Tripode donnent de la visibilité à l’exposition professionnelle de travailleurs de bureaux, fonctionnaires et contractuels à l’amiante.
Bibliographie Alfandari François, « Le syndicalisme à l’heure de la transformation de la psychiatrie. Des militants CGT à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (Lyon, années 1960-1970) », Genèses, vol. 107, n°2, 2017, p. 82-105. Collectif 350 tonnes et des poussières, « Une épidémiologie paritaire ? », Travail & Emploi (à paraître). Gaboriau Marion, « De la fabrication de la preuve à la décision. Reconnaissance, droit et usage de la maladie professionnelle dans la fonction publique territoriale », in Cavalin Catherine, Henry Emmanuel, Jouzel Jean-Noël, Pélisse Jérôme, Cent ans de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, Paris, Presses des Mines, 2020, p. 235253. Garabige Alexandra, « La logique du compromis belliqueux. Chronique d’une négociation sur le régime indemnitaire dans une mairie française », Négociations, vol. 14, n°2, 2010, p. 59-70. Join-Lambert Odile, « Histoire du service médical des PTT (1943-1977) Regards sur l’État employeur et la santé au travail », Travail et Emploi, vol. 1, n°96, 2003. Lecocq Charlotte, Coton Pascale, Verdier Jean-François, « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance », Rapport remis au premier Ministre, 18 septembre 2019. Le Saout Rémy, « La rationalisation budgétaire comme révélateur des rapports de pouvoir entre fonctionnaires et élus : l’exemple des DRH des communes intermédiaires », Revue français d’administration publique, vol. 164, n°4, 2017, p. 855-872. Saglio Jean, « Les relations professionnelles dans les fonctions publiques françaises. Éléments d’analyse », La revue de l’IRES, vol.2, n°45, p. 33-53. Siblot Yasmine. « Entretenir un rapport mobilisé à sa condition sociale en milieu populaire. Engagement syndical et sociabilité parmi des ouvrières de blanchisserie », Sociétés contemporaines, vol. 109, n°1, 2018, p. 65-92. Siwek-Pouydesseau Jeanne, Les syndicats de fonctionnaires depuis 1948, Paris, Presses universitaires de France, 1989. Tcham Tessa, « Pour un droit « sans frontière ». L’Union Syndicale Solidaires face à la question de la santé au travail dans la fonction publique », in Goussard Lucie et Tiffon Guillaume (dir), Syndicalisme et santé au travail, Editions du Croquant, 2017, p. 147-158.Vincent Catherine, Meilland Christèle, Nizzoli Cristina, "Dialogue social et négociation dans les fonctions publiques : Quel rôle dans les réorganisations ?", Rapport d'étude, CFDT- Économie et Société, 2020.
Cette proposition de communication repose sur une enquête qualitative menée par entretiens et recueil d’archives. Elle vise à retracer la mobilisation d’aides-soignantes et d’infirmières, ayant travaillé à partir des années 1970 dans un centre de lutte contre le cancer, pour faire reconnaître en tant que maladies professionnelles les cancers qu’elles ont contracté. Notre propos visera à reconstituer la spécificité du travail des soignantes pour comprendre leurs expositions professionnelles, les freins à la contestation des conditions de travail et enfin l’infléchissement des rapports de force à l’issue de cette mobilisation.
[Cette proposition répond à la suggestion, exprimée à la toute fin de l’appel à communication : « les communications pourront s’intéresser plus largement à la manière dont la santé des travailleur·ses et des populations fait l’objet - ou pas - de négociations et de conflits dans le monde du travail »]
Les salariés des écuries de courses françaises disputent souvent à ceux de la sylviculture la première place dans les classements des filières d’emploi les plus accidentogènes. Ce sont notamment les cavalières et les cavaliers d’entraînement (anciennement « lads-jockeys »), chargé·es d’entraîner les chevaux de course tôt le matin sur les pistes, qui sont particulièrement exposé·es à ces risques. Comment expliquer que ces accidents – dont le nombre officiel est manifestement sous-estimé – fassent si peu débat au sein du monde des courses hippiques et au-delà ? L’enquête (reposant sur des observations et une quarantaine d’entretiens) a été menée, en 2022-2023, au sein de la filière des écuries de courses française, dans le secteur du galop. Elle se situe au croisement de la sociologie des problèmes publics, de la sociologie des relations professionnelles et de la sociologie de la santé au travail. Elle montre que plusieurs éléments conduisent à sous-estimer la dimension collective de la santé des salariés : tout d’abord, la banalisation des accidents au sein des écuries; ensuite, la production, par les acteurs de la prévention, d’une grille de lecture individuelle de leurs « causes » supposées ; enfin, la minoration des aspects psychiques des rapports sociaux de travail. La communication entend plus généralement interroger les effets de la dévitalisation des collectifs de travail dans les « zones blanches » du dialogue social – celles des TPE-PME –où les salariés, en l’absence de représentants du personnel, se retrouvent relativement seuls et démunis quand ils sont confrontés à des problèmes de santé liés à leur travail.
A partir d’une recherche doctorale en cours portant sur les parcours de personnes exilées ayant été hébergées chez des particulier·es dans le département du Calvados, en Normandie, cette communication montrera comment la précarité résidentielle et administrative affecte la santé mentale des jeunes hommes exilés. En tenant compte de leur position sociale d’âge, de genre, de race, et de statut, elle soulignera comment l’absence de droits, de stabilité et de lieu à soi dégrade l’état psychique de ces personnes, et quel rôle peuvent jouer dans ce processus les expériences d’hébergement privé.
Session 6 RT4 : Interaction entre famille, école et institutions éducatives : comment se construisent les dispositions scolairement rentables? (axe 2 Intersections et circulations entre l’école et le hors école). Animation / Discussion : membres du RT4
En parallèle
Session croisée RT4/RT19 : L'injonction à l'autonomie dans les champs de la santé et de l'éducation (axe 2). Animation : Thibaud Pombet et Héloïse Durler et introduction de la session - La question de l'autonomie à l'école et en santé, perspectives croisées : Ghislain Leroy, Ruggero Iori, Sandrine Garcia, Marie David et Lila Le Trividic Harrache
Cette communication s’intéresse à la mise en place de pratiques psychocorporelles – autrement appelées « développement personnel » – au sein d’une Mission Locale. Ces dispositifs se posent comme des outils de diffusion des codes et normes de l’autonomie auprès de jeunes sans emploi ni formation. Les diverses postures adoptées par les jeunes face à ces pratiques nous informent non seulement des dispositions qui vont potentiellement favoriser ou non l’appropriation de ces pratiques, mais aussi des stratégies mises en place par les jeunes qui participent à remodeler ces outils selon des codes et attentes qui leurs sont propres.
Dans une logique de continuité avec les travaux qui ont contribué à étendre la portée du concept de forme scolaire (Vincent, Lahire & Thin, 1994) à des cadres institutionnels extérieurs à l’école (notamment Faure, 2000 ; Deslyper, 2018), cette communication se propose d’envisager la forme scolaire, en particulier la logique formelle qu’elle induit, au travers de pratiques qui se réalisent hors de tout cadre institutionnel (sur le mode d’une autodidaxie revendiquée). Le cas des compositeurs de « MAO » (musique assistée par ordinateur), dont le rapport formel à la pratique est envisagé sous l’angle d’une raison graphique (Goody, 1979) propre aux systèmes de notations contenus dans les logiciels qu’ils utilisent, constitue l’exemple, le terrain, sur lequel se fonde la problématique, à première vue contradictoire, d’un apprentissage « autodidacte » associé à une logique formelle.
L’analyse repose en premier lieu sur des entretiens approfondis et sur des observations de procédés compositionnels qui ont été menés auprès de 12 musiciens se revendiquant d’un apprentissage partiellement ou totalement autodidacte de leur pratique compositionnelle et dont l’instrument de prédilection est leur logiciel de composition musicale. Un questionnaire à destination des créateurs de musique (en un sens large), comptant un peu plus de 1150 répondants, a également été déployé afin de saisir des régularités plus larges entre, notamment, l’origine et la trajectoire sociales du musicien, sa formation musicale (type et niveau), ses supports/instruments de prédilection (numériques ou non), l’esthétique de ses compositions et sa propension à « apprendre seul » (livres, tutoriels en ligne, etc.).
Contre une approche substantialiste qui envisagerait l’apprentissage autodidacte comme le résultat d’une transmission d’abord permise par la matérialité du support utilisé (par exemple : Caron, 2011), la communication montrera dans un premier temps que le rapport formel à la pratique des compositeurs de « MAO » doit beaucoup à l’acquisition antérieure (familiale et institutionnelle) de savoirs et de dispositions scolaires, favorisant ainsi l’autonomie dans l’apprentissage de nouvelles techniques. On s’attachera ensuite à montrer que la revendication autodidacte qui s’en trouve associée se justifie principalement par le faible degré d’institutionnalisation des procédés compositionnels utilisés par une majorité de musiciens de « MAO », posant ainsi plus largement la question du processus d’institutionnalisation des techniques et de leur circulation, d’abord en tant que savoir-faire – l’état pratique – puis en tant que savoirs – l’état formalisé.