Bien qu’elle a déjà fait l’objet d’investigations intéressantes, grâce notamment aux travaux de Jean-Michel Chapoulie, Lucie Tanguy, Anni Borzeix et Gwenaële Rot ou encore François Vatin, la construction de la sociologie du travail française après-guerre mérite encore que l’on s’y intéresse. Cette communication propose de contribuer à un tel chantier en privilégiant trois axes.
Le premier vise à baliser l’espace de la recherche dédié, à partir de 1946 (date de fondation du Centre d’études sociologiques), à l’approche sociologique du travail. L’enjeu sera ici de mettre à mal l’image d’une discipline fondée par une poignée de grands hommes seulement (Georges Friedmann en tête) et de mettre au jour la pluralité des figures, parfois fort méconnues aujourd’hui, qui ont fait œuvre de sociologie du travail jusqu’en 1955.
Le deuxième a pour ambition de repérer quelques préoccupations transversales aux travaux menés alors, au premier rang desquels les effets de l’automation sur le travail et l’adéquation problématique entre qualification et travail effectif. Je reviendrai, à l’aide de cette grille de lecture, sur quelques travaux qui méritent d’être relus (comme le livre de Maurice Verry sur les laminoirs ardennais qui a paru en 1955).
Le troisième axe d’interrogations sera centrée sur le cas de Vivianne Isambert-Jamati, sociologue du travail convertie ensuite à l’éducation, dont le parcours illustre bien ce qu’être sociologue du travail dans l'immédiat après-guerre pouvait signifier.
Pour rédiger cette communication, je m’appuierai non seulement sur des ouvrages et articles parus sur la période étudiée mais aussi et surtout sur des archives, à commencer par celles du CES et des Comités nationaux du CNRS (archives nationales de Pierrefitte) ou encore celles de Vivianne Isambert-Jamati (archives du Campus Condorcet).
Désormais promus par la Haute Autorité en Santé, les patients-experts sont à la fois patients et dans une fonction d’accompagnement d’autres patients, sans être soignants. Comment parviennent-ils à se saisir et transformer ce positionnement à la lisière entre « vulnérables » et « valides » ?
Des entretiens cliniques de trois patientes-expertes de maladies rares ont été réalisés. Leur analyse, réalisée selon une méthode inductive, montre comment ce positionnement liminaire leur permet de réduire le potentiel de violence liée à la tension entre « vulnérables » et « valides », ce qui évoque la figure de Robin des Bois, précurseur historique des communautés d’aide par les pairs.
Dans ma recherche doctorale sur la migration et le travail des femmes, les narratrices déclassées dans le service domestique semblaient reporter sur leurs enfants leurs projets non-réalisés de mobilité sociale. Elles disaient s’investir pour la réussite de leurs enfants, principalement la réussite scolaire. Dans ma recherche post-doctorale, je cherche donc à analyser le projet parental dans les familles transnationales. Que représentent l’échec ou la réussite dans le vécu de ces femmes et comment les rapports sociaux de pouvoir les déterminent-ils? Comment ces femmes conçoivent-elles ce projet de mobilité sociale intergénérationnelle ? En quoi leur trajectoire migratoire détermine-t-elle leurs aspirations à la réussite scolaire des enfants? Et comment font les enfants pour devenir sujets de leur scolarisation et non de simples objets des grands projets parentaux ? Qu’elle approche utiliser pour comprendre ces phénomènes sociaux-psychiques?
L’objectif de cette communication est de présenter la démarche de recherche qui croise l’analyse intersectionnelle de l’articulation des rapports sociaux de sexe, classe, race, Nord/Sud, et l’approche clinique. Elle permettra de survoler quelques principes qui permettent de saisir sur les plans théorique, épistémologique et méthodologique, la complexité des faits comme la migration, les familles transnationales, l’éducation interculturelle et le projet parental. L’articulation entre le psychique et le social, l’interdisciplinarité, la critique de la neutralité, la prise en compte de la relation de recherche et l’analyse de l’implication, la co-construction du savoir et la visée émancipatoire, telles sont les dimensions cliniques que j’ai croisées avec un féminisme matérialiste intersectionnel et international. Qu’apporte cette approche à l’analyse des migrations et des intersections?
Cette communication placera au centre de ses réflexions la construction de la subjectivité comme puissance d’agir, face aux vécus d’un type précis de violence. Il s’agit des violences basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre – qu’il est convenu, dans le langage ordinaire et dans la littérature scientifique, de nommer homophobie (Borrillo et Mécary, 2019; É. Fassin, 2008; Welzer-Lang et al., 1994) ou LGBTphobie (Chamberland et Lebreton, 2012; Junqueira, 2007).
Dans une approche socio-anthropologique et psychosocial, l’enquête sur laquelle cette communication porte a été menée auprès de personnes qui se définissent comme gaies, lesbiennes, bisexuelles, non binaires, travesties et transgenres (LGBTQIA+). Leurs propos ont été recueillis lors d’entretiens narratifs (Jovchelovitch et Bauer, 2000), qui ont produit des récits de vie (Bertaux, 2016). Ces entretiens ont été menés en deux moments distincts. Le premier, dans le Brésil post-coup d’État parlementaire de 2016, avec la destitution de la présidente Dilma Rousseff, dauphine du président sortant Luis Inácio Lula da Silva, et l’investiture du gouvernement de Michel Temer (Paz et al., 2020). Le deuxième comprend les événements de la présidentielle brésilienne d’octobre 2018, quand la montée en puissance d’une extrême droite ultra néolibérale et conservatrice lui donne accès à la présidence, avec Jair Bolsonaro, et les six premiers mois de ce gouvernement. Ces événements ont d’ailleurs entraîné l’accroissement des violences qui parcourent les récits des personnes enquêtées. Le premier entretien et le dernier concernant chaque période de récolte des données ont eu lieu, respectivement, en novembre 2016 et en juin 2017, puis en mars et en août 2019.
Je pars donc des discriminations qu’ils et elles ont subies en analysant comment cette expérience participe de leur subjectivation. Pour cela, je mobilise comme clef analytique le concept de capacité d’agir (agency, en anglais). À partir de la relecture de Michel Foucault et Judith Butler par Saba Mahmood, pensée comme un travail sur soi, cette puissance d’agir se distingue clairement de la notion de résistance. Je prends « la construction de soi », dans un sens foucaldien de « subjectivation » comme une « technique de soi » (Foucault, 2010). C’est-à-dire, les pratiques que nous opérons sur nous-mêmes pour nous transformer en sujets sexuels (sujets éthiques vis-à-vis des normes socio-culturels, notamment de genre et de sexualité), qui découlent de cette invitation à l’établissement d’un rapport à soi (l’examen de soi par soi) et de l’« incorporation » (Fleuriel et al., 2021; Mahmood, 2009). Je place donc la violence au plan de fond et les stratégies d’affrontement au centre de mes réflexions. Comme l’anthropologue Saba Mahmoud (2009), j’insère la capacité d’agir, dans le processus de « construction de soi » (comme je l’ai dit plus tôt, un processus de subjectivation). En ce sens, la capacité d’agir est une technique qui agit dans la construction de formes particulières de subjectivité (« être LGBTQIA+ », par exemple). Pensée comme un travail sur soi, cette puissance d’agir se distingue clairement de la notion de résistance.
Les axes d’analyse portent sur les manières de se produire soi-même, face aux prescriptions socio-culturelles, notamment en termes de genre et de sexualité ; sur les stratégies d’existence et donc de résistance face à la violence ; enfin, sur la capacité d’agir collective en vue de construire un réseau de soutien pour affronter la violence. Je m’appuie ainsi sur trois principes : premièrement, la violence est un acte qui assujettit et produit des formes de subjectivité ; en deuxième lieu, ce processus de devenir sujet s’opère dans une lutte qui implique la production d’une marge de manœuvre face à un type spécifique de violence ; et, finalement, cette capacité d’agir ne se limite pas à des actions ou pratiques qui s’opposent visiblement aux normes, mais inclut également des manières productives de les habiter, voire les incorporer.
J’ai enfin pu observer que c’est dans la relation avec ce type de vécu, toujours présent (concrètement ou symboliquement), que les personnes LGBTQIA+ construisent leurs manières d’exister dans le monde. Cette construction se joue dans une négociation permanente avec les la norme de genre et de sexualité, et les sanctions qui en découlent. Une telle existence négociée requiert des modes créatifs d’action : les manières dont nous nous organisons pour produire des réponses créatives aux expériences de violence construisent des façons d’exister, ainsi que de résister, qui se traduisent en formes singulières de subjectivité. Bref, la subjectivation est à la fois l’effet et l’instrument de la capacité d’agir.
Bien qu’elle a déjà fait l’objet d’investigations intéressantes, grâce notamment aux travaux de Jean-Michel Chapoulie, Lucie Tanguy, Anni Borzeix et Gwenaële Rot ou encore François Vatin, la construction de la sociologie du travail française après-guerre mérite encore que l’on s’y intéresse. Cette communication propose de contribuer à un tel chantier en privilégiant trois axes.
Le premier vise à baliser l’espace de la recherche dédié, à partir de 1946 (date de fondation du Centre d’études sociologiques), à l’approche sociologique du travail. L’enjeu sera ici de mettre à mal l’image d’une discipline fondée par une poignée de grands hommes seulement (Georges Friedmann en tête) et de mettre au jour la pluralité des figures, parfois fort méconnues aujourd’hui, qui ont fait œuvre de sociologie du travail jusqu’en 1955.
Le deuxième a pour ambition de repérer quelques préoccupations transversales aux travaux menés alors, au premier rang desquels les effets de l’automation sur le travail et l’adéquation problématique entre qualification et travail effectif. Je reviendrai, à l’aide de cette grille de lecture, sur quelques travaux qui méritent d’être relus (comme le livre de Maurice Verry sur les laminoirs ardennais qui a paru en 1955).
Le troisième axe d’interrogations sera centrée sur le cas de Vivianne Isambert-Jamati, sociologue du travail convertie ensuite à l’éducation, dont le parcours illustre bien ce qu’être sociologue du travail dans l'immédiat après-guerre pouvait signifier.
Pour rédiger cette communication, je m’appuierai non seulement sur des ouvrages et articles parus sur la période étudiée mais aussi et surtout sur des archives, à commencer par celles du CES et des Comités nationaux du CNRS (archives nationales de Pierrefitte) ou encore celles de Vivianne Isambert-Jamati (archives du Campus Condorcet).