Le soldat dresse son corps au moyen de l’activité sportive pour en faire un corps guerrier combattant et discipliné. Mais lorsque le traumatisme physique ou psychique survient, il bouleverse les conditions d’inscription culturelle du corps militaire dans le corps collectif, institutionnel et public. Le corps blessé n’est plus un corps guerrier, il n’est plus un corps opérationnel, prêt au combat. L’enjeu social de l’activité sportive est de restaurer des capacités au soldat blessé pour favoriser son insertion dans ses groupes d’appartenance (l’armée, la famille) ou son groupe de référence (ses frères d’armes). Comment interpréter le travail institutionnel de réhabilitation sociale du militaire atteint d’un traumatisme psychique et/ou physique par l’activité sportive, devenue le vecteur de la reconstruction du corps guerrier et de l’identité pour soi ? Autrement dit, les capacités physiques et l’estime de soi des soldats atteints d’un traumatisme survenu en opération font l’objet d’un travail social de réhabilitation par le sport.
A partir d’une série d’entretiens conduits avec des militaires impliqués dans la cyberdéfense et la cybersécurité, nous nous pencherons lors de cette communication sur les représentations que ceux qui sont dénommés cybercombattants ont de leur propre trajectoire, de leurs compétences professionnelles et de leur métier. Alors que le cyberespace a été reconnu comme « un champ de confrontation à part entière », que la France s’est structurée dans le domaine de la cyberdéfense, et que le conflit ukrainien permet de tirer les premiers enseignements des usages du cyber, il s’agira dans un premier temps de questionner le statut des cybercombattants, les logiques de différenciation à l’œuvre ainsi que les processus de légitimation engagés et vécus par les femmes et les hommes du cinquième domaine, au sein de l'institution militaire. Dans un second temps, nous nous interrogerons sur la perméabilité du terme cybercombattant, à l’heure où les frontières qui séparent notamment les militaires des civils, le public du privé dans le cyberespace, en temps de conflits, se brouillent et sont ténues.
Cette proposition de communication vise à interroger les frontières et les limites de la représentation individuelle et collective des militaires de statut (profession). À partir d’une étude sur le fonctionnement interne des modalités de représentation au sein de la DGA (direction générale de l’armement) et des trois armées, cette communication propose d’interroger les frontières de ce que font et ce que (ne) peuvent (pas) faire les représentants du personnel militaire pour défendre les intérêts individuels et collectifs.
Cette communication étudie les rapports hiérarchiques et genrés entre les militaires de carrière et les appelés de l'armée de terre grecque à partir des blagues et des moqueries au sein d'un service sanitaire.
RT Session 2 L\'innovation comme facteur de recomposition de l\'identité militaire
mardi 17:00 - 18:30 Discutant : Claude Weber - Maître de conférence (Ecoles militaires de Saint-Cyr-Coëtquidan)
Le courant de l’innovation dans la défense : le cas du secteur naval
(Denis Lemaître, Ecole navale, UR Formation et Apprentissages Professionnels, denis.lemaitre@ecole-navale.fr)
Comme le montre la création de l’Agence d’Innovation de Défense (AID) en 2018, le maître-mot de l’innovation a envahi le domaine de la défense, comme la plupart des autres grands domaines d’activité sociale, économique, technique ou politique (Godin, 2017). L’idée d’innovation installe de nouvelles normes de pensée et d’action issues d’un nouvel imaginaire du changement (Martuccelli, 2016), dans un contexte militaire où la robustesse, la fiabilité, la durabilité, la simplicité d’utilisation ont plutôt poussé jusque-là vers des formes d’ingénierie processuelles (Corman, 2020). Que recouvre le déploiement de l’innovation dans le domaine de la défense, et plus particulièrement dans le secteur naval ?
Cette communication s’appuie sur les résultats de recherche du projet « Marins-Ingénieurs-Innovation » (ANR-21-ASTR-0009), qui porte sur les processus d’innovation dans le domaine naval de défense, essentiellement la Marine nationale, la DGA et les industriels. L’objectif est d’étudier ce que recouvre le terme d’innovation aujourd’hui dans le domaine naval de défense. Ce domaine constitue un cas emblématique tant par sa densité technologique que par sa dimension politique et institutionnelle. La mobilisation de l’idée d’innovation, recouvrant tout à la fois des objectifs de l’activité professionnelle, des réalisations techniques, des modes d’organisation, des injonctions politiques, etc., est un révélateur des transformations des relations entre le monde militaire, l’industrie de défense et la DGA. L’enquête menée auprès d’un panel de décideurs et d’acteurs de l’innovation, dans les différentes organisations, fait apparaître des conceptions dominantes de l’innovation, et des tensions entre les injonctions politiques et la transformation des organisations. Emergent des logiques d’acteurs qui mettent en évidence les questions de frontières entre les mondes des décideurs, des concepteurs et des utilisateurs.
Corman, F.-O. (2020). Innovation et stratégie navale. Paris : Nuvis éditions.
Godin, B. (2017). L’innovation sous tension. Histoire d’un concept. Laval (Québec) : Presses Universitaires de Laval.
Martuccelli, D. (2016). L’innovation, le nouvel imaginaire du changement. Quaderni, 91 / automne 2016. DOI : 10.4000/quaderni.1007
A partir de la réalisation d’une trentaine d’entretiens avec des officiers en charge de l’innovation dans la Marine, nous chercherons à montrer comment l’étude de leur travail révèle l’affrontement de logiques d’organisation concurrentielles (Alter, 1993) au sein de ce champ professionnel. La collision entre ces deux logiques, l’une basée une « rationalité procédurale » et l’autre plus ancrée dans une « rationalité opérationnelle » (Coutant, ibid.) produit chez ces managers de l’innovation de fortes tensions, une fatigue sinon une « lassitude » qu’ils tendent à partager avec les innovateurs (Alter, 1993b). Toutefois, au prix de sacrifices certains et au moyen d’un jeu subtil de réappropriation, nous verrons dans un second temps dans quelles mesures certains de ces cadres militaires parviennent à retirer de ce travail de labellisation des profits et rétributions certaines (Cihuelo, 2020).
Cette communication vise à questionner l'émergence - ou non - d'un "militaire-entrepreneur" tel que promu par les discours politiques autour de l'innovation dans les armées. Dans un premier temps, nous analyserons la manière dont l'innovation est devenu en 2017 un axe central des politiques de défense, et ce que cela induit dans les discours portant sur l'institution militaire. Puis, dans un second temps, nous montrerons que le "tournant entrepreunarial" dans les armées reste à nuancer, que ce soit par les difficultés organisationnelles qu'engendre la création de l'Agence de l'innovation de défense, par le surtravail que représente pour les soldats l'innovation ou encore par les limites que représente le modèle de l'entreprise pour une institution régalienne qui promeut bien plus un "intrapreunariat" qu'un "entreprenariat".
RT Session 3 Evolutions des forces armées et de leur étude
Cette communication proposera une tentative de renouvellement conceptuel autour de la notion de hiérarchie. Appliquée au système militaire, elle servira notamment de clef de lecture à certaines transformations contemporaines du métier de cadre.
La communication s'attachera à une "militarisation" grandissante et affectant la formation initiale des élèves officiers à Saint-Cyr depuis quelques années.