Cette communication propose d’ouvrir la réflexion sur la démarche dite “d’aller-vers” telle que nous la voyons aujourd’hui se déployer, s’argumenter et chercher à se mettre en œuvre sur les terrains de nos deux thèses respectives. Ces deux recherches, portant sur le déploiement de nouvelles dynamiques de politiques éducatives dans deux quartiers politique de la ville (QPV) de la métropole de Lyon, sont caractérisées dans un cas par la labellisation récente d’une Cité Éducative, et dans l’autre cas par l’implantation tout aussi récente d’un Espace Services Jeunesse (ESJ). La Cité Éducative a pour mission de coordonner l’action sociale et éducative territoriale via trois pilotes opérationnels : un collège chef de file, représentant.e de l’Éducation Nationale, un.e délégué.e du préfet à la Politique de la Ville et un.e représentant.e de la Ville. L’ESJ, projet piloté par le rectorat, accueille dans un lycée d’enseignement général et technologique les services publics du territoire sur un espace “tiers-lieu” pour travailler le non-recours aux droits de la jeunesse. Ces deux dispositifs soulèvent des enjeux d’intersectorialité au travers de la démarche d’aller-vers.
Cette communication vise à partager nos analyses sur la façon dont les personnes accompagnées dans le cadre du Logement d’abord perçoivent les actions des acteurs issus de différents secteurs professionnels censés assurer un accompagnement pluridisciplinaire articulé autour du domicile. Notre recherche donne aussi à voir l’influence d’autres acteurs non-insitutionnels qui sont également susceptibles d’agir dans le soutien des personnes anciennement sans domicile et désormais logées.
Depuis le milieu des années 2000, le gouvernement égyptien s’est officiellement engagé dans une transformation digitale (WSIS 2014). Parmi les projets d’e-government lancés en 2005, le programme de la Family Smart Card visait à intégrer au sein d’un même « système technique » l’ensemble des services sociaux fournis à chaque famille égyptienne (Elhennawy 2006) : les subventions alimentaires et énergétiques, les pensions sociales, les retraites, la sécurité sociale etc. Ce programme prévoyait la création parallèle d’un Fichier national unifié des familles : la Family Smart Card, carte à puce (chip) donnant accès à ces différentes prestations, devait aussi être un outil de collecte et de centralisation des données permettant l’identification socio-économique des familles, dans l’optique de « mieux » cibler les prestations sociales. En effet, le premier domaine d’application de la carte concernait les subventions alimentaires, qui bénéficiaient en 2008 à plus de 80% de la population totale (WB 2010), et que le gouvernement entendait désormais cibler pour en réduire le coût budgétaire.
Après une mise en œuvre avortée, en partie due aux interruptions provoquées par la Révolution de 2011 et le coup d’Etat de 2013, ce projet d’unification des données, de digitalisation de l’accès aux services et de ciblage des prestations sociales a connu un nouvel essor dans le contexte de deux réformes majeures de l’Etat social égyptien engagées en 2014 :
Au cœur des deux réformes, et les liant étroitement, le Fichier national unifié apparaît à la fois comme leur condition de possibilité (ciblage) mais aussi comme le produit de leurs mises en œuvre (compilation des bases de données produites par les cartes à puce et par le proxy means test du CCT). Si cette circularité n’est pas spécifique et se retrouve dans d’autres contextes[1], elle révèle cependant d’importants enjeux politiques que cette communication analysera. Tout d’abord, l’opérationnalisation de ce fichier transversal demeure paradoxalement incertaine pour les acteurs des différentes institutions impliquées dans ce partage des données : ceux-ci sont en réalité confrontés à de solides frontières bureaucratiques entre ministères, mais aussi avec les entreprises privées et les agences sécuritaires qui possèdent et exécutent les systèmes de gestion des données. Ensuite, cette opérationnalisation incertaine, couplée à un agenda politique pressant au « ciblage », se traduit par des campagnes ponctuelles mais massives d’exclusion des ayant-droits sur la base du croisement des données. Or, d’un côté, la contestation de ces exclusions se trouve elle-même filtrée par des procédures dématérialisées, participant elles-aussi de la digitalisation de l’Etat social. D’un autre côté, certains ayant-droits se trouvent réintégrés automatiquement. Il en découle une impression d’arbitraire qui provoque des débats politiques quotidiens en dépit du contexte autoritaire.
[1] V. Dubois (2021) a par exemple montré comment le RNCPSS créé en 2009 en France provient du croisement de fichiers spécifiques à chaque prestation sociale et permet la redéfinition du contrôle et du ciblage de ces dernières.