Cette communication propose d’analyser les modes de légitimation de grands projets miniers en Guyane à partir des discours tenus par la plus grande fortune guyanaise de l’orpaillage, interrogée dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue en novembre 2024.
Comment les problèmes des groupes sociaux en haut de l’espace social deviennent-ils des affaires d’État ? La littérature est riche en ce qui concerne les groupes d’intérêt, le lobbying, les représentants patronaux, dont on peut dire qu’ils représentent les intérêts des classes dominantes (par ex. Offerlé, 1994). Un autre champ de recherche aujourd’hui vivace prend pour objet les mobilisations conservatrices, qui, bien souvent, sont des dominants qui œuvrent à maintenir l’ordre établi, comme dans l’exemple classique de la « défense des beaux quartiers » (Pinçon & Pinçon-Charlot, 1992). Mais qu’en est-il de l’émergence de nouvelles politiques publiques qui de facto visent à prendre en charge des problèmes qui concernent avant tout les classes supérieures ?
Dans cette communication, je présenterai les résultats d’une recherche sur l’origine de la politique de scolarisation des familles françaises de l’étranger, politique qui s’est traduit par la construction de dizaines d’établissements dans les zones de l’expatriation occidentale, et par l’octroi de subventions et des bourses à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros. Cette politique publique a pris forme sur une période courant de 1960, date de la création des premières écoles spécifiquement destinées aux Français de l’étranger, à 1990, date de création de l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Étranger (AEFE).
Mon travail se base sur une enquête par archives centrée sur les archives diplomatiques de l’ambassade et des consulats et Allemagne et, secondairement, aux États-Unis, ainsi que sur les archives du sénateur Jacques Habert, sur les archives d’associations de parents d’élèves, et enfin sur des archives du service international du ministère de l’Éducation nationale. Cette recherche a été complétée par des entretiens avec des responsables politiques pour la période la plus récente.
La thèse que je défendrai est que la mobilisation pour cet enjeu propre aux élites françaises de l’étranger repose sur des acteurs étatiques gagnés à la cause et qui agissent en utilisant leur connaissance de l’État et leur accès aux ressources bureaucratique — ce qui réduit à peu de choses le débat public et court-circuite le processus législatif. C’est sur ces agents efficients sur lesquels notre analyse sera centrée.
Trois types d’agents interviennent, qui représentent trois stades successifs d’institutionnalisation de cette cause : une première institutionnalisation de terrain, d’abord, qui passe par le soutien des agents des postes diplomatiques ; une institutionnalisation à l’échelon central de l’État ensuite, portée par des élus représentant les Français et Françaises de l’étranger ; une institutionnalisation politique et gouvernementale, enfin, à travers des hommes et des femmes politiques proches du Parti socialiste.
Bibliographie Offerlé Michel, Sociologie des groupes d'intérêt, Paris, Montchrestien, 1994. Pinçon Michel Pinçon & Pinçon-Charlot Monique, Quartiers bourgeois, quartiers d’affaires, Paris, Payot & Rivages, 1992.Maximilien Serreau (CRIS Sciences Po)
maximilien.serreau@sciencespo.fr
Axe 1 : De bien vertueuses élites ? Environnement et moralisation du capitalisme