Les « réseaux sociaux numériques » comme Twitter ou Facebook constituent aujourd’hui de nouveaux espaces d’expression à l’intérieur desquels les “problèmes environnementaux” prennent forme, circulent, gagnent en visibilité ou au contraire se perdent dans le flux des notifications quotidiennes. Partant des enquêtes que nous menons dans le cadre d’une convention de recherche avec l’ANSES sur l’analyse des controverses relatives aux pesticides dans les espaces numériques, nous proposons de contribuer aux questions soulevées par le RT38, celles sur les « "champs de force" qui s’opposent autour de la définition des pratiques légitimes et illégitimes » notamment, en analysant la circulation des rhétoriques anti-écologistes sur Twitter et Facebook.
Nous nous appuierons pour cela sur l’étude d’un corpus de publications postées sur ces deux plateformes entre 2010 et 2021 et contenant le mot, pesticide, fongicide, glyphosate, roundup, herbicide, SDHI, chlordécone, insecticides, néonicotinoïde, désherbant ou phytosanitaire. Au total, nous disposons d’un corpus de 1,365 million de tweets et de 414 000 posts Facebook. Parallèlement à l’analyse du contenu du corpus à l’aide de méthodes computationnelles, nous avons ainsi classé manuellement les 700 comptes les plus actifs (500 pour Twitter et 300 pour Facebook) selon le genre, le type d’acteur (organisations ou individus), le rôle (agriculteurs, militants, élus, agence d’expertises, etc.), les thématiques abordées et les visions défendues.
Au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête, nous avons été surpris d’observer une amplification de la puissance d’expression des rhétoriques anti-écologistes, en particulier sur Twitter, au cours des quatre dernières années. Ces rhétoriques sont portées aussi bien par des personnalités médiatisées comme Emmanuelle Ducros, Mac Lesggy, Gil Rivière-Wekstein que des utilisateurs anonymes qui prennent la parole en tant que chercheurs, agronomes, ingénieurs ou agriculteurs pour dénoncer l’irrationalité des écologistes qui, en militant pour l’interdiction de certains herbicides par exemple, priveraient la France de moyens pour assurer la sécurité alimentaire et réduire ses émissions de CO2. 0 travers notre communication, nous décrirons les différents types d’arguments (scientifiques, politiques, économiques) mobilisés par ces acteurs ainsi que les mouvements sociaux que ces rhétoriques anti-écologistes fédèrent.
Alors que le ministère de l’Agriculture a mis en place des « Observatoires de l’agribashing » et que la cellule DEMETER de la Gendarmerie Nationale est chargée de prévenir les « actions de nature idéologique » (Ministère l’Intérieur, 2019) dénigrant le monde agricole, l’enjeu est de comprendre la portée de ces rhétoriques. Doit-on considérer leur amplification comme l’émergence d’un nouveau cycle politique ? Où signe-t-elle au contraire un bouleversement des rapports de force conduisant les tenants d’un « solutionnisme technique » à chercher dans l’espace public les appuis qu’ils craignent de perdre dans les arènes de gouvernance des risques environnementaux ?
La communication s'interroge sur le recours au droit pour défendre la cause environnementale. Elle s'appuie sur deux recherches : l'une sur la mobilisation du droit pour défendre la cause climatique et l'autre, en cours, sur la transition écologique du droit économique et l'enseignement de ce domaine du droit. Les matériaux de ces deux recherches sont essentiellement constitués par l'analyse des manuels de droit, notamment de droit économique, et par la réalisation d'entretiens auprès d'avocats, de magistrats du Conseil d’État, de juristes d'associations et de professeurs de droit. Cette communication plaide pour penser le droit de l'environnement en termes d'espace de production et de mobilisation composé de différents quatre champs : le champ militant, le champ juridique, le champ de l'expertise et le champ parlementaire. Trois axes structurent notre communication. Après avoir identifié les acteurs du contentieux environnemental, les pratiques et les stratégies juridiques de ces acteurs sont analysées en s'interrogeant notamment sur les conséquences du recours au droit sur la (re)définition de la cause environnementale, et, en retour, sur les effets de la défense de la cause environnementale sur la construction et la légitimation de ce domaine du droit qu'est le droit de l'environnement. Finalement, la communication, centrée sur le champ juridique, permettra d'une part de saisir la circulation du droit entre les différents champs constitutifs de l'espace de production et de mobilisation du droit de l'environnement, et d'autre part d'analyser les conséquences de son recours tant, par exemple, pour les associations et leur structuration interne, mais aussi quant aux schèmes d'appréhension de l'écologie et de sa place désormais centrale. La mobilisation du droit, bien que plurielle et connaissant des définitions concurrentes, participe en effet de la judiciarisation et plus certainement de la juridicisation de la cause environnementale, de la diffusion de la raison juridique et d'une certaine grammaire de la lutte mais elle permet aussi une certaine reproduction de l'ordre économique et social
Le 16 décembre 2015, la Ville de Paris adopte le Plan Paris Santé Environnement, la feuille de route municipale en santé environnementale visant à réduire à la fois les pollutions et nuisances environnementales et les inégalités sociales de santé. L’une des matérialisations de cette double ambition politique a été la construction d’un outil cartographique d’identification des zones de la « fragilité en santé environnementale » qui correspondent aux espaces marqués par les inégalités environnementales de santé. À l’issue de deux ans de travail, l’équipe en charge de la production de cet outil, produit une carte unique qui agrège trois catégories de données : « pollutions et nuisances environnementales », « populations vulnérables » et « offre en aménité environnementale et urbaine ». L’objectif de cette communication est de discuter comment cette équipe a construit la carte de « pollutions et nuisances environnementales » à Paris dans laquelle s’incorporent et s’imbriquent de multiples formes d’ignorances des problèmes environnementaux. Plus particulièrement, elle s’intéresse aux difficultés rencontrées par cette équipe pour cartographier l’exposition des parisiens à une longue liste de pollutions et nuisances environnementales qui ont été identifiées dans le Plan Paris Santé Environnement comme prioritaires pour l’action publique : l’air extérieur, l’environnement intérieur, le bruit, les substances chimiques (agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) et polyéthylène), le climat, l’amiante, les sols pollués, le plomb, les nanoparticules, les champs électromagnétiques, les radiofréquences et le tabagisme.
Mots clés : ignorance, fragilité en santé environnementale, pollutions et nuisances environnementales
Les politiques de responsabilisation des citoyen·nes par la promotion de pratiques écologiques individuelles ont été fortement critiquées par le mouvement pour le climat qui a émergé en 2018. Cependant, les activistes n’ont pas abandonné ces pratiques. Dans cette communication, qui s’appuie sur des données quantitatives et qualitatives recueillies lors de marches pour le climat en Italie entre 2021 et 2022, nous montrons que l’intensité de l’investissement quotidien des activistes est particulièrement structurée par le genre, l’âge et le radicalisme politique. Ensuite, nous distinguons différents profils d’activistes identifiés à partir des motivations qu’ils et elles offrent pour soutenir leur style de vie : efficacité, éthique, adaptation, volonté de résister au marché, etc.
Ronan Le Velly
Depuis plus d’une dizaine d’années, la finance s’est dotée de nouveaux produits censés prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux. Au sein de cette finance dite durable, un courant, celui de l’impact investing, revendique une approche encore plus radicale et promet de rendre compte précisément des impacts sociaux et environnementaux des investissements soutenus. L’impact investing s’est ainsi progressivement implanté depuis 2007 dans de nombreux écosystèmes financiers, et sous diverses formes. La présente communication s’appuie sur une enquête menée depuis 2019 sur l’émergence et l’implantation de l’impact investing à Genève. Nous nous y demanderons en quoi l’autonomie des acteurs financiers dans l’élaboration de tels dispositifs de valuation conduit à l’adoption de méthodes de comptabilité d’impact social ou environnemental parfois disjointes des ambitieux objectifs affichés. À travers ce cas, nous questionnerons, plus globalement, la connexion entre l’autonomie de certains espaces marchands, et la manière dont ces derniers fixent—volontairement ou non—des objectifs environnementaux ou sociaux. Quand, au-delà du seul champ de la finance, les « capitalistes compatissants » (selon la terminologie d’Emily Barman) multiplient les initiatives à l’égard des enjeux de société, et notamment la question écologique, le présent cas permet de réfléchir à la portée et à l’efficacité de telles initiatives.
Mots-clés : finance, valuation, moralisation des marchés.
Stéphanie Barral et Paul Cary