Dans cette communication, nous nous intéressons aux mécanismes qui conduisent aux inégalités de représentation entre hommes et femmes dans les médias, phénomène constaté de longue date par de nombreuses recherches depuis une cinquantaine d’années. Nous souhaitons non pas seulement mesurer ces inégalités, mais examiner la place respective des logiques individuelles, organisationnelles et professionnelles dans la production de ces inégalités genrées de représentation. Nous privilégions une approche fondée sur une étude de cas : celle d'un média français d'information en ligne pour lequel nous disposons d'un corpus volumineux d’articles. Nous mesurons le niveau des inégalités de représentation de genre dans les articles de ce média à partir de méthodes computationnelles, et mêlons à ces données quantitatives des données recueillies au travers d’une série d’entretiens avec les membres de la rédaction. Nous nous concentrons sur l'explication de l’évolution du niveau d’inégalités dans ce média, en baisse régulière mais lente depuis 2017, en proposant une analyse multivariée combinant les effets de la composition genrée de la rédaction, de décisions prises en son sein pour mieux prendre en charge la question de l'égalité femmes-hommes, et des normes professionnelles des journalistes.
L’affaire dite de la Ligue du Lol, le nom que ses membres se sont donné·es, et qui désigne « un groupe privé Facebook, créé à la fin des années 2000 » est révélée en février 2019 dans un article de Libération, où deux militantes féministes —Daria Marx et Valérie Rey-Robert—, et trois femmes journalistes dénoncent des actes de harcèlement en ligne perpétrés par des membres de ce groupe Facebook,— des journalistes, des publicitaires et des spécialistes de la communication — quasiment exclusivement des hommes blancs de classe supérieure, habitant à Paris, et nés dans les années 1980.
Dans cette communication, nous souhaiterions nous intéresser aux processus de cadrage de cet événement dans une rédaction de presse écrite nationale, appartenant au « mainstream médiatique ». Les journalistes en charge du dossier doivent faire face à une double contrainte : écrire sur des hommes accusés de violences sexistes et sexuelles qui appartiennent à la jeune génération, supposé plus progressiste et plus féministe que les plus anciennes, et qui appartiennent à leur entre-soi journalistique. La mise à distance, ou altérisation, des auteurs de violences par leur âge ou par leur classe sociale n'est donc pas possible dans ce cas. Comment dans ces conditions réussissent-ils malgré tout à traiter cette affaire et avec quels cadrages ?
Notons que ces révélations sur la Ligue du Lol s’inscrivent dans un contexte spécifique post #MeToo où les révélations de violences sexistes et sexuelles se multiplient au sein du champ journalistique et où la rédaction a mis en place une nouvelle politique de ressources humaines et une nouvelle politique éditoriale sur les sujets en lien avec les violences sexistes et sexuelles au sein de la rédaction étudiée.
Cette communication souhaite s’intégrer dans l’axe 6 de l’appel à communication sur « Représentations et représentativités dans les médias » et participer à la réflexion sur les luttes autour des questions de genre et l’importance prise par les cadrages sur les violences sexistes et sexuelles dans le contexte post #MeToo au sein du champ journalistique contemporain.
Cette communication s'appuie sur une enquête ethnographique, menée dans le cadre d'une recherche doctorale, elle a été conduite entre janvier 2019 et octobre 2020 au sein de la rédaction d'un média national de presse écrite et son site Internet. Nous avons réalisé trente-cinq entretiens semi-directifs avec des journalistes de la rédaction et des membres de la direction. Nous avons par ailleurs mené des observations non participantes de réunions d'un groupe de travail travaillant sur le sujet des féminicides, et une observation d'un mois à la rédaction de ce média en novembre 2019.