Illusions et réalités : La fabrique de la mémoire

Illusions et réalités : La fabrique de la mémoire

 

Université Internationale de Rabat

Laboratoire d’Etudes Politiques, des Sciences Humaines et Sociales

Congrès international

Illusions et réalités : La fabrique de la mémoire  

25 et 26 avril 2019

 

Argumentaire

 

La mémoire est histoire, croyance, rite, symbole, savoir, pouvoir et illusion. Observable à travers une multitude d’expressions artistiques, littéraires, sociales et politiques, elle serait alors un conte populaire qui berce la jeunesse, des chants et des danses qui égayent des soirées de festivités, une vision personnelle s’ébauchant par un jeu de couleurs et de formes, une fable animée par le mouvement mécanique d’une pellicule dans une boite noire, ou encore la parole d’un politique devant un auditoire conquis. La mémoire est, en somme, ce patrimoine matériel et immatériel utile à la construction des identités et des imaginaires collectifs.

Saisir ainsi la notion de la mémoire par le biais de l’expression humaine (le cinéma, la photographie et la peinture) est une perspective doublement pertinente. D’abord, elle invoque la question de la constitution de la mémoire sous la forme d’oppositions qui créent la signifiance, et explicite par là même le processus de sa transmission.

Les approches qui suivent représentent des zones de réflexion susceptibles d’apporter des éléments de réponse et d’élargir ainsi le regard sur le rapport entre l’illusion et la réalité ainsi que leur rôle dans la constitution et la transmission de la mémoire comme cadre référentiel.

L’ethnologie et l’anthropologie se sont approprié les notions de la mémoire et de l’illusion à partir du mythe dans son rapport avec les cérémonies propres à chaque peuplade. Ces activités rituelles nous offrent l’image d’une mémoire vivante visible à travers un récit imagé, empreint de symboles, qui raconte une histoire consolidant ainsi les liens identitaires. Ainsi, quelle serait le fonctionnement des pratiques rituelles ? Leur relation avec la mémoire et sa transmission ? De quoi sont formées les images rituelles ? Quel est le rôle que joue le rituel au sein d’un groupement d’individus ?

Par ailleurs, la peinture, la photographie et le cinéma ont, tout au long des siècles précédents, investi le champ de la mémoire en restituant des époques révolues dans le sens où ils redonnent à voir ce qui n’a pas été vu. En titillant ainsi les souvenirs, les souvenirs déformés, les remembrances mêlées aux illusions, cette mise en représentation nous confronte à une mémoire lointaine jouant, voire manipulant, notre perception des événements qui ont, depuis toujours, secoué le monde. Cette mémoire, ainsi confectionnée, sert notamment d’ossature et de trame dans lesquelles viennent se greffer les objets sociaux à venir. C’est ce que nous pouvons identifier comme la mémoire du futur qui rend observable un certain nombre d’objets qui orienterait les événements ultérieurs. Les rôles de la peinture, de la photographie et du cinéma ne devraient pas être destinés au seul public assoiffé de divertissement mais devrait accomplir notamment un rôle didactique rendant visible et saisissable un passé jusqu’alors méconnu et participer ainsi à la constitution du futur. Par quels moyens, la peinture, la photographie et le cinéma restituent-ils la mémoire ? Quelle serait la part de l’illusion ? Quelle serait la part de la réalité ? Quels sont leurs rôles pour réanimer une mémoire refoulée, oubliée ? Quels sont les rôles des productions cinématographiques dans la constitution du futur ?

Approcher la mémoire par la voie de la sociologie représente une pertinence significative et ce eu égard à l’intérêt qu’elle porte aux évolutions, aux différentes formes de cohabitation des hommes et à l’influence qu’ils exercent les uns sur les autres. Les mouvements migratoires, qu’a connus l’histoire de l’humanité, illustrent bien cette mémoire mobile, déformée et reconstituée à partir de récits qui tiennent tantôt de la réalité tantôt de la fiction. Cependant, la sociologie en s’associant au cinéma – le film devient un outil et un recueil de données[1] – jouent un rôle indispensable dans la conservation et la co-construction de la mémoire.  Ainsi, la sociologie filmique devient un instrument de production des connaissances scientifiques.  Ce double aspect – technique et méthodologique à la fois – que représente la sociologie filmique est utile notamment aux mouvements sociaux contemporains comme lieux et sujets de production, d’usage et de conflit autour de la mémoire.

Le contexte géopolitique actuel, et précisément celui du bassin méditerranéen comme espace millénaire de circulation et de transformation de la mémoire, nous confronte à plusieurs questions relatives à la mémoire ou à cet exode des illusions : comment la sociologie rend-t-elle compte de cette mémoire mobile qui évolue au gré des trajets et des passeurs ?  Quels sont les rôles de la sociologie filmique par rapport aux mouvements sociaux ? Quels sont les impacts des mouvements migratoires sur la conservation de la mémoire ? Quelle mémoire ? Une mémoire du réel ou une mémoire nourrie d’illusions inaccessibles ?

Enfin, la politique, carrefour des illusions et des réalités, est représentative d’un espace symbolique de construction et de déconstruction de la mémoire collective et de l’identité. En effet, les productions documentaires, réalisées au Maroc par les Français en période du Protectorat, soulèvent plusieurs questions en rapport avec la politique, la mémoire et l’histoire. Ces réalisations documentaires, destinées à un public français à l’affût d’exotisme, ont servi quelle mémoire et ont contribué à la construction de quels imaginaires collectifs ? Par ailleurs, le storytelling ou le racontage d’histoires et le rituel politique sont autant de formes que peut prendre la mémoire dans le domaine politique. Ces pratiques, très courantes et qui renvoient à la fiction et/ou à un ensemble d’univers symboliques, sont constitutives du langage politique. Comment l’acteur politique expose-il la mémoire dans son récit ? Par quels procédés le rituel politique prend-t-il forme et puissance et devient par voie de conséquence un pouvoir politique ? Quelle est la part de l’illusion dans le langage politique ?

Axes d’intervention :

1.      Ethnologie, anthropologie (Les images ethnographiques en Afrique et en Méditerranée) ;

2.      Sociologie, Sociologie filmique ;

3.      Mise en scène du politique ;

4.      Histoire et mémoire filmique contestée du Maroc.

 

Version anglophone :

Memory is inclusive of history, beliefs, rituals, symbols, knowledge, power and illusion. Through a diversity of artistic, literary and socio-political expressions, memory could take the form of a folk tale lullaby, entertaining chants and dances, personal visions framed by colors and forms, a tale that is brought to life through mechanical motion, or a politician’s speech in front of an engaged audience. Memory is, in sum, suggestive of a tangible and intangible heritage that is instrumental in constructing identities and collective imaginaries.

Grasping memory through the bias of human expression (cinema, photography, painting) is a perspective of double relevance, it invokes how memory is constituted through opposites that construct significance, and thus enunciate the process its transmission.

The following approaches suggest areas of reflection that seek to obtain answers and thus expand perspective on the possible link between illusion and reality, and their role in constructing and transmitting memory as a framework.

Ethnology and anthropology have appropriated notions of memory and illusion through the study of myth in relation to folk ceremonies. Such rituals offer a vibrant image of memory that is discernable through a narrative full of imagery and symbols, whose role is to narrate a history that consolidates identities. Therefore, what are the possible functions of ritual practices? How do they relate to memory and its transmission? What do ritual images include? What role does a ritual play within a collective of individuals?

Further, painting, photography and cinema have over the centuries invested in memory by restituting past eras and rendering visible what used to be invisible. By recalling memories, distorted memories, or those steeped in illusion, we go on an encounter of a faraway memory that shapes or manipulates our perception of events that shake the world.

Also, exploring memory from a sociological perspective is of significant relevance, as it examines social developments and patterns and how they impact each other. Movements of human migration demonstrate how memory can be mobile, distorted and restituted through narratives that derive from both reality and fiction. That said, sociology and cinema -film becomes an instrument and a means of collecting information[2]– play an important role in conserving and co-constructing memory. Therefore, filmic sociology becomes an instrument in producing scholarly information. The double aspect of filmic sociology- technical and methodological- is helpful in understanding contemporary social movements as spaces and subjects of production, usage and conflict around memory. This memory, as constructed, serves mainly as a framework that accommodates emerging social objects. The latter may be referred to as a memory of the future that makes discernible a number of issues, which shape emerging events. The role of painting, photography and cinema should not only target audiences in quest of entertainment, but should take on a didactic role that renders visible and discernible an unknown past, and therefore contribute to constituting the future. Hence, through what means do painting, photography and cinema restitute the future? What is the role of illusion and reality in this process? What would be their role in recovering a repressed or forgotten memory? What is the role of cinematographic productions in constituting the future?

The current geopolitical context, especially in the Mediterranean as a millennial space of memory’s circulation and transformation, poses questions related to memory or this exodus of illusions: How does sociology accounts for this mobile memory that evolves through trajectories and passers-by? What role does filmic sociology has in relation to social movements? What is the impact of migratory movements in preserving memory? What memory: one that is real or one that is informed by inaccessible illusions?

Finally, politics- a crossroads of illusions and realities- represents a symbolic space of a construction and deconstruction of collective memory and identity. In fact, documentary productions made on Morocco by the French during the colonial period raise a number of questions related to politics, memory and history. Geared towards a French audience in pursuit of the exotic, what memory have these documentaries produced and what collective imaginaries have they contributed to constructing? Moreover, storytelling and narrations of history, as well as political ritual are also forms that memory can take in the political domain. These practices that are common and touch on fiction and/or other symbolic elements constitute political language. How does a political actor demonstrate memory in their narration? What is the process through which a political ritual takes form and power and becomes consequently political power? What is the role of language in political language?

Conference themes:

1.      Ethnology and anthropology (ethnographic images of Africa and the Mediterranean)

2.      Sociology and filmic sociology

3.      The making of the political

4.      Contested history and filmic memory about Morocco

Responsables du congrès :

Jean-Noël Ferrié : jean-noel.ferrie@uir.ac.ma ;

Sara Mejdoubi : sara.mejdoubi@uir.ac.ma ;

Aziz Hlaoua : hlaoua.aziz@yahoo.fr

Comité d’organisation :

Sara Mejdoubi (Linguiste- Université Internationale de Rabat)

Jean-Noël Ferrié (Politologue-Université Internationale de Rabat)

Aziz Hlaoua (Anthropologue-IURS de l’Université Mohammed V-Rabat)

Meryem El Haitami (Ethnologue- Université Internationale de Rabat)

Mehdi Alioua (Sociologue- Université Internationale de Rabat)

Najib Mokhtari (Littérature comparée-Université Internationale de Rabat)

Hanane Idihia (Doctorante/Socio-anthropologie à l’Université d’Evry Paris-Saclay)

Comité scientifique international :

Jean-Pierre Durand (Sociologue)

Joyce Sebag (Sociologie)

Lucas Palmas (Sociologue)

Farid Zahi (Philosophe et critique littéraire)

Sara Mejdoubi (Linguiste)

Jean-Noël Ferrié (Politologue)

Jacques Ibanez Bueno (Sociologue)

Baudouin Dupret (Sociologue)

Mehdi Alioua (Sociologue)

Farid El Asri (Anthropologue)

Najib Mokhtari (Littérature comparée)

Souad Azizi (ethnologue)

Rina Sherman (ethnologue)

Langues du congrès :

Les communications sont prioritairement attendues en français. Des contributions en anglais pourraient aussi être acceptées.

Formats des propositions de communications :

Format des propositions individuelles :  Titre, 5 mots clés et un résumé de l’intervention en français (300 mots).

 

Format des propositions d’ateliers : un CV du responsable de l’atelier, un résumé de 500 caractères en français de la problématique générale de l’atelier ; résumés en 2000 caractères des quatre communications composant l’atelier ; brève présentation des intervenant-e-s mentionnant leur rattachement institutionnel éventuel et leurs coordonnées ainsi que leurs principaux axes de recherches.

 

Les propositions de communication sont à envoyer conjointement à : sara.mejdoubi@uir.ac.ma et jean-noel.ferrie@uir.ac.ma

 

Les dates du congrès :

31 décembre : Date-butoir pour la soumission des propositions ;

Entre le 1er et le 8 avril 2019 : réception des versions destinées à faire circuler au moment des communications.

Lieu du congrès :

Université Internationale de Rabat, Parc Technopolis Rabat-Shore Rocade Rabat salé, 11100 Sala El Jadida-salé-Maroc

 

 

 


[1] Jean-Pierre Durand, Joyce Sebag « La sociologie filmique : écrire la sociologie par le cinéma ? », L’Année sociologique 2015/1 (Vol. 65), p. 71-96. DOI 10.3917/anso.151.0071

[2] Jean-PierreDurand, Joyce Sebag « La sociologie filmique : écrire la sociologie par le cinéma ? », l’Annéé sociologique 2015/1 (Vol. 65), p. 71-96 . DOI 10.3917/anso.151.0071













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