Environnement(s) et inégalités
Appel à communication général
11e Congrès de l’Association française de sociologie - Toulouse
Les constats sur le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et leurs effets sur l’humanité sont aujourd'hui l’objet d’un consensus international dans le champ scientifique. Toutefois, les projets politiques, les actions collectives, les modes de production et de consommation, ou plus généralement les styles de vie qui se déploient à l'échelle internationale et locale pour "se mettre au vert" suscitent controverses et réticences voire de fermes oppositions. Quand les un-es appellent avant tout à la responsabilisation individuelle, d'autres plaident pour des mesures collectives plus coercitives, voire un changement de système économique, social et politique. Partant de ces constats et de l’urgence sociale de se saisir de la question environnementale, l'AFS y consacre son prochain congrès. Plus précisément, elle invite les participant-es à questionner les liens entre environnement(s) et inégalités. Dans cette perspective, l'environnement peut se décliner au pluriel, désignant au sens large les différents environnements spatial, social, matériel, politique, professionnel, etc. étudiés par les sociologues ou, dans une acception étroite, désignant la "nature". Comment, du point de vue théorique, penser l'imbrication entre environnement(s) et inégalités et qu'est-ce que les enquêtes nous disent de cette articulation ? En quoi la question environnementale redéfinit-elle les inégalités à l'œuvre et leur analyse ? Et, réciproquement, que font la persistance ou le déplacement des inégalités à l'environnement et aux divers acteurs et actrices qui sen saisissent ? C'est cette articulation entre environnement(s) et inégalités que nous aborderons lors du Congrès organisé à Toulouse en juillet 2025.
1. Espaces, territoires et inégalités
Les individus circulent dans une pluralité d'environnements (spatial, social, matériel, politique, professionnel, etc.), dans lesquels ils font l'expérience des inégalités de classe, de genre, de race, d'âge, etc. La thématique du congrès invite à analyser comment s'articulent ces rapports sociaux à laune des différents espaces dans lesquels les individus sont amené-es à circuler. La pluralité d'environnements participe-t-elle à renforcer les inégalités ou, au contraire, permet-elle de les limiter ? Les inégalités sont-elles cumulatives ou s'agencent-elles différemment selon les environnements ? À l'inverse, les inégalités structurant ces différents espaces participent-elles à reconfigurer ces derniers ? Cet axe invite à questionner les liens entre inégalités et environnements, envisagés ici au sens large.
2. Productions, consommations et modes de vie
Des travaux de sciences sociales s'attachent à souligner que les modes de consommation génèrent des empreintes écologiques différenciées selon les groupes sociaux. Il s'agit ici d'identifier les hiérarchies à l'œuvre dans la production des crises environnementales et les controverses (politiques, médiatiques, scientifiques, ordinaires) que les attributions de responsabilités suscitent. En quoi le genre, la classe sociale ou bien encore la génération affectent-ils les pratiques de consommation (de biens, d'équipements, de loisirs, d'habitats, etc.) selon leur impact environnemental ? Dans le prolongement de ces interrogations, les travaux questionneront les effets des changements environnementaux sur des groupes sociaux spécifiques, et plus largement entre pays ou espaces géographiques, que ce soient en matière de santé, d'accès aux produits de consommation en période de pénurie totale ou relative, etc.
3. Mobilisations environnementales
Outre les inégalités dans la responsabilité des crises environnementales et dans la vulnérabilisation face à leurs effets, se pose la question des capacités d’agir différenciée des individus et/ou des groupes sociaux. L’urgence climatique et environnementale génère un ensemble de projets et d'actions privés et publics, collectifs et individuels. Ils visent un développement durable voire une décroissance, engendrent des débats et des rapports de force, et mobilisent une pluralité d'acteurs et d'actrices aux intérêts tantôt partagés, tantôt divergents. Qui sont celles et ceux qui se mobilisent ? Avec quels moyens et sous quelles conditions ? Plus largement, qui définit la transition écologique, la mène, et à quels obstacles se confronte-t-elle ? Quel-les acteurs et actrices s'emparent de cette cause et au nom de quels objectifs, mais aussi quel-les acteurs et actrices se mobilisent contre cette cause et au nom de quels principes ?
4. Les rapports à la nature
En 2015, le 6ème congrès de l’AFS, dont le thème était "La sociologie, une science contre nature ?", s’emparait de l’épineuse question de la biologisation du social. Dix ans plus tard, nous faisons la démarche inverse : en dépassant l’opposition entre nature et culture et en considérant que les êtres humains sont une espèce animale parmi d’autres, que peut nous dire la sociologie de la nature et de notre environnement ? Plusieurs pistes peuvent être empruntées autour du rapport des êtres humains à ce qu’elles-ils définissent comme la nature. Comment concevons-nous, utilisons, transformons ou encore nous socialisons-nous à la nature ? Quelles sont les significations sociales du rapprochement, de l’inclusion, ou de la distanciation - rhétorique ou matérielle - à la nature ? Quels enjeux éthiques et politiques se posent dès lors que l’on sort d’une conception anthopocentrée du monde ? Comment se dessinent les frontières du "juste" et du "bon" dès lors que l’on met sur un pied d’égalité les êtres humains, les espèces animales, mais aussi le monde végétal et le milieu qui nous entoure ?
5. Les sociologues face au défi environnemental
Le congrès sera l’occasion de questionner le positionnement et les pratiques des sociologues en matière environnementale. Face aux multiples crises environnementales, quels peuvent être les apports de la sociologie pour en questionner les enjeux et en appréhender les conséquences ? Quelle place lui est accordée dans les débats publics ? Comment envisager un regard proprement sociologique sur des phénomènes dont l’expertise est plus couramment reconnue aux sciences expérimentales et comment l’articuler aux autres approches disciplinaires ? L’urgence environnementale amène-t-elle à repenser nos objets ? Au-delà des contenus mêmes des recherches et formations sociologiques, la situation environnementale actuelle, et en particulier le dérèglement climatique et la chute de biodiversité, invite à questionner nos pratiques professionnelles. La valorisation dans les carrières de "l’international" n’est-elle pas contradictoire avec le souci de préserver l’environnement ? Comment penser une recherche toujours ouverte sur le monde et moins émettrice de gaz à effet de serre ?