10 Fév CR colloque « Des mineurs comme les autres ? » (RT 2 et 15) – 29-31 janv. 2021
Le colloque s’est tenu les 29 et 30 janvier 2021 « à distance », avec le soutien de l’Association française de sociologie (via ses RT 2 et 15), de l’Université Sorbonne Paris Nord (USPN) / IUT de Bobigny, de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS – EHESS, USPN, CNRS, Inserm), de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et du laboratoire Migrinter. Les membres du comité d’organisation remercient ces différentes institutions pour leur soutien.
Le colloque était organisé par Lisa Carayon (USPN, IRIS), Julie Couronné (INJEP), Sarra Chaïeb (USPN, IUT de Bobigny), Julie Mattiussi (UHA, CERDACC), Daniel Senovilla-Hernández (CNRS, Migrinter), Arthur Vuattoux (USPN – IRIS).
Ces deux journées de colloque ont réuni plusieurs centaines de participant·es, avec 850 inscrit·e·s et environ 300 personnes connectées simultanément. Même si nous regrettons d’avoir dû, à cause du contexte sanitaire, faire ce colloque en ligne, les échanges ont été nourris, y compris avec le public, grâce à un système de modération / retransmission des questions du tchat auprès des intervenant·e·s.
Le colloque a réuni des chercheur·e·s et professionnel·les (c’était l’ambition de départ), français, mais aussi suisses, italiens et camerounais. Nous pensons désormais publier des actes du colloque sous une forme à déterminer, mais incluant sans doute une retranscription des communications et la mise en ligne des interventions audio.
Objet du colloque
Les mineurs qualifiés par l’administration de « non accompagnés » (MNA), auparavant désignés comme « mineurs isolés étrangers » (MIE), sont des jeunes étrangers arrivant seuls sur le territoire français et étant reconnus mineurs par l’administration, ce qui leur permet d’être protégés au titre des services départementaux de la Protection de l’enfance. De nombreuses recherches ont été réalisées dans les dernières années concernant l’évaluation de l’âge de ces jeunes.
Si la recherche s’est, ces dernières années, principalement concentrée sur les difficultés de l’évaluation, la réalité des prises en charge une fois les jeunes reconnus mineurs demeure peu questionnée, et ce alors même que les acteurs de la Protection de l’enfance, au sens large (éducateurs et éducatrices de l’Aide sociale à l’enfance, associations de défense de ces mineurs ou associations délégataires des Départements, associations nationales d’aide aux migrant·e·s, acteurs de l’Éducation nationale ou du soin, etc.) alertent sur les difficultés des Départements s’agissant du suivi de ces mineurs, le plus souvent à budget constant ou trop réduit au regard des besoins.
L’objectif de ce colloque était donc faire un état des lieux de l’évolution des recherches sur la prise en charge des MNA, de faire se rencontrer des chercheur·e·s de diverses disciplines (droit, sociologie, sciences de l’éducation, histoire, sciences médicales et paramédicales…) prenant pour objet la prise en charge de ces mineurs, et de faire discuter chercheur·e·s et acteurs, puisque le colloque laissera une large place au débat avec les professionnel·le·s de l’intervention sociale auprès des MNA.
Ce colloque était en outre issu d’une recherche en cours sur la prise en charge des MNA dans les Départements français, réalisée par Lisa Carayon, Julie Mattiussi et Arthur Vuattoux et financée par l’INJEP et la MSH-Paris Nord.
Le colloque a été organisé autour de cinq tables rondes thématiques, et les intervenant·e·s avaient 15 minutes pour exposer leur propos, format court justifié par le format du colloque. Outre l’animation / modération par les organisatrices et organisateurs, Tommy Dessine produisait, en direct, des dessins illustrant le colloque (certains de ces dessins sont présentés ci-dessous).
Brève synthèse des tables-rondes
Une première table ronde portait sur les expériences individuelles de l’institution, saisies à partir d’enquêtes ethnographiques, tout en apportant une dimension historique à ces expériences. Julien Long a ainsi rappelé la genèse du/des statut(s) de mineur étranger en France depuis 1945, invitant notamment à inscrire l’histoire de ces mineurs dans la matrice coloniale française. Cléo Marmier et Marion Perrinont quant à elles présenté des ethnographies originales des lieux d’accueil de MNA, qu’il s’agisse de foyers ou d’accueils familiaux – Marion Perrin parlant notamment en tant que chercheur·e·s et en tant qu’éducatrice / accueillante familiale.
La deuxième table ronde questionnait la diversité territoriale des pratiques de prise en charge. Cette table ronde permettait, en outre, d’illustrer la pluridisciplinarité des recherches menées aujourd’hui sur les mineurs non accompagnés, à travers une communication de Sarah Hias (juriste)sur la disparité des capacités d’hébergement selon les départements. Suivait une communication de Virginie Baby-Collin (géographe) et de Cécile Persini (étudiante à SciencesPo Aix) sur une situation locale (à Marseille) et autour des enjeux de scolarisation dans le secteur privé. Simon Protar et Emeline Zougbede (sociologues) s’intéressaient également à une situation locale, celle de la prise en charge spécialisée des MNA en Seine-Saint-Denis.
La troisième table ronde, dernière de la première journée du colloque, visait à apporter un éclairage international sur la prise en charge des mineurs non accompagnés. Deux équipes de recherche / action suisse ont présenté leurs travaux. Celle de Sylvia Garcia Delahaye et de Luca Decroux, en collaboration avec la photographe Valérie Frossard, présentait un dispositif de recherche avec les jeunes permettant, via des séances de photo à plusieurs jeunes, d’exprimer des constats ou attentes vis-à-vis des institutions suisses. Celle de Vista Eskanderi et de Nesa Zimmerman, de la law clinic de Genève, permettait de présenter les enjeux de l’accès au droit des jeunes MNA dans le contexte particulier du droit suisse, distinguant jeunes en demande d’asile ou non. Williams Nyanda Mkamwa est intervenu à propos de la situation camerounaise, en présentant la législation en vigueur et les enjeux de prise en charge des mineurs étrangers dans ce pays, et Anna Granata a présenté une typologie des lieux de prise en charge des MNA en Italie.
Le deuxième jour du colloque, une quatrième table ronde a permis de traiter des enjeux de santé dans la prise en charge des MNA. La table ronde s’est ouverte sur la présentation d’un dispositif local, le « Passeport santé » pour les MNA de la Somme, présenté par Laure Hadj, socio-démographe et Sophie Duménil, médecin référent en protection de l’enfance. Solène Plana et Hinde Maghnouhi, ainsi qu’Héloïse Bertin, ont quant à elles traité des difficultés dans l’accès au soin des MNA, notamment en termes de représentation légale de ces jeunes, et des répercussions psychiques sur des mineurs ayant souvent d’important besoin de soin.
La cinquième et dernière table ronde s’est concentrée sur le moment critique du passage à la majorité des jeunes isolés étrangers. Sarra Chaïeb et Isabelle Frechon sont revenues sur leurs travaux concernant la fin de parcours à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), en se basant notamment sur les données de l’enquête ELAP (INED). Professionnelles de l’ASE, Marine Giannini et Aude Lecroisey ont fait écho des situations locales vécues sur leur territoire, la Gironde.
Il serait intéressant de revenir sur les débats qui ont suivi les communications, et nous espérons que les actes à paraître permettront de les restituer dans leur intégralité. La richesse de ce colloque tient sans doute à sa pluridisciplinarité, mais aussi à l’engouement qu’il a suscité parmi les professionnel·les de la prise en charge des jeunes, très nombreux à la suivre, marquant sans doute en creux une absence de dialogue entre les univers académiques portant sur les MNA et celles et ceux qui les prennent en charge au quotidien.
Programme complet ici
Illustration par Tommy Dessine