Appel à propositions – journée d’étude « Religions et associations »

Appel à propositions – journée d’étude « Religions et associations »

 

Religions et associations

Journée d’étude

Université Paris Nanterre – 4 juin 2019

 Organisée par le Réseau thématique « Sociologie & Religions » et le Réseau thématique « Sociologie des mondes associatifs » de l’Association française de sociologie

  

Argumentaire

 Le projet de cette journée d’étude est né du constat selon lequel la sociologie des religions et la sociologie du monde associatif ont peu dialogué au cours des vingt dernières années. Les objets « religions » et « associations » sont pourtant largement imbriqués : les chercheuses et chercheurs qui s’intéressent au monde associatif rencontrent souvent le religieux, et réciproquement.

En France, les questions religieuses ont joué un rôle important dans la structuration du monde associatif. Elles ont été déterminantes dans l’élaboration de la loi de 1901, qui garantit la liberté d’association tout en encadrant plus strictement les congrégations catholiques. Après 1901, de nombreux secteurs associatifs (l’éducation populaire, la représentation des familles, le sport, etc.) se sont constitués autour d’un pôle laïque et d’un pôle confessionnel. Les questions religieuses n’ont d’ailleurs pas été absentes du pôle laïque, où des pratiques issues d’univers religieux ont pu être érigées en contre-modèles : ce fut le cas, par exemple, dans les secteurs caritatif et humanitaire (Siméant, 2009). Parallèlement certaines activités organisées par les institutions religieuses – comme les patronages paroissiaux dans l’entre-deux-guerres – se sont constituées par opposition aux mouvements laïques dans un contexte de concurrence entre l’Eglise catholique et l’Etat pour l’encadrement de la jeunesse (Tranvouez, 1987, 2006). Par ailleurs, des recherches menées sur des associations ont mis en évidence l’importance des socialisations religieuses antérieures dans les logiques d’engagement associatif (Siméant, 1998) et ont montré que certains recrutements associatifs reposaient largement sur des relations d’interconnaissance liées à des activités religieuses (Passy, 1998).

Malgré cette forte intrication des objets, les travaux croisant la sociologie du monde associatif et les sciences sociales des religions sont restés assez peu nombreux et, surtout, n’ont envisagé ce croisement qu’à partir d’un faisceau limité de questions. La question qui a sans doute le plus rapproché ces deux champs de recherche est celle du lien entre appartenance religieuse et engagement dans l’espace public, analysé sous l’angle de la socialisation religieuse et de ses effets (Donegani, 1993 ; Bréchon, Duriez et Ion, 2000). Quelques travaux récents ont également abordé des associations constituées autour d’une appartenance religieuse sous l’angle du genre, ce qui amène à croiser de manière plus systématique les questions associatives et religieuses (Della Sudda, 2009 ; Rétif, 2013). Enfin, les analyses de Céline Béraud (2007) sur la division du travail religieux dans l’Eglise catholique, en interrogeant les pratiques du bénévolat, la précarité des statuts et les modes d’engagement temporaires par exemple, entrent particulièrement en résonnance avec les recherches sur le travail associatif et les politiques du bénévolat (Simonet, 2010 et 2018).

Cette journée d’études entend renouer le dialogue entre la sociologie du monde associatif et la sociologie des religions. Elle vise notamment à décloisonner l’objet religieux en montrant dans quels contextes et selon quelles modalités les institutions et acteurs religieux recourent au statut associatif (loi 1901). Ce recours s’effectue de manière exclusive ou complémentaire, en distinguant dans ce dernier cas les activités directement liées à l’exercice du culte (réglementées par la loi 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat) des autres (loi 1901) comme les activités sociales et d’entraide, les activités sportives (patronages paroissiaux), culturelles et éducatives (associations de parents d’élèves) ou de sauvegarde du patrimoine religieux. Le statut associatif, largement utilisé par les institutions et acteurs religieux, contribue ainsi à mettre en forme des activités qui, sans être directement liées à l’exercice du culte, participent néanmoins pleinement à la vie de ces communautés religieuses. Les associations loi 1901 doivent se doter d’instances spécifiques (assemblée générale, bureau, etc.) et mettre en œuvre des modes de prise de décision particuliers (élections, principe démocratique d’un homme égale une voix, etc.). Le statut d’association loi 1901 permet par ailleurs l’accès à un certain nombre de ressources, qu’il s’agisse des subventions publiques, de la reconnaissance d’utilité publique, des agréments par les ministères, de la possibilité de participer à des instances telles que l’UNAF, ou encore de recourir au volontariat ou aux emplois aidés du secteur non-marchand. Loin de se résumer à une question purement formelle, le recours à la forme associative constitue donc une dimension importante du religieux contemporain qui incite à s’interroger sur le rapport à la hiérarchie et à l’institution religieuses que ces associations et militants associatifs entretiennent et sur la manière dont l’institution tente d’y répondre (Lagroye, 2006). Dans un contexte de sécularisation et de crise des institutions religieuses, les activités « associatives » (non directement liées à l’exercice du culte) peuvent d’ailleurs apparaître comme une des solutions pour maintenir une attractivité et une utilité sociale du religieux.

 

Nous sollicitons pour cette journée d’étude des communications issues de recherches sociologiques sur des terrains associatifs dans lesquels est présent le religieux sous toutes ses formes. Nous encourageons particulièrement les propositions issues de recherches mobilisant des approches socio-historiques. Les communications pourront choisir plusieurs entrées pour aborder ces relations entre associations et religions.

On pourra s’intéresser en premier lieu aux modalités d’organisation collective, aux formes de légitimité et de pouvoir. Comment des pratiques organisationnelles forgées dans des espaces religieux (paroisses, églises, etc.) sont-elles retraduites, maintenues ou adaptées dans le champ associatif ? À l’inverse, comment la forme associative vient-elle structurer des activités organisées par les institutions religieuses ? Dans quelle mesure celles-ci sont-elles travaillées par les logiques de salarisation et de professionnalisation observables dans le monde associatif (Hély, 2009) ? L’analyse socio-historique d’associations caritatives d’origine confessionnelle (Armée du Salut, Secours catholique, Emmaüs, Cimade, etc.) peut aussi fournir des éclairages utiles sur les logiques de réaffirmation ou de mise à distance des héritages religieux. On pourra également réfléchir à la manière dont des injonctions ou des normes juridiques contemporaines, comme l’égalité des sexes, la parité et la diversité – qui connaissent des traductions inégales dans le monde associatif – rencontrent des croyances et pratiques religieuses.

Une autre entrée possible consiste à porter une attention plus spécifique aux propriétés sociales des acteurs, à leurs dispositions et à leurs trajectoires d’engagement. Grâce aux enquêtes de l’INSEE (Burricand et Gleizes, 2016), on dispose de données relativement complètes sur les déterminants sociaux de la participation associative. Une comparaison avec les déterminants sociaux de l’engagement religieux est-elle éclairante ? Et quelles corrélations peut-on observer statistiquement entre appartenance religieuse et engagement associatif ? L’analyse croisée des dispositions susceptibles de nourrir l’engagement associatif et religieux permettra d’éclairer les processus de socialisation et leurs effets sur les pratiques religieuses et associatives.

 

Lieu et date

La journée d’étude se tiendra le 4 juin 2019 à l’université Paris Nanterre.  

 

Modalités de soumission

Les propositions de communication (une demi-page à une page) préciseront le contenu de la communication et les matériaux utilisés. Il doit s’agir de propositions originales car la journée d’étude donnera lieu à une publication.

Les propositions sont à envoyer avant le 20 janvier 2019 à l’adresse suivante : retifsophie@gmail.com. Les auteur.e.s seront informé.e.s mi-février 2019 de la réponse du comité.

Les textes des communications retenues devront être envoyés 15 jours avant la journée d’étude.

 

Comité d’organisation

Constance Cheynel (Université Paris Dauphine – PSL, IRISSO)

Yannick Fer (CNRS, Centre Maurice Halbwachs)

Gwendoline Malogne-Fer (Centre Maurice Halbwachs)

Camille Martin (Université Lyon 2, Centre Maurice Halbwachs)

Sophie Rétif (Université Paris Nanterre, IDHE.S)

Sbeih Sbeih (LabexMed, Aix-Marseille Université, Iremam)

 

Comité scientifique

Julien Beaugé (Université Picardie, Curapp)

Axelle Brodiez-Dolino (CNRS, Centre Norbert Elias)

Claude Dargent (Université Paris 8, Cresppa)

Johanna Siméant-Germanos (ENS, Centre Maurice Halbwachs)

Et les membres du comité d’organisation

 

 Bibliographie

Béraud, Céline, Prêtres, diacres, laïcs. Révolution silencieuse dans le catholicisme français, Paris, PUF, 2007.

Bréchon, Pierre, Duriez, Bruno, Ion, Jacques (dir.), Religion et action dans l’espace public, Paris, L’Harmattan, 2000.

Burricand, Carine, Gleizes, François, « Trente ans de vie associative. Une participation stable mais davantage féminine », INSEE Première, n°1580, janvier 2016.

Della Sudda, Magali, « La charité et les affaires. Le cas de la Ligue patriotique des françaises (1901-1914) », Entreprises et histoire, n°56, vol. 3, 2009, pp. 11-29.

Donegani, Jean-Marie, La liberté de choisir. Pluralisme religieux et pluralisme politique dans le catholicisme français contemporain, Paris, Presses de Sciences Po, 1993.

Duriez, Bruno, Mabille François, Rousselet Kathy (dir)., Les ONG confessionnelles. Religions et action internationale, Paris, L’Harmattan, 2007.

Hély, Matthieu, Les métamorphoses du monde associatif, Paris, Presses Universitaires de France, 2009.

Lagroye, Jacques, La vérité dans l’Eglise catholique, Paris, Belin, 2006.

Passy, Florence, L’action altruiste, Genève/Paris, Droz, 1998.

Rétif, Sophie, Logiques de genre dans l’engagement associatif, Paris, Dalloz, 2013.  

Siméant, Johanna, La cause des sans-papiers, Paris, Presses de Sciences Po, 1998.

Siméant, Johanna, « Socialisation catholique et biens de salut dans quatre ONG humanitaires françaises », Le Mouvement Social, avril-juin 2009.

Simonet, Maud, Le travail bénévole. Engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, La Dispute, 2010.

Simonet, Maud, Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel, 2018.

Tranvouez Yvon, « Les patros revisités », Vingtième Siècle. Revue d’histoire n°16, 1987, p. 106-109.

Tranvouez Yvon, « Le sport catholique en France », Vingtième Siècle. Revue d’histoire n°92, 2006, p. 171-180.

 

 













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