RT40

Classer, déclasser, reclasser. Un processus institutionnel.

Le réseau thématique n° 40 de l’Association Française de Sociologie a pour objectif de développer une conceptualisation de la notion d’institution dans une perspective de sociologie générale et comparative. Telle que nous l’entendons, la sociologie des institutions se présente comme transversale par rapport à différentes sociologies spécialisées basées sur les découpages de la vie sociale (telles que la sociologie de la famille, la sociologie de l’éducation, la sociologie du travail social). Relevant d’une sociologie générale, cette approche vise à analyser les manières dont les rapports politiques au sens large du terme instituent les rapports sociaux à travers la prise en charge d’enjeux sociétaux. Si les questionnements ont porté de façon privilégiée au cours des dernières années sur les institutions publiques, on vise une réflexion plus large sur les formes sociales instituées et institutionnalisées des sociétés contemporaines. Nous faisons le pari que la mise en perspective de travaux portant sur différents secteurs de la vie sociale permettra de révéler des processus transversaux voire structurants. Le huitième congrès de l’AFS sera l’occasion de continuer à nourrir cette perspective.

Les publications du RT 40 ont interrogé la capacité des institutions à faire partie d’outils d’émancipation, en particulier s’agissant des populations affaiblies (Payet, Giuliani, Laforgue, 2008). Ayant posé comme préalable la reconnaissance de la fragmentation interne des institutions (Bonny, Demailly, 2012), elles ont questionné l’activité institutionnelle ordinaire et sa contribution à la production, reproduction, résorption des inégalités sociales et des asymétries de pouvoir (Payet, Purenne, 2015). Cette interrogation n’épargne pas non plus la sociologie envisagée également comme une institution susceptible de contribuer à la production du monde social (Laforgue, 2018). A l’occasion du congrès 2019, le RT 40 souhaite continuer à interroger à la fois l’emprise des institutions sur les individus et leurs parcours de vie ainsi que la portée du travail institutionnel en matière de production du social.

   

Les propositions de communications pourront s’inscrire dans un des trois axes suivants, ou dans un 4e axe proposé conjointement avec les RT 15 et 22 (cf. 2e appel de ce RT) :

 

 

Classer et ordonner : une production institutionnelle

Ce huitième congrès de l’AFS vise notamment à étudier les processus de production de catégories pour se penser, penser les autres et le monde qui nous entoure. Il s’agira ici d’éclairer plus spécifiquement la place des institutions dans ces processus. S’inscrivant dans une tradition sociologique de mise en lumière de la dimension normative des institutions, cet appel à communication invite à interroger comment les institutions classent et avec quelles catégories. Comment les professionnel·le·s et les bénévoles des institutions catégorisent-ils/elles leurs activités et leurs publics ? Au nom de quelles légitimités ? Comment les institutions se représentent-elles leur propre grandeur ? Comment gèrent-elles l’écart à la norme, voire la honte, de leurs agents et de leurs publics ? Recourent-elles au stigmate ? Comment ces catégories évoluent-elles avec la montée des incitations au respect et l’accroissement des droits individuels ? Qu’est-ce que cela révèle des modifications symboliques, normatives ou organisationnelles au sein des institutions ?

On pourra s’interroger également sur la manière dont ces catégorisations institutionnelles participent de l’allocation des ressources matérielles et symboliques entre les groupes sociaux. Les rapports de pouvoir (race, genre, classe, âge) s’en trouvent-ils systématiquement renforcés ou bien des lignes de fuite et de résistance émergent-elles au cœur des institutions ? Que produisent, en la matière, les reconfigurations normatives et le vent de réforme successif qui caractérise aujourd’hui les institutions publiques, par exemple ?

Enfin, des communications pourront examiner plus spécifiquement les logiques et les pratiques de celles et ceux qui sont l’objet de ces catégorisations. Qu’en font-ils ? Dans la continuité des recherches antérieures de ce RT, nous proposons d’analyser ces processus en mettant l’accent sur les usages non-contraints et réflexifs des acteurs faibles (Laforgue, Giuliani et Payet, 2008). Permettent-ils d’échapper (temporairement ou non) aux rapports asymétriques, aujourd’hui questionnés, qui caractérisent les relations avec les institutions (Payet et Purenne, 2015) ?

 

Les institutions comme objets de classement : la question des frontières

Si les institutions produisent des catégorisations et des classements sociaux, elles n’en demeurent pas moins elles-mêmes le produit d’une activité de classement et de hiérarchisation symbolique développée au plan individuel comme collectif. Des luttes politiques se déroulent sous nos yeux pour classer, déclasser et reclasser les questions sociales en une diversité d’enjeux institutionnels.

Des processus de cadrage amènent à formuler et reformuler les questions sociales à partir de catégories concurrentes (ie. sanitaires, éducatives, judiciaires, sociales, économiques ou encore familiales, etc.) ; mais ces catégorisations ne sont pas neutres symboliquement. Ainsi, des controverses, auxquelles participent les sociologues, ponctuent ce travail social de classement comme, par exemple, quand l’itinérance tend à être disqualifiée comme un problème sécuritaire (redevable de procédures de répression judiciaire) plutôt que pensée comme un problème économique, sociologique ou encore sanitaire (Declerck, 2001). Que nous disent ces controverses sur les logiques de hiérarchisation entre les institutions ? Inversement, des questions sociales éprouvent dans le même temps des trajectoires de requalification symbolique, sous l’effet de mobilisations collectives, à l’instar du handicap, qui quitte lentement le registre strictement sanitaire pour être aussi de plus en plus abordé dans un registre éducatif et économique.

Les classements macro-sociologiques se redoublent également au plan des stratégies individuelles, par exemple sur le plan scolaire, quand il s’agit d’opter entre plusieurs filières de formation, plusieurs carrières publiques et/ou plusieurs professions, situations dans lesquelles tout ne se vaut pas du point de vue des candidats. Pour mieux documenter ces phénomènes de hiérarchie entre institutions, le rt 40 encourage les propositions de communication qui se proposent d’étudier les institutions à leurs frontières en ce que celles-ci « constituent non seulement une séparation et un vecteur de cloisonnement, mais aussi une interface et un vecteur de mise en relation » (Cécile Chamayou-Kuhn, Sara Iglesias, Christophe Quéva, Alexandra Richter et Yoan Vilain, Trajectoires, 2, « Frontières en question » 2008). Alors que les frontières institutionnelles paraissent tendre autant à se diluer qu’à se réaffirmer, quels sont les constats sociologiques que l’on peut documenter à la frontière ?

 

Catégorisation et réflexivité en sociologie : quelles catégories d’analyse pour une sociologie impliquée ?

La sociologie participe aux processus d'institution du monde social : le travail sociologique peut être approprié et faire suite, auprès de professionnels de l'action publique comme de citoyens ordinaires, autour d'enjeux collectifs tels que l'éducation, la santé, le travail social, la sécurité, la participation citoyenne (Laforgue, dir., 2018). L’institutionnalisation d’une sociologie impliquée, entendue comme une sociologie soucieuse des usages sociaux de ses productions, milite en faveur d’une ré-interrogation du débat épistémologique et méthodologique s’agissant de la construction des catégories d’analyse. Au cours des dernières décennies, certaines catégories d’analyse ont perdu leur centralité (par exemple celle de classe sociale) tandis que d’autres acquièrent une reconnaissance progressive (identité, genre, par exemple). Ces dynamiques de déclassement / reclassement des catégories d’analyse sont au coeur du travail des sociologues. Des controverses scientifiques émergent autour de cette transformation des catégories d’analyse de la sociologie, si l’on pense par exemple à la racialisation du social. Dans quelle mesure ces controverses sont nourries par les mobilisations sociales et les débats politiques ? Et à l’inverse, quel rôle joue la sociologie dans le cadrage des débats politiques ? Comment documenter cette porosité entre champ scientifique et champ politique entendu au sens large ? Le rt 40 encourage des propositions de communications qui interrogeraient la performativité des catégories d’analyse sociologiques, tout particulièrement au regard d’une sociologie qui se soucierait d’émancipation.

 

Les propositions de communication (1 page, environ 3.500 caractères, bibliographie et espaces compris) sont à déposer sur le site de l’Association française de sociologie à partir du 15 janvier. Elles sont attendues pour le 15 février 2019 au plus tard. Elles seront examinées par les membres du bureau qui reviendront vers vous avant fin mars 2019.

Précisant l’axe dans lequel elles s’inscrivent, les propositions de communication, indiqueront la problématique, la méthodologie et les données mobilisées, voire les principaux résultats, qui seront présentés lors du congrès. Elles comporteront également les nom, statut, affiliation et coordonnées de leurs auteur·e·s.

Pour toute question, vous pouvez contacter les deux responsables du RT 40 :

Anne Wuilleumier (wuianne@gmail.com) et Elise Lemercier (elise.lemercier@univ-rouen.fr)

 













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