RT8

Appel à communications dans le Cadre du 11ème Congrès de l'Association française de Sociologie (Toulouse, 2025)

La mise en œuvre de la violence légitime portée par les institutions militaires s’est exercée et s’exerce encore au sein d’espaces physiques dont l’étendue a évolué avec les innovations technologiques. Le « champ de bataille », littéralement un champ ou un pré, s’étendant sur quelques hectares s’est élargi progressivement à des centaines de kilomètres carrés et a envahi l’espace maritime et aérien. Aujourd’hui, ces lieux de déploiement de la force et de la violence militaire tendraient à « prendre place » au-delà de l’atmosphère terrestre ou bien encore dans des univers pour part immatériels (informatique et informationnel). Depuis une décennie, la réflexion stratégique et doctrinale militaire se caractérise d’ailleurs par des efforts visant à mettre en ordre cet environnement de conflictualité aux contours de plus en plus flous et aux frontières questionnées. Que l’on parle de multidomaines comme le font les analystes militaires anglo-saxons ou bien encore de « multi-milieux multi-champs » (M2MC) dans les discours doctrinaux français, c’est bien à une tentative de ré-organisation de l´espace géographique à laquelle on assiste pour paraphraser le géographe français Jean Gottman. Toujours selon le géographe, né en Ukraine à Kharkov en 1915, « le cloisonnement de l´espace découle de la diversité de la géographie humaine, plutôt que de la géographie physique. Ses divisions principales apparaissent en fait dans l´esprit des individus »(1). Ce principe de cloisonnement sous-tendant toute géographie humaine traverse aussi donc celle du champ de bataille, et ne représente pas un donné mais bien le reflet d’une certaine vision du monde. Ces deux éléments éclairent le type de légitimité qui a pu présider et préside encore la division fonctionnelle en différentes composantes de nombre de forces armées - terre, air, mer (et spatial dans certain cas), mais laisse aussi apparaître le caractère « construit », et, donc nécessairement sujet à débats, de ces « cloisons » parfois fragiles. Plus encore, si le « milieu » peut être considéré comme à l’origine de construction d’identités professionnelles, la notion de « cloison » peut servir aussi à comprendre la distinction sur, dans, éloigné du champs de bataille induisant une plus ou moins grande proximité avec les dangers des combats. Cette géographie humaine de l’activité militaire sera alors l’un des ressorts de la distinction entre les segments professionnels, les organisations et parfois les groupes genrés composants les forces armées, favorisant/expliquant une répartition inégale des capitaux symboliques au sens de prestige. Pour autant, ces champs de bataille s’inscrivent aussi dans des territoires et des espaces qui n’échappent pas aux conséquences écologiques des activités humaines. Ainsi, alors que les espaces évoqués précédemment s’élargissaient, les préoccupations environnementales se sont faites concernant le lien entre activités militaires et respect de l’environnement. En effet, quelques soient les espaces où se déploient les activités militaires, ces dernières -comme toutes les autres activités humaines- ont également une incidence environnementale : destruction des cultures, des infrastructures, pollution diverses des sols et des nappes phréatiques, pollutions numériques et débris spatiaux etc. témoignent d’une activité intense dans tous les espaces d’activité et de conflit des armées. L’extension du domaine de la guerre d’un point de géographique et de sa conception revient à questionner de nombreux thème centraux que cherchent à explorer le RT8 depuis sa création. L’extension du domaine de la sécurité sera également l’occasion de revenir sur cette préoccupation nouvelle qui se fait jour, au sein des armées mais également dans le domaine de la recherche qui est celui du lien entre activités militaires, environnement et changement climatiques. Ce congrès sera ainsi l’occasion de revenir sur l’organisation militaire (coopération, coordination, etc.), les contours de la profession et du professionnalisme militaire redéfinis par les nouveaux espaces de conflictualité, ou bien encore le rapport sociomatériel des militaires à la guerre. Cet appel à communications est organisé autour de quatre axes. Axe 1. Le modèle organisationnel des armées remise en cause ou la fin des structures fonctionnelles ? L’introduction sur le champ de bataille de nouvelles technologies (en particulier le développement des outils de communication irrigant le concept de guerre réseau-centrée) ont pu déjà remettre en cause la conception d’une structure militaire pyramidale centralisée et verticale à la fin des années 90. L’accélération des innovations et de leur introduction dans les armées a non seulement pu transformer la conduite de la guerre, mais renforcer l’injonction organisationnelle à l’horizontalité et l’adaptabilité des structures/des procédures de commandement. Il s’agirait dans cet axe de rassembler et de questionner les travaux relevant de la sociologie des organisation, de la place des acteurs en leur sein et des ressources de pouvoir que peuvent représenter la maîtrise et le contrôle de certaines technologies au sein des structures militaires. Il serait également intéressant de s’interroger sur le rapport à l’ordre et l’autorité alors que le modèle bureaucratique traditionnel survit encore dans certaines dimensions de l’activité militaire. Axe 2. Géographie du champ de bataille : une  indépassable division du « travail » militaire Au cloisonnement de la géographie humaine militaire semble découler « naturellement » une division et une spécialisation du travail. La logique de l’extension et de la multiplication des espaces de confrontation révèle (réveille ?!) des enjeux de coopération et de compétition entre des services et des composantes. Ces évolutions ont pu conduire à voir renforcer ou apparaître de nouveaux métiers, de nouvelles fonctions et de nouvelles structures au sein des forces armées. Dans un univers professionnel construit autour de hiérarchies formelles et implicites, se pose à nouveau la question des identités professionnelles, de luttes de prestige et donc de ressources humaine et financière interservices. Qui, comment et pourquoi crée-t-on des commandements, des composantes ? Cela redéfinit-il le professionnalisme militaire ? Voit-on apparaître des passerelles entre militaires issus de différentes composantes? La question du prestige et de la présence sur le champ de bataille participe-t-il toujours à cette géographie de l’honneur, de l’influence et de la légitimité ? Une possible redéfinition du « combattant » influence-t-elle la question du genre dans les armées ?   Axe 3 : Concevoir la guerre « nouvelle » Les discours à vocation stratégique comme toute une littérature spécialisée ont conduit à la diffusion d’un ensemble de termes peuplant les analyses du phénomène guerrier ou de sécurité : résilience, autonomie stratégique, champ d’affrontement, contestation, lutte informationnelle, haute intensité. Ces topoï semblent tant servir des objectifs programmatiques qu’à remettre en sens une réalité moins prévisible et/ou transformée par les innovations technologiques. Cet axe rassemblera les travaux autour des récits et discours stratégiques dans une approche diachroniques, comparatives ou constructivistes. Axe 4 : Les armées et l’environnement : contraintes sociales et opérationnelles Au-delà des destructions environnementales que provoquent les guerres (destruction de l’écosystème, des cultures agricoles et des infrastructures, contaminations des sols, déchets etc.) et de leurs conséquences sur les populations (épidémies, famines, déplacement), l’activité quotidienne des armées (installations, transports, exercices militaires, production d’équipements et d’armes) a également un coût environnemental. Négligées un temps, ces questions et notamment celles concernant le changement climatique sont devenus une préoccupation des sociétés, un enjeu de politique publique mais également un enjeu de sécurité au niveau national et international.  Le secteur de la Défense et les armées s’en sont ainsi emparées comme en témoignent un certain nombre d’initiatives aux sein des armées des Etats-Unis, du Royaume Uni et de France et ont problématisé les questions environnementales et climatiques (2) Il s’agira de questionner dans cet axe les discours et les pratiques environnementales des armées à travers les thèmes suivants :
  • Les armées et la protection de l’environnement comme enjeu de sécurité.
  • La transition énergétique et les armées : quelles incidences en termes de politique de défense (doctrines, organisations, ressources humaines et financières, défis technologiques) ?
  • Le changement climatique et ses implications opérationnelles : penser différemment la guerre ?
    (1) Luca Muscarà, « Les mots justes de Jean Gottmann », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 54, mis en ligne le 26 mars 1998, consulté le 27 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/5308 ; DOI : https://doi.org/10.4000/5308 (2) Adrien Estève, Guerre et écologie : L’environnement et le climat dans les politiques de défense, Paris, PUF, 2022.   Consignes de réponse à l’appel à communication Les propositions de communication prendront la forme d’un document unique comportant les éléments suivants : - Nom.s, prénom.s du/des auteur.e.s - Adresse.s mail - Titre de la communication - Résumé de la proposition (3000 signes espaces compris) - Axe dans lequel s’inscrirait la proposition A déposer sur le site du RT8 ou bien à envoyer à christophe.pajon@ecole-air.fr et said.haddad@st-cyr.terre-net.defense.gouv.fr   Calendrier prévisionnel : - 31 janvier 2025 : fin de dépôt des propositions de communication sur le site de l'AFS - 1er février – 15 février 2025 : sélection des communications retenues par les RT - A partir du 15 février 2025: communication vers les auteurs de l’évaluation  
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