Le « Réseau Méthodes » s’est constitué en reconnaissant le caractère indissociable des résultats de la recherche sociologique et des démarches organisant cette recherche, des analyses produites et des modalités de leur production. Autrement dit, les méthodes ne constituent pas un secteur ou un domaine particulier de la discipline, mais une dimension transversale à toute production de recherche sociologique. Par ailleurs, il ne peut y avoir de discours de la méthode déconnecté de la recherche vivante, d’enquêtes à réaliser, de pratiques de la recherche scientifique en actes.
Le « Réseau Méthodes » offre donc un espace pour approfondir et renforcer cette orientation en sociologie et dans les disciplines qui lui sont proches. Il soutient le développement d’une réflexivité sur les méthodes et les données de la recherche (production, traitement, analyse, valorisation, réflexion sur l’ouverture des données…). Pour le congrès de Lyon, le réseau encourage la soumission de propositions de communication autour de quatre axes :
1. « Comment observer sociologiquement les circulations ? », 2. « Comment saisir les rapports sociaux intersectionnels ? », 3. « Comment la.e sociologue circule concrètement dans les enquêtes ? » et
4. « Quelles circulations des méthodes scientifiques ? ». Les propositions de communication sur des questions de méthodes transversales en sociologie et qui ne porteraient pas sur les thématiques des circulations sont également les bienvenues.
Le bureau encourage par ailleurs vivement les personnes intéressées à s’enregistrer comme membres du RT 20 sur le site de l’AFS à partir de leur compte ainsi que les personnes désireuses de s’investir dans l’animation du réseau à participer à l’assemblée générale qui aura lieu lors du congrès.
Axe 1. Comment observer sociologiquement les circulations ?
Les individus, les biens ou encore les idées circulent largement à l'échelle de différents espaces, et amènent les sociologues à adapter leurs protocoles d'enquête à ces circulations. Les propositions de communications de cet axe pourront aborder la manière dont la.le sociologue conceptualise ses objets afin de prendre en compte la circulation, à la manière d'A. Sayad qui opéra un déplacement de l'étude de l'immigration à celle de l'émigration pour intégrer le contexte de départ à l'analyse de la position des ouvriers algériens en France dans les années 1960.
Si cette attention au mouvement a sans nul doute reconfiguré nombre de champs sociologiques dans les dernières décennies, elle ne doit pas conduire la sociologie à réduire ses objets à de simples flux. Sans remettre en question l'importance des circulations, nous souhaiterions entendre des communications qui articulent leur analyse à celle des structures, des ancrages et des barrières qui les définissent.
Tant en matière de mobilités géographiques que de mobilités sociales, nous invitons donc les communicant.es à soumettre des propositions revenant de façon réflexive sur des protocoles d'enquête, des méthodes particulières permettant de saisir les circulations et les frontières, qui peuvent être elles-mêmes mouvantes.
Axe 2. Comment saisir les rapports sociaux intersectionnels ?
Dans cet axe, il s'agira d'aborder les enquêtes et les méthodes visant à saisir l'intersectionnalité des rapports sociaux. Comment tenir compte de la diversité des rapports sociaux, de leurs différentes combinaisons et des multiples contextes dans lesquels ils se forment ? Dans une approche intersectionnelle, comment articuler le fait que ce ne sont pas toujours les mêmes rapports sociaux qui prédominent en fonction des scènes sociales et des moments dans le cycle de vie ? Si, face à certaines institutions, comme la police, prévaut souvent le fait d'être un homme racisé, à d'autres moments et dans d'autres espaces, comme les espaces professionnels ou ceux de la famille élargie, la classe sociale ou le genre acquièrent plus d'importance.
Outre la diversité des rapports sociaux, il est important de prendre en compte leur temporalité dans l’analyse de la circulation des positions et des assignations sociales. Comment saisir par exemple la manière dont les rapports sociaux circulent entre générations ? Et comment saisir les différents sens de ces circulations, qui ne se font pas seulement vers les descendant.es ?
Si les récits de vie approfondis et les observations répétées permettent sans nul doute d'approcher la transversalité et la temporalité des rapports sociaux, comment circuler dans la profusion des données ? Les approches à la fois transversales et longitudinales étant difficiles à mettre en œuvre, comment s'opèrent les choix d'enquête et d'analyse ?
En statistiques, différentes méthodes d'analyse multivariée (économétrie, analyses géométriques de données) sont mobilisées pour étudier les interactions entre catégories : nous souhaiterions entendre des réflexions sur les potentialités et les limites de ces méthodes pour saisir les rapports intersectionnels.
Axe 3. Comment la.e sociologue circule concrètement dans les enquêtes ?
Les protocoles imaginés afin de saisir la circulation ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre. Cet axe propose de revenir sur les modalités concrètes de la circulation du sociologue sur son terrain et sur les contraintes spécifiques de telles enquêtes. Comment choisir les espaces constitutifs d'une enquête multi-située ? Selon quelles temporalités organiser les terrains dans chacun de ces espaces ? Comment les imbriquer ensemble à l'étape de l'analyse, qu'elle soit comparative ou non ?
La.e sociologue fait par ailleurs face à des frontières et des contraintes entravant sa propre mobilité. Comment faire avec les frontières nationales, notamment lorsque ces dernières se durcissent comme dans les cas de conflits militaires ou de crise sanitaire ? Comment mettre en œuvre des recherches exigeantes en temps et en financements dans un contexte institutionnel de restriction budgétaire et de grande précarité statutaire ? De manière générale, comment l’expérience de la mobilité géographique, internationale notamment, façonne le regard du.de la sociologue sur ses propres pratiques en termes de méthodologies et participe à s’interroger sur la manière de produire des résultats scientifiques ? L’évolution de la réglementation, RGPD dans le cas français, conduit également à adapter les pratiques de collecte de données : comment concilier le changement des normes légales avec la souplesse nécessaire à la circulation de.u sociologue sur le terrain ? Enfin comment conjuguer des enquêtes fondées sur des circulations entre des espaces parfois très distants avec des préoccupations éthiques et écologiques ?
Axe 4. Quelles circulations des méthodes scientifiques ?
Enfin, le thème général du congrès nous invite à réfléchir à la façon dont les méthodes circulent entre disciplines. Si les injonctions à la pluridisciplinarité sont nombreuses, sa mise en œuvre est souvent coûteuse et, dans le contexte actuel, rarement inscrite dans des cadres durables d'échanges scientifiques. La réflexion méthodologique est l'une des modalités du dialogue entre disciplines. En effet, l'entretien circule de la sociologie à l'histoire contemporaine ou à la géographie humaine tandis que, dans l'autre sens, les archives et la cartographie sont de plus en plus mobilisées par la sociologie et la science politique. Dans la même perspective, les méthodes de la
data science sont mobilisées par certains travaux de sociologie. Comment se font concrètement ces emprunts méthodologiques d'une discipline à l'autre ? À quelles conditions, selon quelles limites et avec quels apports ? Y-a-t-il des freins à la circulation de certaines méthodes provenant d’autres disciplines et quelles sont les conséquences de ces freins pour le développement de la discipline et le travail interdisciplinaire ?
Au-delà de la circulation des méthodes entre disciplines, au sein même de la sociologie, faire dialoguer les méthodes quantitatives et qualitatives (méthodes mixtes) n’est pas nouveau mais une réflexion épistémologique et pratique à ce sujet est de plus en plus nécessaire. Comment se passe concrètement cette circulation d’un type à l’autre de données ou de méthodes pour les analyser ? Par exemple, en quoi la circulation d’une méthode de traitement des données (comme la lexicométrie) influe sur notre manière de faire de la sociologie ?
L'analyse des circulations des méthodes scientifiques amène également à s'interroger sur les conditions de production des enquêtes sociologiques dans d'autres univers, comme dans certaines administrations, entreprises, observatoires publics ou syndicats et autres contextes militants. Quelles différences avec les protocoles d'enquête universitaires en termes de financements, de temporalités et de finalités ? Quelle participation des sociologues du monde académique à ces enquêtes ?
Au vu des nombreux points de discussion possibles entre le thème général du congrès et les préoccupations méthodologiques du réseau, nous encourageons les communications sur ces quatre axes. Mais les sessions du RT20 pourront aussi accueillir des communications sur des questions méthodologiques transversales et qui ne porteraient pas sur les thématiques des circulations.
Les propositions doivent faire
3 500 signes maximum et sont
à déposer avant le 31 janvier 2023 sur le site de l’AFS (
https://afs-socio.fr/). Elles doivent inclure, outre le titre et le résumé, vos nom(s), rattachement(s) institutionnel(s) et adresse(s) électronique(s).
Les résultats seront transmis aux auteur·e·s fin février 2023.