RT11

Appel à communications RT11 Lyon 2023 : Intersections, circulations ! Sociologie de la consommation et du numérique

La consommation est une pratique socialement située qui, en tant que telle, participe à la caractérisation et à la différenciation des mondes sociaux. Qu’elle soit abordée par les notions d’appariement sur les marchés ou de distinction, elle se trouve toujours à l’intersection de plusieurs de ces mondes – et en premier lieu comme enjeu d’accès inégal à certaines ressources (comme l’énergie, les transports, etc.). En croisant son analyse et celle liée aux techniques qui autorisent, entre autres, la circulation des personnes, des informations ou des objets, les enjeux sociologiques apparaissent foisonnants. Les techniques numériques se sont en particulier affirmées depuis quelques décennies comme un élément structurant les pratiques et les infrastructures de la consommation.  Bien entendu, les formes de consommation incluent de manière variable, voire hétérogène, une dimension numérique dont la diffusion et les usages sont socialement inégaux. Le numérique participe néanmoins d’un espace technique, social et économique dans lequel les acteur·ices de la consommation s’inscrivent, entrent en relation, échangent des marchandises et à propos de celles-ci. Les techniques numériques sont aussi un cadre pour le développement d’usages ou de pratiques qui peuvent favoriser, empêcher ou en un mot, renouveler la circulation d’objets, de biens, de personnes, ou de concepts. Ces circulations modifient les frontières de ce qui est consommé et de ce qui est consommable. Elles brouillent la ligne de démarcation entre consommation et production, ou entre des consommations légitimes, vertueuses et celles qui ne le seraient pas ou moins. Ainsi, que devient la consommation lorsqu’elle « s’écologise » ? Pour le RT 11, l’enjeu de ce colloque de l’AFS est de se saisir des thèmes que sont les intersections et les circulations pour mieux penser l’enchevêtrement entre consommation et numérique. A cette fin, nous proposons cinq axes, dont deux correspondent à des sessions croisées avec les RT 12 (Sociologie économique) et 14 (Sociologie de l’art et de la culture). Les propositions de communication pourront ainsi principalement, mais non exclusivement, se situer par rapport aux entrées déclinées ci-dessous :

Axe 1 : Trajectoires marchandes

Cet axe invite des propositions de communication qui interrogent avec les méthodes et les outils théoriques de la sociologie de la consommation et du numérique la question des circulations et celle des intersections à partir des notions de trajectoires. La notion de trajectoire (comme celle de biographie) peut d’abord être appliquée aux objets. L’étude de la vie sociale des objets interroge forcément leur circulation, leur transmission, leurs échanges. Des étapes biographiques peuvent aboutir à une redéfinition de leur valeur, qu'elle soit sociale, économique, symbolique comme l’illustrent les travaux récents sur la vente de seconde main – qu’elle soit ou non médiée par le numérique. Un angle d’analyse possible a trait à la façon dont l’adressage des objets et des marchandises (de genre, d’âge, ethno-racial, de milieu social) est à la fois collectivement construit, historiquement situé et peut évoluer au fil des trajectoires temporelles ou spatiales. En dehors des objets de consommation, d'autres éléments peuvent être interrogés au prisme de la notion de trajectoire. Il s'agit des idées, des concepts ou encore de pratiques ou d'usages. Ceux-ci sont sensibles aux effets du temps comme à ceux de leur circulation dans des territoires et dans des espaces sociaux variés. Que deviennent certaines pratiques de consommation – comme par exemple le do-it-yourself – lorsqu’elles circulent dans des univers éloignés, des milieux populaires aux classes moyennes et supérieures ? Les trajectoires peuvent enfin être celles d’individus, de consommateur·ices, d’usager·es du numérique, qu’on les considère sous l’angle de la mobilité spatiale ou de la mobilité sociale. L’ancrage socio-spatial des pratiques de consommation et leurs constructions biographiques invitent autant à des approches intersectionnelles de la consommation et du numérique qu’à l’étude des ajustements ou désajustements que cette circulation induit.

Axe 2 : Pratiques de consommation, pratiques du numérique

Une des vocations de ce RT est d’interroger de manière systématique l’enchevêtrement des pratiques du numérique et des pratiques de consommation. Qu’apporte la sociologie des pratiques dans ce cadre ? Quelles circulations et intersections entre communautés de pratiques et mondes sociaux permet-elle d’observer plus finement ? Quelles intersections entre pratiques de consommation et avec les pratiques du numérique permet-elle d’analyser ? Deux orientations, non exclusives, pourraient se révéler intéressantes en ce sens. La première pourrait s’intéresser aux rôles des circulations à l’intersection de mondes sociaux dans les formes d’appropriation et de routinisation de pratiques de consommation ou du numérique. Ce type d’études ouvre la voie par exemple à l’analyse de transformations des logiques de circulation ou de mobilité hors ligne par les outils numériques. Elles pourraient explorer les formes et effets du pratiques de mobilité des individus comme des dispositifs qu’ils utilisent hors de leur domicile sur leurs pratiques, à l’instar des travaux existants sur les pratiques vidéoludiques hors du domicile. La seconde part du besoin d’études plus nombreuses sur les pratiques de groupes sociaux. Comment par exemple les pratiques de consommation des individus relevant des catégories populaires et précaires s’enchevêtrent-elles avec leurs pratiques du numérique ? En quoi habilitent-elles ou contraignent-elles des modes de sociabilité en ligne ou hors ligne qui leur seraient propres ? Facilitent-elles l’accès pour les membres de ces groupes sociaux à des communautés de pratique variées ? Quels éclairages les pratiques de consommation ou du numérique de ces groupes permettent-elles ? Au-delà de ces pistes de réflexion, cet axe invite à une réflexion sur l’intérêt et la mobilisation de la notion de pratique, et de son adéquation particulière pour étudier aussi bien la consommation que les usages du numérique, comme à une discussion des théories qui l’ont mise au centre de leur analyse de la dimension sociale de ces phénomènes.

Axe 3 : Espaces et frontières de la consommation et du numérique

La question de la circulation et des trajectoires des objets de consommation est bien sûr d’abord une question sur un plan logistique, qui amène à interroger la construction comme la maintenance et les évolutions récentes des infrastructures qui l’autorisent. Les travaux attendus pour ce colloque peuvent également avoir une entrée orientée sur les espaces dans ou entre lesquels ces objets, pratiques, concepts ou individus circulent. Dans ce cadre, l’interrogation du numérique comme espace possédant des caractéristiques spécifiques, des modes de socialisation propres, ou encore des manières d’être habité semble une voie pour mieux comprendre la co-constitution de la consommation et du numérique. L’analyse et la critique du numérique comme espace d'intersections et de circulations semble en ce sens une voie intéressante. Pour autant, le numérique ne doit pas invisibiliser les espaces physiques et sociaux de circulation des biens et des objets. Des travaux à l’échelle d’un territoire (monographie, ethnographie) pourraient éclairer des phénomènes trop souvent laissés de côté (articulation avec d’autres pratiques ou avec des modes de sociabilité spécifiques, logistique de la consommation, etc.). Enfin, se pose la question de la porosité entre ces espaces et incidemment de leurs frontières et de leurs modes de clôture. Quand bascule-t-on d’un registre à l’autre ? D’une pratique de consommation écologique à une pratique qui ne l’est pas ? D’une consommation créative ou d’un loisir à une visée de professionnalisation ? Quels objets frontières favorisent cette porosité et ou enrôlent en ce sens ? Quels acteurs font office de gatekeepers ? Autant de questions qu’ouvrent les notions de circulation et d’intersection pour ce colloque.

Axe 4 : Plateformisation de la production et de la consommation artistique et culturelle

Session croisée avec le RT14 - Sociologie de l’art et de la culture - Rappel : Les propositions pour cet axe doivent être mises en ligne sur l'appel dédié.

Cette session croisée entre le RT 14 « Sociologie des arts et de la culture » et le RT 11 « Sociologie de la consommation et du numérique » propose d'informer, d'interroger, d'analyser et de décrire les enjeux liés à l’essor des plateformes dans le cadre spécifique de la production et de la consommation culturelle et artistique (Poell, Nieborg & Duffy, 2022). Ces plateformes se caractérisent notamment sur un plan économique par leur centralité au sein de marchés multi-faces (Tirole, 2016), en servant notamment d'intermédiaires entre différentes partie-prenantes (producteur·ices, distributeur·ices, consommateur·ices, etc.), et sur un plan socio-technique par la dimension computationnelle de leur activité et la place du code dans leur fonctionnement, articulant des innovations techniques (algorithmes de recommandation, IA, etc.), marchandes (notes et avis, financement participatif, NFT, etc.) et médiatiques (réseaux sociaux, participation en ligne, personnalisation de l'offre, etc.). Ce modèle s'étendant à de très nombreux secteurs d'activité, on parle généralement d'un phénomène de « plateformisation » (Beuscart & Flichy, 2018). Loin d'être homogènes, les transformations induites par ces plateformes doivent être étudiées en contexte de par leur caractère extrêmement contingent. En fonction des secteurs, des acteurs et actrices, des échelles, des temporalités, on observe différentes lignes de tension qui méritent d'être approfondies. Trois enjeux paraissent particulièrement saillants. Un premier enjeu en amont des plateformes interroge la relation de ces dernières avec les producteurs et productrices, et plus spécifiquement les effets rapides de désintermédiation et de réintermédiation (Campion, 2021; Thuillas & Wiart, 2019; Wiart, 2021), voyant notamment une circulation des positions des acteurs et actrices traditionnel·les (maisons de disque, producteurs de contenus audiovisuels, grands médias, etc.), et la transformation des rapports de force dans la production des contenus. Comment par exemple les plateformes vidéo comme Netflix deviennent des actrices majeures de la production de films et de séries ? Imposent-elles des normes différentes de celles des sociétés de production traditionnelles ? Comment la production de contenus culturels et artistiques sur YouTube vient interroger celles médias traditionnels ? Un deuxième enjeu porte sur les activités mêmes des usagers et usagères. Les plateformes permettent à certain·e·s d'entre elles et eux de circuler entre des positions de producteur·ices et de consommateur·ices  (Dupuy-Salle, 2014; Flichy, 2010). Nombre de plateformes accordent de surcroît une place prépondérante à la participation des usagers et usagères, à l’image par exemple de la critique en ligne (Pasquier et al., 2014). Les communications pourront dès lors interroger la porosité de ces frontières et observer ce qu’elle produit : comment les rôles de producteur·ice et de consommateur·ice se distribuent-ils sur ces plateformes ? Comment rendre compte de ces interactions entre plateformes et usagers et usagères ? On peut aussi s'interroger sur la manière dont les propriétés sociales des consommateur·ices de ces plateformes influencent les usages qui en sont faits et les contenus qui y sont mis en circulation. Un dernier enjeu concerne l'interaction entre les plateformes et les consommateur·ices, interrogeant notamment le poids des infrastructures techniques et marchandes sur les pratiques culturelles. Les dispositifs produisent des effets en tant que tels (Akrich, 2010), notamment parce qu'ils rendent visibles certains biens au détriment d'autres, parce qu'ils peuvent favoriser ou non une diversité des consommations culturelles (Beuscart et al., 2019), qu'ils permettent d'accélérer la circulation de certains biens, et rendent possible la personnalisation de l'offre, notamment par le recours à des algorithmes de recommandation (Eriksson & Johansson, 2017).  Comment sont pensés ces dispositifs par les concepteurs et conceptrices de ces plateformes ? Comment les biens culturels sont-ils classés, catégorisés par ces plateformes, et comment ces catégories évoluent-elles ? Comment les biens culturels sont-ils appariés aux usagers et usagères ? De façon transversale à ces trois enjeux, les propositions qui renseigneront plus spécifiquement la façon dont le genre, la classe, la race interagissent avec la plateformisation de la culture feront l'objet d'une attention particulière.

Axe 5 - Circulation et intersections marchandes à l'œuvre sur les plateformes numériques.

Session croisée avec le RT12 - Sociologie économique - Rappel : Les propositions pour cet axe doivent être mises en ligne sur l'appel dédié.

Le modèle économique des plateformes numériques telles que celles d'Uber, AirBnb, Blablacar ou Facebook est aujourd’hui central dans les modes de production de valeur capitaliste. Les notions de « plateformisation » de l’économie ou de « capitalisme de plateforme » rendent compte du développement d’interfaces, toujours plus nombreuses, entre les acteurs économiques (particuliers, entreprises, etc.). Ces agencements marchands « multifaces » organisent à la fois la production et la marchandisation centralisée de données informatiques et la conception d’un espace ouvert apte à enrôler et faire collaborer des acteurs dont les demandes sont complémentaires. Ces plateformes actualisent ce faisant d’anciennes promesses sociotechniques dont la formulation remonte à l’Internet des pionniers : euphémisation du lien marchand et appui sur la technique pour assurer une libre circulation des idées, des pratiques et des outils de production dont on sait pourtant le côté partiellement élitiste. Ces plateformes sont donc des espaces en ligne qui proposent, au-delà d’une simple offre d’intermédiation économique, des modèles d’organisation collective où se brouillent les frontières de la production, de la circulation et de la consommation des biens et des services. Cette session croisée des RT 11 et 12 invite donc à penser le phénomène de plateformisation. Comment produit-on, marchandise-t-on et consomme-t-on au sein de ces espaces en ligne ? Plus spécifiquement, les propositions pourront s'emparer de ces questions au regard d'une part des formes de circulation marchande organisées par ces plateformes, Les plateformes numériques peuvent être appréhendées comme des carrefours par où circulent les biens, les informations et les acteurs au moyen de dispositifs techniques (algorithmes, scripts sociotechniques, etc.) et de règles (conditions d’utilisation, évaluation des usagers, etc.). Mais ce sont aussi des lieux d’émergence et de stabilisation de normes interactionnelles, des savoir-être et des savoir-faire, des gestes et des techniques qui permettent aux usagers d’apprendre les uns des autres. Ces circulations peuvent donc aussi être appréhendées comme étant au cœur de la formation de communautés d'apprentissage et de pratiques situées qui redéfinissent les frontières entre amateurisme et professionnalisme. De la même manière, le travail relationnel des usagers y est important. Il peut viser différents objectifs comme certifier l’authenticité de sa production, ou prouver son professionnalisme. Nous appelons des propositions permettant de réfléchir aux éléments qui sont très concrètement mis en circulation par ces plateformes. Nous attirons en particulier l’attention des auteurs sur les activités de bricolage ou de prototypage qui mènent les usagers de ces plateformes à fabriquer et valoriser des biens éphémères, non terminés, ou évolutifs (encyclopédie en ligne, productions de fans, œuvres collaboratives, etc.). D'autre part les propositions pour cette session croisée pourront investir l'analyse des plateformes au regard de ce qu’elles produisent comme intersections et effets d’empêchement ou d’opportunité à se porter au cœur des activités de coproduction en ligne. Les plateformes (re)produisent également un ensemble d’intersections qui peuvent autant représenter des barrières à l’entrée que des opportunités pour s’investir dans ces activités de coproduction. D’une part, de fortes inégalités subsistent entre les individus quant à leur capacité à se porter au sein de ces places d’échanges et de production en ligne. Ces inégalités sont aujourd’hui moins relatives à des inégalités d’équipement que de provenance et de position sociale. Elles se traduisent par une inégale répartition de « compétences numériques » qui rendent l'usager apte à chercher, trier et problématiser l’information disponible en ligne. Ces inégalités ont également des effets sur la capacité des usagers à s’approprier les normes interactionnelles et conversationnelles propres aux espaces en ligne, moins en fonction de leur âge que de leur origine sociale. Enfin, les plateformes en ligne peuvent reproduire des inégalités liées au genre, et relatives notamment à l’invisibilisation de toute une part de l’activité de travail domestique et de production. Au contraire, la mise en avant de ces caractéristiques sociales par l’usager, voire de sa position marginale dans un monde social donné, peut servir des logiques de valorisation et de mise en scène de soi (sur des plateformes de production de contenu comme Twitch, Instagram, TikTok, ou dans d’autres secteurs par l’intermédiaire des plateformes de financement participatif par exemple). En ce sens, cet appel invite aussi les propositions à penser les inégalités d’appropriation, d’usage, de carrière et le caractère cumulatif de caractéristiques sociales favorisant ou décourageant les pratiques. Cette session invite enfin à documenter et à réfléchir la diversité des dispositifs sociotechniques ramenés sous le vocable de "plateformes".  

Soumission des propositions de communication

Les propositions de communication (entre 3000 et 5000 signes, espaces, compris, hors bibliographie, 5 références maximum) doivent être déposée avant le 31 janvier 2023, doivent contenir un titre, présenter la formulation d’une problématique sociologique, le matériau empirique sur lequel s’appuiera la réflexion (les communications de nature théorique ne seront néanmoins pas exclues a priori) et ses résultats. Les réponses à l’appel à communications du RT11 sont à déposer exclusivement au moyen du formulaire dédié ci-dessous, les réponses aux appels à session croisée (Axes 4 et 5) doivent être déposées sur les pages dédiées à ces sessions.












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