RT2

AAC RT2 Lille 2021 : Migrations, altérité et internationalisation

Qu’est ce qui résiste au changement d’échelle, ce qu’Anna Tsing nomme « l’inscalabilité », soit cette capacité à maintenir ces fonctionnalités et ses performances en fonction des changements. Si les effets d’échelle lient la culture locale avec des événements globaux, c’est précisément pour interroger ce qui résiste au changement d’échelle que nous souhaitons réfléchir. Qu’est ce qui reste enraciné et qu’est-ce qui est transplanté ? Certaines catégories d’analyse restent profondément enracinées dans le complexe ‘rhizomatique’ d’êtres où elles émergent, ce qu’Anna Tsing appelle à la suite de Gilles Deleuze « un agencement », puisqu’elles émergent à l’ombre des États Nations. Leur transplantation a toujours échoué. Quelles transformations bouleversent ces façons de penser les temps sociaux, les espaces, les réseaux sociaux, la classe, le genre, la race… Si le nationalisme méthodologique a embué nos lunettes de sociologues, nous souhaitons opérer un décentrement du regard (afin d'éviter une ultérieure forme de ‘nationalisme méthodologique’ reprenant, sans les questionner, des catégories déjà̀ existantes et empreintes de représentations, de connotations du fait de leur utilisation notamment par les services publics des différents pays). Si, depuis les années 1990, de nombreuses études sur la mondialisation et les migrations insistent sur la capacité d’agir des acteurs et de contrer ou de contourner les règles, les frontières et les contraintes (qu’elles soient d’ordre économique, matériel et/ou symbolique), décrivant des réseaux, des liens et des communautés transnationales qui remettraient en question les sociétés fondées sur les Etats-Nations (Appadurai, 1996 ; Tarrius, 1992 ; Glick-Schiller, Basch, Blanc-Szanton, 1995, Peraldi, ), autant d’autres, se revendiquant d’approches plus historiques, insistent sur la présence de ces caractéristiques dans des périodes précédentes et mises en évidence à partir de la fin du XIXe siècle (Ravenstein, 1885 ; Waldinger 2006 ; Waldinger, Fitzgerald, 2004). Or, ces deux approches, apparemment contradictoires, sont en réalité complémentaires et incitent à analyser les spécificités locales de processus globaux dans le long terme. En d’autres termes, une société globalisée n’est pas pour autant délocalisée, déterritorialisée ou déhistoricisée (Sassen, 2006 ; Simon, 2006) : le contexte local (présent, mais aussi passé) reste prédominant et préside à la manière dont les normes (internationales, nationales, régionales et locales) sont appliquées. Tout en s’appuyant sur ces deux types d’approches, l’objectif de cet appel à communications serait de combiner une perspective historique qui permet de mettre à jour des mécanismes structurels et des conséquences de l’extension de « l’économie-monde » avec une analyse de certaines spécificités de cette époque contemporaine (usage intensif des nouvelles technologies, réorganisation de la division du travail, émergence de nouvelles puissances économiques, exacerbation des tensions ethnoraciales, mouvements anti-racistes) dans ce contexte de reconfigurations des mobilités (Wallerstein, 2011 ; Kalinowski, 2009 ; Sassen, 2007). Quel changement épistémologique est (ou a été) à l’œuvre dans la sociologie des migrations (mobilités vs migrations ?) ? Quelles sont les caractéristiques des migrations/mobilités contemporaines, quels changements sont à l’œuvre et quelles permanences/résistances sont observables ? Quel est le rôle des chercheur.e.s et de la façon dont la recherche est financée (ANR-Horizon) dans le changement de focale (de l’analyse des structures à celle des acteurs) ? Les propositions de communications pourront donc poursuivre ces réflexions dans le cadre de l’appel général de ce congrès, en s’inscrivant dans l’un des cinq axes suivants :

Axe 1 : Changer les catégories d’analyse ?

Responsables : Grégory Giraudo-Baujeu et Delphine Mercier Pour prendre l'exemple des migrations/mobilités, les catégories sont ballotées au rythme des fermetures et des ouvertures : du "migrant numérique" transnational, passant par ces migrants enfermés dans les espaces aux portes des États (en mer, prison à ciel ouvert, zones de transit...). En effet, les travaux des anthropologues, géographes, historiens et sociologues ont regardé plus spécifiquement les temps des migrations (Sayad, 1999) et des parcours. Les temporalités y sont souvent décrites comme des « fronts pionniers », comme des extensions du temps durant les différentes étapes du parcours migratoire. Évoluant dans un entre-deux et dans un entre-lieux, les migrants, les réfugiés, les étrangers, les travailleurs saisonniers temporaires se regroupent autour « des murs de la mémoire » (Vidal, 2005). Le déplacement devient du temps en négatif, car il n’y a plus d’espace. Nous assistons aussi à un changement de paradigme de la nature des migrations vers les mobilités (Tarrius, 1992 ; Cortès et Faret, 2009 ; Pellerin, 2011) avec des conséquences importantes sur les temporalités. Dans cette perspective, des déplacements réversibles, temporaires ou circulaires, rompent de manière générale avec l’idée d’un départ et d’une arrivée définitive, avec la présomption d’un trajet unique ou d’un chemin tracé préalablement, déjà largement documentés par les historiens. Il s’agit, pour les migrations/mobilités, de ne pas céder à une « linéarité à rebours » (Green, 2002), qui consiste pour les analyses des parcours à reculer du pays d’arrivée au pays de départ, mais bien de replacer l’analyse des imbrications des rapports sociaux comme des ‘changements’ vécus et non pas seulement comme des ‘changements’ dont la signification est celle donnée par ceux qui les organisent.

Axe 2 : Changer ? Familles, transmissions et expériences

Responsables : Sarra Chaieb et Catherine Delcroix Dans le cadre de ce congrès, on souhaite interroger dans cet axe les changements qui interviennent dans l’accès au droit des familles migrantes, mais aussi les permanences auxquelles elles sont confrontées dans leur rapport aux institutions. En quoi le fait de « faire famille » en situation de migration peut-il favoriser ou au contraire rendre plus difficile l’accès au droit ? En France, les personnes déboutées du droit d’asile par exemple ont des droits très restreints : elles n’ont pas le droit à des allocations versées par l’État, pas le droit d’accéder à un emploi, pas le droit de participer à des cours de langues proposés par des services publics. Elles ne sont cependant pas sans droits pour autant, même lorsqu’elles ont obtenu une obligation à quitter le territoire : elles ont le droit d’accéder au système de santé à travers l’Aide médicale d’État, le droit (ou l’obligation) de scolariser leurs enfants âgés de moins de 16 ans, ou le droit à un hébergement d’urgence. En fonction de leurs âges, les membres d’une même famille peuvent avoir différents droits. En quoi le droit, qui change si souvent (que l’on pense par exemple aux réglementations liées à l’immigration, au regroupement familial, à l’accès au marché du travail, à l’école, au système de santé), (re)façonne-t-il les rapports intergénérationnels au sein de familles migrantes ? Dans quelle mesure influe-t-il sur les rapports de genre dans l’espace familial ? Comment les migrant-e-s accèdent-ils et elles aux informations juridiques concernant des aspects centraux de leur vie, tels que le regroupement familial ou l’accès au logement ? Quelles possibilités de naturalisation existent selon les pays, et en quoi influent-elles sur les parcours des migrant-e-s et de leurs enfants ? Quelles stratégies les migrant-e-s mettent-ils et elles en place afin de s’adapter, de contourner, voire parfois de transformer le droit ? En quoi les liens transnationaux que les personnes entretiennent avec des membres de leur famille vivant dans leur pays d’origine ou dans d’autres pays d’installation influent-ils sur l’accès au droit et à l’insertion des personnes ? Quelles évolutions historiques et contemporaines dans l’accès au droit de familles migrantes peut-on observer en France et comparativement au niveau international à différentes échelles (municipale, régionale, nationale ou continentale) ? En quoi les expériences de migrant-e-s permettent-elles de remettre en cause l’opposition fréquemment effectuée entre « légalité » / « illégalité » ? Si ces questions ne sont pas exhaustives et qu’il est encouragé d’aborder d’autres points dans les propositions, elles ont pour objet de permettre les débats autour de ce qui change et de ce qui ne change pas dans l’accès aux droits des familles migrantes, mais aussi de questionner l’impact que cela peut avoir sur les configurations familiales.

Axe 3 : Changer ? Quelles migrations/mobilités pour quel travail ?

Responsables : Delphine Mercier et Béatrice Zani Quel rôle joue la migration dans la transnationalisation de l’économie et des marchés du travail ? Dans le cadre de ces nouvelles territorialisations et déterritorialisations, on observe depuis les années 60 une globalisation essentiellement basée sur l’emploi massif des migrant.e.s, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la construction navale, du bâtiment, de l’agriculture, du textile et plus récemment le secteur des services (nettoyage, care, call centers). Cette transnationalisation du travail a donné lieu à l’appropriation d’une main-d’œuvre migrante « complémentaire », qui connaît une croissance exponentielle, ainsi qu’à l’émergence de nouvelles formes de travail précaire, notamment en migration. Cependant, les approches historiques et sociohistoriques montrent que cette articulation entre migration et travail existait également dans le passé, soit dans les contextes de décolonisation et d’indépendances, soit dans des contextes de crise. Dans quelle mesure la mondialisation économique et l’internationalisation des marchés du travail sont-elles aujourd’hui basées sur l’appropriation massive d’une main d’œuvre migrante ? Quels modes de gestion de la main-d’œuvre sous-tendent le recrutement de travailleu.r.se.s migran.t.e.s et comment participent-ils à produire une hiérarchisation des populations concernées le long de frontières ethno-raciales? Comment l’organisation du travail des populations migrantes a modifié les marchés du travail régulés et les normes et les standards qui les sous-tendent ?

Axe 4 : Changer ? Racisme et discriminations

Responsables : Mustapha El Miri, Grégory Giraudo-Baujeu et Simeng Wang Nous proposons également de faire de l’objet « racisme » un axe de réflexion constitutif de la problématique du RT 2 « Migrations, altérité et internationalisation ». S’il semble plus qu’impossible de penser une sociologie des migrations en faisant l’impasse sur les différents mécanismes de domination, d’exclusion ou de violences, il paraît plus que nécessaire aujourd’hui d’entamer un réel travail de déconstruction, et de s’interroger sur la nature même des processus en action. Sans doute nous accusons d’un manque de dialogue et de liens entre une sociologie des migrations dynamique et une sociologie du racisme qui souffre encore d’un déficit de recherches empiriques, tout en se trouvant parfois noyée ou confondue avec celle des discriminations ou des inégalités. Autrement dit, il s’agit ici d’ouvrir un pan de réflexions sur l’objet « racisme », tant dans ses modes de construction que dans ses différentes expressions et manifestations envers des populations migrantes ou leurs descendant.e.s, dans les pays de départ, sur les routes migratoires ou dans les pays d’accueil. Mais surtout, il s’avère nécessaire de maintenir un effort de contextualisation dans l’étude du racisme, en considérant les variables propres aux victimes (âge, sexe, genre, origine ethno-raciale, origine sociale) tout comme les lieux, les auteurs, les époques. Nous savons que certains événements sont catalyseurs dans la production des discours et actes racistes, quand des contextes favorisent davantage les silences et les non-dits. Dans ce sens, et au regard de l’appel général du congrès, nous donnerons la priorité aux propositions de communications s’inscrivant dans cet effort de contextualisation de l’objet « racisme », en dialogue avec la sociologie des migrations.

Axe 5 Changer ? Les descendant.es d’immigré.es aujourd’hui : mobilité sociale et appartenances

Responsable : Francesca Sirna et Ingrid Tucci S’intéresser aux parcours de mobilité sociale des descendants d’immigrés participe à comprendre les changements sociétaux ou, au contraire, à mettre en lumière la persistance de fortes inégalités qui peuvent relever des inégalités de traitement (discriminations) dans différents domaines (école, marché du travail,  vie quotidienne). Cet axe s’intéressera à la mobilité des descendants d’immigrés, qu’elle soit socio-professionnelle ou résidentielle : Comment se dessine la mobilité sociale des descendants d’immigrés et comment la perçoivent-ils.elles ? Quels sont les obstacles rencontrés au fil du parcours et quelles « stratégies » sont éventuellement déployées pour les contourner ? Quels changements majeurs dans ces domaines peut-on observer par rapport aux décennies précédentes ? Les appartenances ne sont par définition pas fixes et s’intéresser à leur dynamique permet de mettre en lumière leur caractère multidimensionnel et processuel, notamment lorsqu’elles sont mises en lien avec des situations et des parcours de mobilité sociale divers. En quoi le changement de statut, de classe sociale par rapport à la famille d’origine modifie les appartenances sociales, (trans)nationales et locales ? Qu’en est-il de ceux et celles qui ne changent pas de statut et qui ont les parcours de mobilité sociale difficiles ? Certaines configurations d’appartenances et de parcours de mobilité sociale peuvent par ailleurs donner lieu à une mobilisation locale ou transnationale ou encore à un engagement politique. Cet axe attend donc des propositions qui portent sur l’une ou l’autre de ces thématiques (mobilité sociale / appartenances) ou qui les articulent afin de réfléchir ensemble à la manière de relier sur un plan empirique et théorique les questions posées par la sociologie des inégalités, la sociologie des parcours et la sociologie des migrations.

Axe 6 : Changer ? Réflexions épistémologiques

Responsables : Sylvain Beck et Francesca Sirna Les conditions de production des connaissances méritent une réflexion à part. Le financement de la recherche a évolué au cours des années 90, faisant place à la recherche par projet (ANR, Horizon...) avec des temporalités restreintes, une compétition accrue entre les collègues et une précarisation des carrières. Comment cela a impacté les résultats de la recherche et a également orienté la recherche-même (ex : réponses à appels en urgence sur le terrorisme, la radicalisation, l’insertion des jeunes issus de l’immigration, la « crise migratoire », la Covid-19 etc.) vers des approches dépolitisées ? Quels changements majeurs sont-ils observables dans le monde de la recherche sur les migrants ? Comment les chercheurs réfléchissent à leurs pratiques, aux conditions matérielles de production des connaissances ?   Cet appel à communication a été rédigé en prenant en compte à la fois la thématique du congrès et les axes de recherche qui sont au coeur de la problématique de notre RT. Toutefois, nous restons ouverts aux propositions d'abstract sur les mots clefs suivants : diplôme, formation, genre, parcours…   Consignes de réponse à l’appel à communication Les propositions de communication prendront la forme d’un document unique comportant les éléments suivants : - Nom.s, prénom.s du/des auteur.e.s - Statut.s et institution.s de rattachement - Adresse.s mail - Titre de la communication - Résumé de la proposition (3000 signes espaces compris) - 5 mots-clés - Format Word, afin de faciliter une évaluation anonyme Les propositions de communication sont à déposer avant le 30 janvier 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page) La décision du comité d'organisation sera communiquée aux auteur.e.s à la fin du mois de mars.












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