RT16

AAC RT 16 Lille 2021 : Sociologie clinique

La sociologie clinique[1] porte l’attention sur les multi-déterminations sociales et sur ce qu’en font les individus et les collectifs en vue de devenir les sujets de leur existence. L’articulation des processus sociaux et psychiques est alors au centre de sa théorie et de sa pratique. Son épistémologie favorise la co-interprétation de ce mouvement récursif, dans une visée émancipatrice. Aussi a-t-elle développé des méthodologies relevant de la recherche-action et revisité la portée heuristique de certains outils d’enquête sociologique, tels que les récits et histoires de vie, les échanges de pratiques, les entretiens, l’observation dialoguante, le psychodrame, etc. Si l’une des singularités de la sociologie clinique est qu’elle ne se définit pas par ses objets d’investigation, le changement est au cœur de ses questionnements, au point d’être inscrit dans l’appellation même de ses institutions d’origine (Laboratoire et revue de changement social, notamment). Or le « changement » est devenu une norme dominante dans notre société. C’est un mot d’ordre (« il faut changer », « le changement c’est maintenant » …), qui fonde une critique récurrente à propos de la supposée « résistance au changement ». Le changement social, institutionnel, organisationnel mais aussi psychique est même devenu une marchandise avec l’offre de conseil sur la « conduite du changement », les formations au « self marketing », les prestations de « coaching », de « développement personnel », de « transition » professionnelle ou écologique, etc. Le congrès de l’AFS offre de prendre nos distances avec le signifiant ainsi qu’avec son polysémique halo sémantique - « crise », « transformation », « transition », « innovation », « disruption », « réforme », « mutation » etc.-, en interrogeant ses usages sociaux et sociologiques.

1 / Évènements, transitions et changement

À un moment où le capitalocène étend ses conséquences sur l’ensemble des régions du monde, et donc maintenant aussi dans l’hémisphère nord (réchauffement climatique, pandémies, extinction d’espèces, pollutions…) et se conjugue avec un néolibéralisme autoritaire, nous assistons à une reconfiguration des acteurs sociaux en jeu comme des lignes de conflits. Si les classes et groupes conservateurs dominent, ils sont questionnés par les acteurs institutionnels (partis et syndicats) mais aussi par les « nouveaux mouvements sociaux » - au sens de M. Foucault : féminisme, écologie, lutte pour les droits civiques… - ou d’autres, plus récents et expérimentaux qui reviennent aux luttes économiques, tels que les occupations de places, de forêts et de ronds-points, le retour à l’autosubsistance, les communs… Dans ce contexte, cette session accueille les enquêtes de sociologie clinique qui portent sur les changements, mais aussi sur les permanences (que ce soit des modèles économiques, des rapports sociaux de classes et de genre, des normes…), dans toutes les sphères et pratiques sociales (politique, économie, écologie, éducation, santé, travail…), et sur leurs articulations. Les communications peuvent mettre en avant l’émergence de nouveaux sujets historiques (GAFAM, zadistes, représentants pour les droits de la nature...), identifier les objets et formes de conflits sociaux et souligner les transformations normatives et institutionnelles à l’œuvre. Sur chaque terrain, les contributions pourront indiquer comment les changements sociaux et psychiques - considérés de manière dialectique – vont de pair avec un investissement dans de nouvelles formes de lien social, que ce soit dans son rétrécissement (isolement, racialisation, communautarisme...), son extension (via le numérique ou non) ou sa mutation. Les communications pourront souligner la particularité de la subjectivation contemporaine et son rapport avec la possibilité de bâtir un sens aux transformations sociales. Elles pourront aussi investiguer ce qui rend possible ou empêche de penser ce qui fait et ce que fait le changement, qu’il soit socialement considéré comme disqualifiant ou valorisant. Un questionnement sur les apports spécifiques de la sociologie clinique sur ces questions est également le bienvenu.

2 – Changement social et transformations individuelles

La sociologie clinique n’oppose pas le social et l’individuel. Elle cherche plutôt à saisir conjointement la manière dont les sujets sont les produits et les producteurs des faits sociaux, et inversement. Dans cette session seront regroupées les communications qui abordent les dynamiques sociopsychiques à différents niveaux et à leurs articulations : mondiaux, nationaux, organisationnels, groupaux et individuels. Il pourra s’agir d’appréhender l’ampleur et la profondeur des transformations sociales, comme, par exemple, celle qui concerne les trajectoires et les projets de vie dans le contexte de « distanciation sociale » imposée (rapport subjectif aux pratiques et aux collectifs d’appartenance, ancrage géographique, frontière entre vie professionnelle et vie privée, rapports sociaux y compris dans leurs dimensions intimes et amicales…). Les communications peuvent porter sur le marché du changement à ces différents niveaux : ses acteurs, ses formes (changer quoi ? qui ? comment ? avec quels postulats ?) et ce qu’il induit sur les processus sociaux et la subjectivation. Les communications pourront porter également sur les discours, les injonctions et les idéologies concernant le « monde d’après », qu’ils soient dystopiques ou utopiques, afin d’en faire une sociologie. À cet égard, l’évolution des (dé) valorisations des pratiques sociales (et notamment celles qui se déploient dans le cadre de professions et d’emplois) pourra être analysée, de même que celles qui concernent les notions d’utilité sociale et de solidarité.

3 - Quelle sociologie du changement ?

Si l’ambition de la sociologie clinique est d’outiller et de favoriser des processus de subjectivation individuelle et collective, qu’en est-il de ses pratiques dans le contexte actuel, notamment dans son rapport à la problématique du changement ? Et quels changements observe-t-on dans ce courant de la sociologie ? Dans un mouvement de réflexivité sur son rôle social, les communicants sont invités à présenter leurs méthodes de recherche-intervention et à analyser leurs résultats et limites (fonctionnelles, idéologiques, politiques, psychiques...). Il s’agirait donc de répondre à la question suivante : est-ce que la sociologie clinique peut être considérée comme un acteur de la réflexion et de l’action collective pour construire une alternative aux institutions contemporaines ? Et le cas échéant, comment procède-t-elle ? Avec quels résultats ? À l’articulation de cet axe et du suivant, nous interrogerons également la manière dont les cliniciens et cliniciennes procèdent pour objectiver leur rapport subjectif à leurs objets, alors que ceux-ci deviennent particulièrement inflammables politiquement comme existentiellement. Les mécanismes de défenses dans la pratique de la sociologie clinique pourront être analysés comme frein à la pensée et au changement social - par exemple, face à l’expérience de la pandémie Covid-19 et aux politiques publiques qui l’accompagnent.

4 - La sociologie en changement

Il s’agit ici d’interroger la pratique de la sociologie clinique autour de trois questions. 1 – Quels changements significatifs observe-t-on à propos de la sociologie des sociologues clinicien et cliniciennes (chercheurs, intervenants, enseignants, étudiants, participants aux recherches et/ou interventions…) ? Quels sont les objets et terrains, leur épistémologie, leurs concepts, méthodologies et outils effectivement mobilisés dans leurs pratiques ? Quelles sont les conditions de travail et de vie des sociologues cliniciens, leur activité et leurs inscriptions professionnelles ? Dans quelles contraintes de temporalité, espace, budget, cadre institutionnel, insertion professionnelle… est-ce qu’elles et ils agissent aujourd’hui, par rapport aux décennies précédentes ? Qu’est-ce que cela induit sur la pratique sociologique elle-même ? Les communications pourront s’inscrire dans une perspective historique (en interrogeant les changements entre plusieurs générations de sociologues cliniciens par exemple) ou encore interroger les ruptures, continuités, transformations dans un temps court. Puisque la sociologie clinique n’est pas spécialisée sur un objet, d’une part, et pratique volontiers l’interdisciplinarité, d’autre part, elle accueille également à l’occasion de ce congrès les communications portant sur deux possibles changements épistémologiques dans notre discipline : 2 – Comment est-ce que le changement social invite, voire exige de repenser nos catégories de pensée héritées de la modernité (« Etat », « travail », « propriété », « nature », « individu »…) ? Dans quelle mesure la sociologie clinique participe-t-elle au mouvement actuel qui prône ce changement épistémologique ? Puisque ces catégories fondent aujourd’hui le découpage du champ sociologique en « objets » (famille, loisirs, consommation, travail, santé, religion, politique…), dans quelle mesure serait-il à reconsidérer ? 3- Comment est-ce que les faits sociaux travaillent les frontières disciplinaires, entre la sociologie et ses voisines - histoire, psychologie, sciences politiques, anthropologie, linguistique... ? Les communications pourront montrer avec quelles autres approches et disciplines la sociologique clinique pense le changement sociopsychique ou son empêchement, et comment elle s’y prend pour construire cette pluri- ou inter-disciplinarité. Ces pistes ne sont pas exhaustives et s’inscrivent dans une invitation plus large à questionner les démarches et pratiques de celles et ceux qui se réclament de la sociologie clinique.   Comme à chaque congrès, le RT clinique organisera des sessions communes avec d’autres RT, en fonction des propositions reçues. Les propositions de communication sont à déposer avant le 22 janvier 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page) [1] Pour découvrir ce courant sociologique, voir : Gaulejac V. de, Roy S. (dir), Sociologies Cliniques, Hommes et Perspectives, REConnaissances, 1993 ; Gaulejac V. de, Hanique F., Roche P. (dir.), La Sociologie clinique. Enjeux théoriques et méthodologiques, Erès, 2007 ; Vandevelde-Rougale A., Fugier P. (dir.), Dictionnaire de sociologie clinique, Toulouse, Erès, 2019.
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