RT23

AAC RT23 Lille 2021 : Le travail comme activité de changement

Le réseau thématique « Travail, activité, technique » (RT23) de l’Association Française de Sociologie (AFS) se propose de contribuer à une sociologie du travail et des activités professionnelles. Forte d’une longue tradition, la sociologie du travail française embrasse aujourd’hui de nouveaux domaines, enrichie par la rencontre de la tradition interactionniste, de l’ethnographie de la communication, des développements de la psychologie du travail, de l’anthropologie des sciences et des techniques, etc. Au cours des décennies précédentes, des travaux ont entrepris de rouvrir la question de la technicité au travail — corps, espaces, objets, équipements, technologies numériques — après celle du langage. Le RT23 a pour objectif de favoriser les échanges autour de ces perspectives, entre sociologues, et avec les spécialistes des disciplines proches intéressées au travail : ergonomie, psychologie, histoire, études littéraires, anthropologie, sciences du langage, gestion notamment.
Le thème du 9e congrès de l’AFS, « Changer », offre l’occasion de penser les rapports entre trois niveaux de l’agir technique et du travail que l’approche par l’activité prônée par le RT 23 propose de penser ensemble : production matérielle, échange marchand, valorisation sociale. Le travail, en tant qu’activité technique, est une opération de transformation du monde. On peut ainsi s’intéresser, dans un premier temps, en insistant sur la transitivité du verbe, à ce que le travail change. Cet axe proposera donc de se pencher sur la capacité créative de l’agir, mais aussi sur la manière dont les activités de travail sont saisies par d’autres activités, cherchant à évaluer leur « productivité ». Le travail lui-même est soumis à des processus de changement. Il convient donc de comprendre ce qui change dans le travail. Cette opération ne laisse pas non plus indemne celui qui la réalise. Parce que des changements s’opèrent aussi sur l’opérateur du changement, il est aussi possible de s’intéresser à ce qui change en nous lorsque nous travaillons. Cet axe permet de prolonger l’enquête sur le rapport des travailleurs à l’activité. Dans cette perspective, les communications pourront s’inscrire dans l’un des trois axes suivants :  

Gé(né)rer le changement

Dans le premier axe pourront s’inscrire des communications investiguant l’activité de travail en tant que processus d’intervention sur le monde : qu’il s’agisse de le modifier ou, éventuellement, d’empêcher son évolution, le travail consiste en une activité réputée productive. Ce caractère productif est validé socialement par des dispositifs de valorisation et d’évaluation. Ainsi, il s’agira notamment de questionner la façon dont l’action matérielle de transformation s’inscrit dans des processus de valorisation pluriels qu’ils soient marchands ou non.
  • Des terrains de recherche étudiant l’impact des évolutions des pratiques de productions dans la valorisation d’un produit seront particulièrement appréciés. Il s’agira en particulier de questionner le processus par lequel un acte de transformation du monde est reconnu comme souhaitable ou non souhaitable. Dans ce cadre pourraient par exemple trouver place des enquêtes portant sur la labélisation des techniques de production (bio, label rouge, en plein air, sans test sur animaux, plastic free..).
  • Les communications pourront se pencher sur le rôle que jouent les évolutions des jugements (qu’ils soient moraux, esthétiques ou économiques) sur les transformations des procédés techniques de production. Des recherches sur la revalorisation de techniques « traditionnelles » ou sur la critique sociale ou écologique de techniques jadis jugée comme « de pointe » pourront être développées dans cet axe. Il serait également possible d’étudier les processus par lesquels les entreprises intègrent ces critiques dans leurs stratégies (comme pour l’illustre l’abandon de l’huile de palme).
  • Enfin, si le travail peut se révéler sous la forme d’une activité produisant le changement, il peut également être conçu comme une activité de préservation. Dans cet axe pourront donc s’inscrire des communications se penchant sur les activités par lesquelles le travail individuel et collectif s’efforce de conserver un état du monde naturel, matériel ou symbolique. Dans cet effort homéostatique, il s’agit toujours de contribuer à un état du monde futur désirable qui passerait par le statu quo. Les activités domestiques, de « maintien du foyer », illustrent tous les jours cette réalité : faire le ménage, la vaisselle, consiste à maintenir le monde en l’état, face à l’inexorable dégradation que l’on cherche, avec plus ou moins de succès, à entraver. Dans cette veine, les communications pourront interroger le travail et son organisation comme une activité de limitation des aléas et donc de contrôle des changements de l’environnement matériel, social ou économique. Dans ce cadre les communications pourront questionner le rôle grandissant de la gestion des risques (économiques, écologiques, sociaux, industriels) à la fois dans l’organisation productive et dans la valorisation marchande.

Les changements du travail

L’histoire du travail a été longtemps partagée entre une histoire des techniques centrée sur la transformation des instruments et des procédés de production et une histoire sociale des travailleurs, centrés sur l’évolution des conditions de vie et de l’organisation socio-politique des groupes professionnels. En ce sens, l’historicité propre du travail en tant qu’activité de production socialement valorisée a été faiblement abordée. Pour saisir les changements du travail, il faut en effet pouvoir saisir ensemble l’évolution axiologique et économique des valeurs que l’on attribue aux activités humaines et l’évolution technique et organisationnelle des moyens concrets par lesquels ces activités sont réalisées.
  • Les communications attendues dans cet axe pourront questionner l’enchevêtrement entre transformations techniques, économiques, organisationnelles et sociales. Il s’agira de comprendre les transformations du travail, de l’instrumentation technique et leur inscription dans les rapports sociaux. Le cas du « travail de bureau » est en ce sens particulièrement illustratif. L’évolution de ces activités multiples que l’on résume par leur rapport à un espace commun est le résultat conjoint d’évolution technologique dans les outils « bureaucratique » (notamment l’informatisation) qui ont conduit à des « révolutions » dans l’organisation des espaces conjointement à une redéfinition de « styles » de management. D’autre part, ces transformations tout à la fois sociales et techniques du travail peuvent également modifier les rapports et les hiérarchies entre groupes professionnels en déplaçant le « cœur de l’activité ».
  • Les communications pourront proposer, à partir de leurs terrains, une réflexion épistémologique sur l’entrée par l’activité comme accès à l’historicité du travail. Cette approche a en effet été critiquée comme un modèle théorique qui conduirait à l’essentialisation d’une pratique que les thèses de « l’invention du travail » considèrent comme située historiquement. Or, reconnaitre dans le travail une sorte d’invariant anthropologique ne consiste pas à dénier son historicité, mais au contraire à la souligner : c’est son caractère anthropologique qui rend le travail inévitablement historique. Réciproquement, c’est cette profonde historicité du travail, c’est-à-dire ce caractère d’activité par lequel on se positionne dans le monde par rapport à un état passé, présent et futur de celui-ci qui en fait une activité profondément humaine. Les communications pourront contribuer à rouvrir cette réflexion.

Changer au travail ?

Enfin, en saisissant le travail comme activité dans laquelle les sujets engagent leur présence physique, morale et sociale, l’approche par l’activité permet de réfléchir au changement que l’agir productif imprime aux travailleurs. Ces changements peuvent être repérés à tous les niveaux de la présence au travail.
  • Dans cette perspective les communications pourront étudier la façon dont l’engagement au travail produit de changement de style de vie et des trajectoires. Mais ils pourront également aborder la problématique en interrogeant les processus de façonnage des corps et des gestes. C’est finalement le rôle du travail dans le changement du rapport axiologique et normatif au monde en général qui pourra être exploré.
  • L’aspect complémentaire de ces changements pourra également être l’objet de communication. Il sera ainsi possible d’interroger les changements du travail au prisme des changements des travailleurs. Ainsi des communications pourront se pencher sur les évolutions dans le type de compétences demandées et sollicitées (« relationnelles », « émotionnelles »…). Dans la même perspective, des enquêtes sur la transformation organisationnelle et technologique du travail pourront s’inscrire dans cet axe en questionnant l’évolution dans les rapports au travail qu’elles impliquent (porosité espace professionnel/privé).
  • Dans cet axe pourront également être étudiées les stratégies mises en place pour résister au changement au travail. Pourront donc être étudiées les pratiques individuelles et collectives pour résister à l’usure physique et mentale qui modifie les corps ou les stratégies pour « rester soi-même » au sein d’activité dont les travailler ne partage pas les « objectifs ». Mais il s’agira aussi de penser l’évolution de ces stratégies, dans la façon de nommer et de gérer individuellement et collectivement les atteintes à la santé et plus généralement à l’équilibre des travailleurs.
  • Enfin les communications pourront poursuivre leur réflexion sur une dimension plus épistémologique en pointant le rôle des approches par l’activité dans les changements dans la manière de considérer ces travailleurs (leur place, leur rapport au travail, leur engagement) qui traversent la sociologie et l’histoire du travail.
  Modalités de soumission des propositions : Pour que les sessions que nous tiendrons soient des moments de discussion, où chacun participe à l’enquête en train de se faire, nous veillerons à ce que les faits présentés soient « discutables ». Pour donner à voir une sociologie au travail, on pourra donc renoncer aux signes du travail fini et présenter les matériaux bruts, les supports concrets de l’analyse, au-delà des classiques citations d’entretiens ou des « vignettes illustratives ». Dans la catégorie des matériaux, nous rangeons à égalité les sources statistiques, documentaires, orales, d’observation, archivistiques, vidéo, etc. Les propositions de communication (4 000 signes) devront fournir des indications sur ce point. Les propositions de communication sont à déposer avant le 30 janvier 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page) Les propositions seront évaluées et sélectionnées par le bureau du réseau thématique : compte tenu du temps limité dont nous disposons, et de la nécessité d’entendre et de discuter les exposés présentés, toutes les propositions ne pourront pas être retenues.












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