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AAC RT1 Lille 2021: Les groupes professionnels à l’épreuve de la rhétorique du changement

Les groupes professionnels, loin d'être figés, sont au contraire le lieu et l'enjeu de changements à diverses échelles et de différents ordres, que ces changements soient initiés à l'intérieur de ces groupes professionnels, obligeant les différents segments du groupe à « bouger », ou qu'ils soient le résultat d'événements extérieurs. Le groupe et ses composantes sont ainsi contraints de se repositionner par rapport à ces changements qui les reconfigurent tant au niveau de leurs structures internes et que de leurs contours. Mais au-delà de ces dynamiques, la thématique du changement alimente également des rhétoriques construites et mobilisées par les professionnel·le·s elles/eux-mêmes ou bien déployées à leur intention par certains de leurs interlocuteurs (Etat, employeurs, hiérarchie, membres d’autres groupes professionnels voisins, etc.) à des fins stratégiques dans le cadre de négociations, tentatives d’alliances, luttes, ou encore conflits. Mais pour les groupes professionnels, le changement ne saurait être conçu que comme une catégorie discursive, servant des fins plus ou moins idéologiques. Il s’applique également comme grille de lecture des pratiques des professionnel.le.s, actrices et acteurs dont l’expertise consiste à produire du changement ou bien au contraire à le freiner, voire à l’éviter. Le RT1 « Savoirs, travail, professions » de l’AFS appelle à l’envoi de propositions de communication adoptant un regard critique sur une catégorie à déconstruire, tout en prenant au sérieux ce que les professionnels en font notamment afin de maintenir, d’étendre ou de défendre leur juridiction. Le contexte macrosocial actuel, entre autres marqué par la crise sanitaire et les problématiques écologiques d’envergure mondiale, ainsi que par les réformes touchant le milieu de la recherche à un niveau national, pourra être pris en compte si de récentes enquêtes, suffisamment avancées, permettent d’apporter le recul nécessaire sur ces processus en cours.   Les réponses à cet appel à communications du RT1 « Savoirs, travail, professions » seront inscrites dans l’un des six thèmes présentés ci-dessous. Les propositions de sociologues, et plus largement de chercheur·e·s en sciences sociales et humaines seront les bienvenues. Les auteur.e.s veilleront toutefois à ce que leur contribution soit fondée sur un travail empirique d’enquête de terrain et que leurs résultats portent sur un ou plusieurs groupes professionnels clairement identifiables.     Thème 1 Evolutions morphologiques des groupes professionnels Les facteurs et processus qui participent aux transformations morphologiques des groupes professionnels sont à analyser sur la durée. Parmi ces derniers, on peut évoquer la question de la féminisation/masculinisation, l'arrivée dans la profession de nouveaux entrants aux propriétés sociales différentes de celles des générations antérieures. Ainsi, les groupes professionnels peuvent changer du fait de stratégies de reconversion, de luttes contre le déclassement ou des possibilités de promotion sociale qu'ils offrent ou non à un moment donné de leur histoire. A la suite de changements potentiels qui affectent la morphologie des groupes professionnels, la question se pose alors de leurs effets sur les pratiques professionnelles, le rapport au métier, la perception de son statut social. L'arrivée de ces nouvelles générations est-elle à même de générer des transformations importantes dans le groupe professionnel ou au contraire se heurtent-elles à des résistances qui les font rapidement rentrer dans le rang, compte tenu entre autres des contraintes professionnelles internes et externes qui s'appliquent à l'ensemble des membres du groupe ?     Thème 2 Usages de la thématique ou de la rhétorique du changement contre, pour, par des groupes professionnels Dotée d’une forte connotation positive, la thématique du changement fait recette. Largement utilisée dans les discours politiques et médiatiques à des fins électoralistes ou de propagande, elle l’est aussi dans l’univers des groupes professionnels et du travail, où le « changement » constitue également une rhétorique, entre autres diffusée sous forme d’injonctions pour les travailleurs, ou d’argumentaire « vendeur » à l’attention des clients. Ce terme est polysémique ; volontairement ou non, il est rarement défini. En outre, il est souvent complété ou remplacé par d’autres notions jugées plus parlantes, comme celle « d’innovation », et cette surenchère sémantique peut aller jusqu’à la valorisation de changements dits innovateurs. Les milieux de travail, de tous secteurs (public, privé, associatif…), sont soumis à des appels au changement incessants et récurrents, visant autant les travailleurs et leurs compétences, les collectifs et leur efficacité/efficience, les biens et services produits. Cette frénésie de changement s’accompagne de mises en garde managériales contre l’enlisement dans la routine, la résistance au changement, la ringardisation, qui sont présentés comme autant de menaces nuisibles à la performance et à l’image de l’entreprise. Mais derrière ces mots d’ordre, plus ou moins incantatoires, se cachent des objectifs de rationalisation du travail, de réduction des dépenses ou de recherche de profit. Ces logiques organisationnelles et gestionnaires ne touchent pas tous les groupes professionnels de la même manière. Certains sont-ils particulièrement perturbés au point de devoir réviser en profondeur leur mandat ? D’autres, au contraire, se nourrissent-ils de ces directives afin d’empiéter sur le territoire de rivaux ou encore pour se spécialiser dans le contrôle de la mise en œuvre du changement sous ses diverses formes ?     Thème 3 Les professionnels du non-changement Dans nos sociétés « modernes », fondées sur la croissance économique continue et durable, où règnent les cycles courts de renouvellement des produits, l’obsolescence programmée, l’éphémérité de la mode, etc., le changement est présenté comme une nécessité, demeurant insuffisamment déployée face à une tendance à l’immobilisme. Cette idéologie libérale ne résiste pas face aux analyses d’Andrew Abbott qui démontre au contraire que « le changement est la nature normale des choses ». Cette perspective processuelle met à rude épreuve un grand nombre de groupes professionnels qui s’attachent, au contraire, à préserver la stabilité ou la stabilisation (par exemple, les médecins spécialistes des pathologies chroniques), à conserver les traditions au travers du respect de rituels, règles, lois ancestraux (par exemple, les métiers religieux de prêtre, pasteur ou rabbin) ou encore à maintenir des objets dans leur état d’origine comme les restaurateurs d’œuvres d’art. Dans ce thème, seront attendus des travaux portant sur des professionnel.le.s du non-changement, et les contraintes ou succès qu’elles·ils rencontrent face à l’obligation de changement : comment procèdent-elles·ils pour justifier leur objectif ? Quelles sont leurs stratégies ou leurs « ruses » pour aller à l’encontre de l’idéologie dominante ?     Thème 4 : Appel conjoint avec le RT 19 « Santé, médecine, maladie et handicap » Changement observables dans les pratiques professionnelles et réorganisation du système de soins Les innovations pour améliorer la qualité des soins, la coordination des professionnel·le·s ou l’usage des ressources modifient l’organisation du travail à l’hôpital et dans le secteur libéral. Des groupes ou segments professionnels utilisent ces changements pour renégocier les frontières de leur domaine d’activité, dans le cadre d’injonctions croissantes à l’inter ou à la pluri-professionnalité. Comment évoluent les pratiques, la division du travail et les relations entre les différentes professions du soin ? Pour adapter les pratiques professionnelles aux nouvelles connaissances et diversifier les filières de recrutement, les formations évoluent, à l’image des études infirmières qui ont été universitarisées ou la première année de médecine qui a été réformée. Quelles conséquences ont ces changements sur les format·rice·eur·s, les étudiant.e.s et les malades, ainsi que sur l’avenir de ces groupes professionnels ? Certains de ces changements, en particulier quand ils sont organisationnels et promus par les pouvoirs publics, suscitent l’opposition de groupes professionnels. Par exemple, le secteur hospitalier est régulièrement en grève contre le renforcement des contraintes gestionnaires, dénoncées comme une source de dégradation les conditions de travail et la qualité des soins. A l’inverse, certains groupes d’acteurs en libéral acceptent les contraintes pour bénéficier de financements publics supplémentaires. Quelles formes prennent les mobilisations pour ou contre la rationalisation des soins ? Enfin, la pandémie e la Covid 19 a suscité une réorganisation accélérée du système de soins. Des hôpitaux ont déprogrammé des interventions. Des administrations sanitaires ont transféré des patients entre régions ou pays. Des praticien·ne·s ont vu leur patientèle cesser de consulter. Comment l’offre et la demande de soins se sont-elles recomposées dans ces circonstances inédites ? Que disent ces changements des modes de régulation du système de santé, des inégalités d’accès aux soins et des éventuelles sur- ou sous-prescriptions et consommations de soins ?     Theme 5 Problématiques environnementales et dynamiques professionnelles La montée en puissance des problématiques environnementales et énergétiques constitue un facteur majeur de changement dans le système des professions. Entre le niveau macrosociologique des politiques publiques et le niveau microsociologique des prises de conscience et modifications des pratiques individuelles, les groupes professionnels offrent une échelle spécifique d'analyse de ces évolutions, jouant à la fois comme un relais des premières dans la mobilisation des individus, et comme une coalition des secondes dans les mouvements de pression ou de résistance dont ils sont le siège. Cet axe se propose donc de rassembler des travaux portant sur la manière dont les groupes professionnels donnent forme aux mobilisations liées aux thématiques environnementales, que ce soit pour les soutenir ou pour les combattre. En première approche, on peut distinguer trois cas de positionnement : les « porteurs » de la cause environnementale correspondent soit à des activités consistant à conseiller, inciter, convaincre d'autres personnes de modifier leurs pratiques, soit à des formes de production emblématiques de cette cause (agriculteurs bio, producteurs d'énergies renouvelables, métiers de la dépollution du sol, de l’air, des eaux…) ; les « intermédiaires » sont les métiers dont le mandat ne se définit pas par la recherche d’un effet positif sur l’environnement, mais qui peuvent être conçus et exercés de manière à aller dans ce sens, et, pour finir, les « destinataires » des programmes, des dispositifs, des règlements, forment la masse des métiers « impactés » par les problématiques environnementales. On pourrait les croire passifs dans la mesure où ils n'expriment pas de position ni de ligne de conduite précise face à ces problématiques, mais ils sont susceptibles de connaître dans les faits une grande variété de positionnements, depuis le raidissement dans un refus massif des règlementations jusqu'à la fragmentation en une série de positions hétérogènes. Dans chaque cas, les corps de savoirs techniques ou sociaux et les cultures professionnelles forment un référent collectif qui entre en tension avec l'incitation au changement environnemental, donnant lieu à des complications de la tâche, des déplacements des savoirs, à des contraintes supplémentaires, mais aussi à des gratifications (en particulier symboliques, naissant dans la satisfaction de contribuer à une cause positivement valorisée), voire à des opportunités économiques ou stratégiques nouvelles. Les propositions de contribution sont invitées à analyser et décrire ces différentes configurations.     Thème 6 Les professionnels de la recherche et le changement Les usages que les scientifiques, et notamment les sociologues, font de la notion de changement sont également à interroger : par exemple, pourquoi certains segments du groupe professionnel des chercheur·e·s la rejettent-elles·ils au nom d’une distanciation critique, pendant que d’autres l’arborent avec détermination, allant jusqu’à la mettre en bonne place dans le nom de leur revue ou laboratoire ? Alors que le modèle du bon système productif repose sur la glorification et la nécessité du changement, c’est-à-dire sur une construction sociale, nombre de chercheur·e·s en sciences sociales et humaines se détournent d’une réflexion constructiviste, et adhèrent à une vision essentialisante du changement, élevé au rang de vertu scientifique. Quelles sont les stratégies individuelles et collectives favorisant un tel positionnement ? Les profits escomptés sont-ils assez rentables pour que des chercheur.e.s, pourtant théoriquement armé.e.s pour dévoiler les enjeux politiques cachés, ferment les yeux ? Enfin, les institutions, et les occupant·e·s des postes de pouvoir, ont-elles·ils une conscience aiguisée du contenu manipulateur de cette idéologie ? Comment et où se fabriquent les dispositifs d’enrôlement à l’idéologie du changement d’actrices.eur·s spécialisé·e·s dans l’analyse des rapports sociaux de pouvoir ? Certaines disciplines sont-elles moins attentives et conceptuellement moins équipées pour mener ce travail intellectuel ?       Envoi des propositions de communication Les propositions de communication, d’une taille maximale de 2 500 signes (espaces compris), devront mentionner les informations suivantes : - Nom et prénom du/des auteur.e.s - Adresse(s) électronique(s) - Fonction(s) - Discipline(s) - Institution(s) de rattachement - Le thème dans lequel la proposition s’inscrit   Les propositions sont à déposer sur le site de l’AFS selon les modalités communes à tous les RT, avant la date limite fixée au 15 février 2021. Nous remercions les auteur·e·s d’envoyer une copie de leur proposition à l’adresse du RT1 : rt1afs@gmail.com La réponse du comité d'organisation sera communiquée aux auteur.e.s à la fin du mois de mars 2021.     Comité scientifique et d’organisation : le bureau du RT1 Joachim BENET, Marlaine CACOUAULT, Frédéric CHARLES, Corinne DELMAS, Thomas DENISE, Sophie DIVAY, Charles GADEA, Lucile GIRARD, Reinhard GRESSEL, Etienne GUILLAUD, Serge KATZ, Florence LEGENDRE, Pascal MARTIN, Florent SCHEPENS, Mathias THURA, Jingyue XING        












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