RT36

AAC RT36 Lille 2021: Pratiques théoriques

Dans le cadre du RT36 « Théories sociologiques », réorienté vers les « pratiques théoriques » depuis le congrès d’Aix (2019), « changer » est abordé plus comme un objet d’étude que comme un thème. Les « théories » du changement (Rocher, 1970) entretiennent des rapports particuliers avec et aussi le sens commun, puis surtout avec les idéologies autour du changement. Semblerait-il que ce sont ceux et celles qui adhèrent à des visions progressistes de la société qui théorisent le changement, prenant parfois la forme d’une injonction, alors que les points de vue conservateur entreprennent moins souvent cet exercice. La question centrale qui sera abordée par le réseau lors du Congrès de Lille reste celle de la problématisation, de l’opérationnalisation, de la mesure et de la démonstration du changement social, c’est-à-dire de son intérêt sociologique, et de ses limites. Plusieurs axes de réflexion seront débattus.
  1. Le 1er consistera à faire un point sur la théorisation du changement, sa problématisation. Une revue critique des « théories du changement » nous semble nécessaire à effectuer. Quelles sont ces théories ? Quelle est aujourd’hui leur portée heuristique ? Dans quel contexte, contre qui ont-elles été élaborées ? Quelle est la part de l’effet de mode au moment de leur formulation ? Quelles conceptions, définitions ou métaphores du changement engagent-elles ? Le changement est-il un objet pertinent pour la sociologie ? Si oui, à quelles conditions ? Quelles sont les notions synonymes, voisines ? Si non, pourquoi ? Par quoi le remplacer ? Quelle est aujourd’hui l’utilité sociale ou politique de ces théories ? Quid d’une éventuelle demande sociale de théories du changement ?
  2. Le 2ème axe examinera l’opérationnalisation théorique de l’objet « changement ». Comment les théories du changement construisent empiriquement cet objet ? À quel niveau entendent-elles le démontrer, voire mesurer, notamment en termes d’indicateurs? Le passage par l’empirie, par le terrain, est-il nécessaire du point de vue des défenseurs de théories du changement ? Y a-t-il des aspects, des dimensions du changement, qui ne sont pas opérationnalisables, et sont destinés à rester abstraits ? Dans quelle mesure permet-il de revisiter l’objet et les théories qui l’accompagnent ? Quels constats empiriques conduisent à la remise en cause, voire au rejet des théories du changement ? Peut-on formuler une typologie des changements ? Quel en est l’intérêt, quelles en sont les limites ? Des exemples en lien avec la stratification et de la mobilité sociales seront les bienvenus, autour des thématiques en renouvellement sur le creusement des inégalités, les formes de déclassement, le « retour » des classes sociales…
  3. Le 3ème axe fera le point sur la réception et la politisation dans le débat public des nouvelles théorisations prenant acte de changements de représentations et de définitions de la réalité dans la société : sur l’islamophobie, les études post/décoloniales, l’intersectionnalité, en lien avec l’actualité des controverses sur la laïcité, le fait religieux, « l’islamo-gauchisme », et les menaces sur les libertés académiques.
  4. Le 4ème axe sera également centré sur l’actualité, comme y invite l’appel du Congrès. En quoi la « crise » de la Covid-19 permet de revisiter les théories des crises ? La conception « continuiste » de la crise politique développée par M. Dobry (1986) se trouve-t-elle renforcée ou contestée par le contexte actuel ? Assiste-t-on au déploiement de « stratégies de choc » (Klein, 2007) ? De quoi le Covid-19 est-il l’objectivation ? En quoi le changement ou la continuité que la pandémie exprime questionne les pratiques scientifiques, cliniques, notamment sociologiques ? Et questionne également l’articulation entre logique de la découverte et logique de la preuve (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1968/2005) ? Ainsi que la place et le rôle de « l’imagination sociologique » (Wright Mills, 1959/2015), notamment comme « imagination théorique » ? Et finalement la conception dominante de la science et des politiques de recherche ?
  5. Le 5ème axe s’inspirera des 4 précédents pour poser « à nouveaux frais » la question de la sociologie générale. L’objectif de « ce que devrait être la sociologie générale » (Durkheim, 1899/1998), « concrète » (Mauss, 1927/1969) est-il atteint aujourd’hui? Existe-t-il une sociologie générale au-delà des 50 RT/AFS de sociologies « spéciales », reflétant souvent une démarche de « studies » centrée sur un objet ? Comment faciliter leur inscription dans une démarche scientifique commune? Est-ce que ce « commun des sociologues » est à rechercher, ou reste une utopie(/une dystopie ?) ? En discussion avec le thème du changement, la sociologie générale a une triple visée transformatrice :
    • continuiste, pour relier et « transcender » tous les objets et toutes les spécialités ;
    • déconstructiviste des cloisonnements entre ces spécialisations, entre les démarches scientifiques, entre les disciplines universitaires et scolaires qui les traduisent ;
    • universaliste, opposée à la généralité (« un cas particulier bien construit n’est plus un cas particulier » : la sociologie générale n’est pas la sociologie des généralités théoriques et statistiques) et opposée à tout particularisme (notamment le communautarisme des classes dominantes, qui instrumentalisent l’universalisme pour reproduire en permanence leur sociodicée).
Si les évolutions de la sociologie semblent l’éloigner de la sociologie générale, faut-il plaider pour un changement sociologique, une sociologie « en changement » qui remettrait son projet généraliste au centre de son développement ? Les propositions de communication ne dépasseront pas 5000 signes. Elles préciseront quel est l’axe privilégié et intègreront une bibliographie. Les propositions de communication sont à déposer avant le 30 janvier 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page). Les réponses seront transmises durant la seconde quinzaine de février. Pour toute demande d’information, contacter le coordinateur : Arnaud Saint-Martin (arsaintmartin@gmail.com).

Références

Bourdieu P., Chamboredon J.-C., Passeron J.-C., 1968, Le métier de sociologue, Mouton. Dobry M., 1986, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, PFNSP. Durkheim E., 1998 (1899), « Ce que devrait être la sociologie générale », L’Année sociologique, 48, p. 66-75. Klein, N., 2008, La Stratégie du choc : La montée d'un capitalisme du désastre, Actes Sud Mauss M., 1969 (1927), « Divisions et proportions des divisions de la sociologie », Œuvres, tome 3, p. 178-245, Minuit (éd. V. Karady). Mouvements, 2012/4, 72, n° thématique « Décoloniser les savoirs », La Découverte. Rocher G., 1970, Introduction à la sociologie générale, tome 3 : Le changement social, Seuil. Sociologie, 2014/1, 5, n° thématique “Sociologie de l’islamophobie”, PUF. Travail, genre et sociétés, 2020/2, 44, n° thémtique « Intersectionnalité au travail », La Découverte. Wright Mills C., 2015 (1959), L’imagination sociologique, La Découverte.  












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