Comment penser aujourd’hui le changement en sociologie en prenant acte de sa charge sémantique depuis le milieu du XXème siècle, voire depuis la Révolution française, et qui ne peut se départir facilement de l’idée de progrès, celui-ci étant associé à une idée de temps à venir, florissant et chargé d’idéaux économiques. 1968 était imprégné de l’utopie d’un changement radical… Le CNRS a financé un programme de recherche sur le changement social durant les années 1980. À partir des années 1990, le changement comme objet de recherche en SHS, s’est petit à petit dilué.
L’une des caractéristiques du RT 47 est de réfléchir sur les transformations des approches sociologiques auxquelles les différents médias visuels et audio visuels nous invitent mais aussi de ne pas constituer un îlot afin de traverser l’ensemble des champs sociologiques. À ce titre, les collaborations avec les autres RT peuvent être multiples. Cette année, le RT43 s’est associé au RT47 dans cette réflexion ; d’autres coopérations entre RT se développeront dans le futur.
Changement social et continuité historique
Les problématiques d’hier sont-elles datées, peut-on aborder autrement la question du changement ? L’une de nos hypothèses réside dans le développement de mouvements alternatifs qui opèrent des changements « à bas bruit » et qui pourtant acquièrent une visibilité de plus en plus grande dans le temps. Les sociologues et les sciences sociales qui s’intéressent à l’image en ont très souvent eu l’intuition. Ainsi, nombreux sont les sociologues photographes/cinéastes qui ont saisi ces changement et/ou ont vu les possibilités visuelles et filmiques qu’offraient ces mouvements alternatifs. Par exemple, l’usage de l’image s’est renforcé dans l’espace rural avec l’attrait pour les agricultures biologiques associées aux questions écologiques, environnementales et des nouvelles sociabilités ; dans l’espace urbain, l’image a fait ressortir l’intérêt collectif pour les « appropriations » des friches urbaines, dans les résistances dans les ZAD, etc.
Comment rendre compte par l’image des différenciations de désirs et de pratiques chez des acteur.ices qui se situent dans des projets collectifs, communautaires et/ou individuels ? Comment opérer une mise en réflexion de la place du/de la chercheur.e en questionnant la posture d’expert.e sur les sujets/objets qu’ils.elles étudient ? Les problématiques de co-construction des savoirs, de leurs symétries sont essentielles à la démarche de la sociologie visuelle et filmique, rejoignant ici la sociologie publique.
L’apport de l’image/son à l’analyse du changement ; quelles pratiques participatives des chercheur.es ?
Que nous apporte alors le travail avec l’image pour rendre compte de ces changements sociétaux. Comment l’image animée ou fixe visibilise-t-elle ces changements sociétaux majeurs, quand ils sont encore
underground ?
L’image permet-elle de penser autrement le changement que par des paradigmes sociologiques éprouvés, testés ? Que permet-elle de faire émerger comme forme de connaissances ou comme formes d’expérimentations sociales ? L’image fixe ou animée permet-elle de redistribuer le cadrage de la pratique (et donc de son débordement éventuel) depuis la confirmation des hypothèses du sociologue, vers une compétence qui peut aussi être rétrocédée aux acteurs que le suivi filmique permet de documenter.
Ces démarches audiovisuelles reconstruisent-elles le rôle du/de la chercheur.e ? Pour quel bénéfice et pour qui ? Modifient-t-elles la place du sociologue et la structuration des savoirs par les scientifiques ?
Quels changements inaugurent la recherche participative avec l’image dans la relation à l’autre ? au savoir ? que nous dit-elle des relations de pouvoir dont ne rend pas compte l’écrit ? Peut-on renouveler, par le recours à l’image/son, la participation des publics dans le processus de recherche et porter le regard sur les recherches collaboratives ?
Changements techniques et pratiques sociologiques de l’image/son
Nous savons combien les spécificités techniques font partie de l'expression filmique. Loin de le cacher, les pionniers du
cinéma direct ont travaillé avec des ingénieurs pour rendre les équipements plus mobiles et plus maniables. Les multiples changements liés aux technologies numériques révolutionnent tout autant notre pratique filmique.
Filme-t-on de la même façon avec une caméra qui pèse 10kg ou 500g, une caméra à l’épaule, au poing, un appareil photo, une GoPro, un téléphone ? Ces différents équipements sont-ils équivalents en toute circonstance ou chaque situation amène-t-elle à repenser les choix ? La popularisation des ces équipements, l’entrée en force des images fixes et animées dans les communications quotidiennes nécessitent-elles que les sociologues questionnent leurs spécificités ? L’hybridation entre image fixe et image animée est-elle une seule juxtaposition de supports ou correspond-elle à des postures de recherche différentes ? La postproduction est rarement abordée dans les discussions scientifiques. C’est pourtant là que les données de terrain sont analysées et retravaillées trop souvent du seul point de vue technique. Les possibilités techniques des logiciels de post-production changent-elles le traitement des données de terrain. Les conditions de transmission de ces changements techniques modifient-elles la perception de leurs apports chez des chercheurs expérimentés ? Les réflexions sur les dispositifs techniques et leurs enjeux ont toute leur place dans les propositions de communication du RT47.
Le RT 47 peut se saisir de la thématique du changement pour réaffirmer la qualité scientifique des travaux photographiques et cinématographiques des chercheurs et leurs prises en compte dans les évaluations académiques. Les praticiens de l’image fixe et animée en sociologie ont toujours lutté pour faire reconnaître l’image au même titre que l’écrit, les corpus photographiques et les films au même titre que les publications dans des revues ou sous forme de livre.
RT 47 Sociologie visuelle et filmique
Animation :
Christine Louveau,
Béatrice Maurines et
Joyce Sebag
Bureau :
Émilie Balteau,
Pascal Cesaro,
Jean-Pierre Durand,
Daniel Friedmann,
Florent Gaudez,
Alexandra Tilman.
Les propositions de communication sont à déposer avant le 30 janvier 2021 sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page)