22 Déc Appel à communication – sessions du RT 43 au congrès AFS 2019
Frontières et mobilités religieuses : quelles catégories, pour quelle sociologie ?
Le déclin tendanciel de l’autorité institutionnelle, la diversification des pratiques et la subjectivisation de l’expérience religieuse – décrite par D. Hervieu-Léger comme « un déplacement du lieu de la vérité du croire, de l’institution vers le sujet croyant » (1993 : 245) – ont conduit au cours des dernières décennies à réinterroger les catégories classiques de l’analyse sociologique des religions. La plus grande mobilité des parcours individuels rendant plus incertaine la notion d’appartenance, les frontières confessionnelles ont semblé s’estomper pour laisser place à des élaborations plus personnelles. Enfin, la circulation mondiale de contenus de croyance possiblement déconnectés du contexte social et culturel dont ils sont issus nourrit des formes d’« exotisme religieux » (Altglas, 2014).
À l’occasion du prochain congrès, et en lien avec sa thématique générale « Classer, déclasser, reclasser », nous souhaitons nous intéresser à l’articulation entre frontières et mobilités religieuses, et réfléchir aux enjeux de classement ou de catégorisation qui y sont associés. À partir de communications basées sur des enquêtes empiriques, il s’agira de se demander comment les différents types de mobilités contemporaines – sociales, géographiques, économiques – interagissent avec les pratiques religieuses, tout en restant attentifs aux inégalités sociales qui structurent ces mobilités : si les circulations s’amplifient, elles n’offrent pas les mêmes opportunités en fonction du capital social, culturel ou économique dont les croyants sont dotés (Friedman, 2000 : 195-196). De même, la relativisation d’un certain nombre de frontières externes (confessionnelles, politiques ou sociales) ne peut faire oublier le poids de frontières internes qui contribuent à établir des lignes de différenciation et de distinction, voire de discrimination et de ségrégation (Fassin, 2012 : 15), au sein de la société ou des espaces religieux eux-mêmes. La complexité de ces processus oblige à envisager le religieux dans son imbrication avec le contexte social où il prend place, plutôt que comme un champ à distance de la vie sociale « ordinaire ». Plusieurs axes peuvent permettre de construire cette réflexion collective.
Axe 1. Où passent les frontières du religieux contemporain
Dans cet axe, on pourra notamment s’intéresser aux relations entre religion et nationalisme ; aux relations entre religion, ethnicité ou racialisation. Nous aimerions aussi examiner les dynamiques de dépassement et de renforcement des frontières sociales ou raciales qui travaillent chaque institution ou milieu religieux. Enfin, cet axe invite à porter l’attention aux logiques de distinction et de hiérarchie sociale qui structurent les pratiques religieuses individuelles.
Axe 2. Frontières, mobilités et autorité
On se demandera ici qui circule, qui « bricole » et quelles sont les régularités sociologiques à l’œuvre, au-delà d’une apparente autonomisation du religieux vis-à-vis des déterminations sociales. Dans le prolongement des sessions du dernier congrès (« Faire autorité : sociologie du pouvoir en contexte religieux »), nous nous intéressons à la pluralisation des normes en terrain religieux, à la manière dont les institutions s’efforcent de maintenir des frontières et d’encadrer les mobilités, notamment en reconfigurant les modalités du travail et de l’autorité institutionnels.
Axe 3. Questions de méthode : les catégories d’analyse du religieux
Enfin, dans une perspective plus réflexive, nous aimerions réfléchir aux enjeux méthodologiques que soulève la catégorisation de faits sociaux comme « religieux ». Compte tenu de l’imbrication de la pratique religieuse dans un ensemble de rapports sociaux, il s’agit ici de se demander ce qui distingue, d’un point de vue empirique, les faits religieux des faits sociaux « ordinaires » : plus qu’une donnée de départ, la religion ne peut-elle pas être considérée avant tout comme une catégorie socialement construite ? En croisant les concepts et les outils théoriques de la sociologie des religions avec les approches développées dans d’autres domaines de la sociologie générale, l’objectif est donc d’interroger aussi les limites de la spécificité religieuse et les frontières disciplinaires.
Références bibliographiques
Altglas, V., 2014. From Yoga to Kabbalah. Religious exoticism and the logics of bricolage, Oxford, Oxford University Press.
Fassin, D., 2012. Introduction à Les nouvelles frontières de la société française. Paris, La découverte, pp. 5-24.
Friedman, J., 2000. Des racines et (dé)routes. Tropes pour trekkers ». L’Homme 156, pp. 187-206.
Hervieu-Léger, D., 1993. La religion pour mémoire, Paris, éditions du Cerf.
Envoi des propositions de communication
Les propositions de communications, d’une demi-page à une page, doivent indiquer : nom et prénom du ou des auteur.e.s ; affiliation institutionnelle ; adresse email. Les propositions sont à déposer sur le site de l’AFS selon les modalités communes à tous les réseaux thématiques, avant la date limite fixée au 15 février 2019. La décision du comité d’organisation sera communiquée aux auteur.e.s fin mars 2019.
Le réseau thématique « Sociologie & religions » organise par ailleurs une session commune avec le réseau « Recherches en sciences sociales sur la sexualité ». Cet appel est consultable sur cette page:
Les réponses aux deux appels se font de manière distincte, en sélectionnant l’un ou l’autre appel sur la page du réseau ou dans la liste générale des appels.