Les médias, enjeux de pouvoirs – AAC du RT37 pour le Congrès 2017 de l’AFS

Les médias, enjeux de pouvoirs – AAC du RT37 pour le Congrès 2017 de l’AFS

Appel à communication pour les sessions du Réseau thématique « Sociologie des médias » (RT37)

VIIe Congrès de l’AFS (Amiens, juillet 2017)

 

Les médias, enjeux de pouvoirs

Dans le cadre du Congrès AFS 2017 sur « la sociologie des pouvoirs / pouvoirs de la sociologie », le Réseau Thématique Sociologie des médias (RT37) se donne pour objectif d’explorer les médias en les appréhendant comme des lieux où, d’une part, s’expriment et se légitiment le pouvoir de la classe dominante et, d’autre part, se développent des formes de résistances à celui-ci. Dans cette perspective, les propositions emprunteront l’une des quatre pistes suivantes : 

  1. Champs de productions culturelles de grande diffusion et champ du pouvoir

L’analyse des fondements des pouvoirs conduit à interroger les rapports que les champs de productions médiatiques entretiennent avec le champ du pouvoir. Ce dernier est entendu comme « l’espace des rapports de forces entre des agents ou des institutions ayant en commun de posséder le capital nécessaire pour occuper des positions dominantes dans les différents champs (économique ou culturel notamment) »[1] et « comme champ de lutte pour transformer ces rapports de force ou, à la limite, pour obtenir le pouvoir sur les différents pouvoirs »[2].

A ce titre, des contributions pourront porter sur les manières dont les agents et organisations occupant les positions hautes dans les champs politique, économique, bureaucratique (etc.) pèsent (ou s’efforcent d’y parvenir) sur les différents sous-espaces de productions de biens culturels de grandes diffusions, qu’il s’agisse du journalisme, des fictions, des divertissements (etc.), et quelques soient les enjeux et les modalités de cette recherche d’influence (réglementaires et législatives, économiques et financières, symboliques,…). Une attention particulière pourra être portée aux transformations que connaissent les différentes composantes de la classe dominante et à leurs retombées sur le fonctionnement et les luttes dans les différents espaces de productions médiatiques.

Cet axe interroge la place que la fraction dominante des champs de productions de biens culturels et symboliques occupe au sein du champ de pouvoir. Les propriétés sociales et les trajectoires des dirigeants de médias et d’organisations parties prenantes des univers médiatiques (chaînes, groupes de presse, sociétés de production, éditeurs, associations et syndicats professionnels, etc.), ainsi que leurs relations et espaces de sociabilités avec les autres composantes du champ du pouvoir constituent des terrains d’étude également susceptibles d’expliquer les processus de légitimation et de renforcement de l’ordre établi. Il serait pertinent de s’intéresser plus spécifiquement à la manière avec laquelle des agents et institutions (multi)positionnés à la frontière de différents champs, par la diversification de leurs activités (notamment médiatiques), leur rôle d’intermédiaires, et/ou la diversité des ressources accumulées, parviennent à se hisser dans le champ du pouvoir et à renforcer leur position. On pense notamment aux conglomérats et dirigeants des grandes firmes (de l’industrie, des BTP, des télécommunications, de la finance…) et à leurs investissements dans le domaine des médias.

Enfin, pris dans des processus de production et de médiation, les articles de presse comme de blogs, les séries télévisées comme les reportages, les retransmissions sportives ou encore les talk-shows révèlent des rapports sociaux de pouvoir (de classe, genre, race, d’âge, etc.). Pour analyser cette perpétuation de l’ordre des choses par les médias, il conviendra d’éclairer les conditions sociales de production des contenus en tenant compte des propriétés sociales, des représentations, des pratiques, des interactions et des contraintes des différentes catégories d’agents impliqués dans le fonctionnement des champs de productions médiatiques : des « auteurs » aux agents et institutions plus éloignés de la fabrication mais exerçant des formes d’influence à distance favorisant la perpétuation de ces discours. 

  1. Relations entre champs intellectuel et journalistique (session commune avec le RT27 « Sociologie des intellectuels et de l’expertise »)

Cette session commune est consacrée aux relations entre champs intellectuel et journalistique. Plusieurs axes de réflexion pourront être envisagés par les communications.

Les rapports entre champs journalistique et intellectuel pourront tout d’abord être envisagés sous un angle historique. En France, comme dans les pays anglophones, les différents champs intellectuels et le champ journalistique se sont notamment construit en s’autonomisant les uns vis-à-vis des autres dans le courant du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Des études de cas pourront revenir sur les formes prises par ce processus de différenciation et sur ses effets de long terme sur la structuration de ces différents champs, et dans leur relation au champ du pouvoir. On pourra se demander si le même processus s’observe dans d’autres pays ou s’il est possible d’observer des configurations différentes dans d’autres contextes politiques ou nationaux. En ce qui concerne la période plus contemporaine, on pourra enfin étudier ce que le développement des sciences humaines et sociales ont fait à la profession de journaliste (conditions d’entrée dans la profession, définition des différentes spécialités, méthodes d’investigation et recours aux « experts » etc.), notamment pour l’intériorisation de schèmes d’analyse et d’interprétation du monde social susceptibles de remettre en cause l’ordre établi et les fondements des pouvoirs.

Un second ensemble pourra porter sur les interventions des intellectuels (écrivains, philosophes, économistes, historiens, sociologues, essayistes etc.) dans les médias. Celles-ci peuvent être réinscrites au sein de la question plus large des modalités d’intervention des intellectuels au sein de l’espace public et des rapports entre autonomie intellectuelle et engagement. Elles peuvent également être interrogées du point de vue du fonctionnement propre aux champs journalistique et médiatiques (quelles logiques sous-tendent le recours aux « experts » de la part des journalistes ou la publication de tribunes d’intellectuels ? Etc.).

L’étude des interactions entre intellectuels et journalistes peut enfin permettre de réfléchir à une sociologie comparée des champs intellectuel et journalistique. Les modèles de champ ayant largement été élaborés à partir des cas des champs religieux, littéraire ou académique, on pourra se demander jusqu’à quel point ils sont transposables encore aujourd’hui à l’analyse du journalisme et des médias. L’opposition structurante au sein des autres champs de production symboliques entre un pôle autonome (où prime la reconnaissance par les pairs) et un pôle hétéronome (où prédomine des formes de reconnaissance externes) permet-elle de rendre compte des oppositions propres au champ journalistique ? Autour de quel « capital spécifique » se définit ce dernier ? En quoi l’objectivité revendiquée par le discours scientifique, et la neutralité journalistique diffèrent-elles ? Etc. La pertinence de cette grille d’analyse du fonctionnement des univers de productions opposant un pôle autonome et un pôle hétéronome pourra également être questionnée pour d’autres sous-espaces de productions médiatiques, notamment celui des fictions. 

  1. Contrepouvoirs médiatiques et résistances aux médias

La question du pouvoir en sociologie des médias invite à interroger les différentes formes de résistances susceptibles d’être opposées aux pratiques et représentations dominantes dans le fonctionnement des médias et dans les discours diffusés par ceux-ci.

Les pratiques de réception et les usages pourront constituer un premier domaine d’analyse de ces formes d’imperméabilité ou de critique. L’idée que les individus développent, selon leurs positions sociales, des capacités de résistance par rapport aux médias n’est pas nouvelle. Elle peut être réinterrogée à l’aune des pratiques des amateurs, notamment en termes de détournement des contenus, de redistribution des activités créatives entre consommateurs et producteurs et d’évolution des usages des dispositifs médiatiques, notamment numériques, dans l’expression des goûts. Les communications pourront ainsi s’attacher à décrire des pratiques de distanciation plus ou moins vives prises dans différents contextes sociaux de réception et d’usages des médias.

Le regard pourra également se porter sur les différentes mobilisations contre l’hégémonie des médias dits traditionnels (eux-mêmes soumis à des luttes internes à analyser). Il convient d’interroger l’élargissement de l’espace des producteurs et les stratégies qu’il recouvre. Les productions médiatiques (blogs, vidéos youtube, séries télévisées, reportages, retransmissions sportives, talk-shows) peuvent également constituer des formes de contestation de l’ordre social. Il conviendra là encore d’en éclairer les conditions sociales de production en tenant compte des propriétés sociales, des représentations, des pratiques des acteurs. Les propositions portant sur l’étude des contenus médiatiques devront articuler ces « produits finis » avec les différents moments de la médiation médiatique, qu’il s’agisse de la production ou de leur réception. 

  1. Sociologie de la croyance dans le pouvoir des médias sur les individus

Le pouvoir des médias repose notamment sur l’emprise objective exercée sur les autres espaces sociaux. Il repose également en une très forte croyance dont il s’agit de questionner les fondements sociaux.

L’idée selon laquelle les médias, la communication et la culture auraient des effets puissants sur ce que les individus pensent et font, représente sans doute l’un des lieux communs les plus coriaces et répandus. Ce poncif fait le jeu de l’idéologie néo-libérale et alimente régulièrement la rhétorique des groupes politiquement dominants. Il est aussi au principe de beaucoup de discours critiques sur les médias. Cet axe se propose d’interroger les ressorts sociaux du succès de cette croyance médiacratique qui trouve une caution académique dans tous les écrits universitaires reprenant à leur compte les questionnements très politiques et très peu scientifiques des effets des médias.

Les contributions pourront donc renseigner l’ancrage et les fonctions sociales des dispositifs qui banalisent la croyance dans le pouvoir des médias. Il peut s’agir de savoirs d’Etat tels que ceux produits par certains psychosociologues de la communication, d’instruments de gouvernement comme les enquêtes d’opinion et les actions publiques communicationnelles qu’elles accréditent, ou encore de corpus de connaissance enseignés dans les écoles de communication ou de journalisme.

Il sera également intéressant d’étudier les usages sociopolitiques de la croyance dans le pouvoir des médias sur les « gens ». Que nous disent ces discours médiacratiques sur les agents qui les véhiculent ? Enfin, seront bienvenus les travaux portant sur les rapports des individus socialisés à cette croyance. On pose l’hypothèse qu’étant produite et soutenue essentiellement au sein des catégories sociales (intermédiaires et) privilégiées, elle s’exprime différemment selon les contextes sociaux.

Cet axe cherchera donc à reformuler sociologiquement la question du pouvoir des médias sur les individus, et ce dans une perspective fidèle aux acquis des sciences sociales qui ne cessent de confirmer les déterminations collectives des processus d’appropriation des biens symboliques et de formation des points de vue. 

Modalités de soumission

Les propositions de communication (environ 5000 signes, espaces compris) devront comporter :

– une présentation de la thématique proposée, de son lien avec la problématique sociologique de l’appel à communication, et de l’axe auquel elle se rapporte ;

– une présentation du terrain et de la démarche empirique mis en œuvre ainsi que du cadre théorique d’analyse mobilisé ;

– quelques références bibliographiques.

Elles devront être envoyées en document word ou openoffice par courriel au plus tard le 13 février 2017 à karim.souanef@univ-lille2.fr et jerome.berthaut@u-bourgogne.fr, avec comme objet du message « RT37 proposition congrès AFS ».

 

Merci de répondre aux normes suivantes :

– Nom, prénom du/des auteur-e-s

– Institution de rattachement

– Adresse mail

– Titre de la communication

– Résumé de la proposition

– Intitulé de l’axe dans lequel s’inscrit la proposition

Les propositions de communication feront l’objet d’une évaluation en double aveugle par les membres du comité scientifique.Les auteurs seront notifiés des résultats de la sélection des propositions début mars 2017. Des conseils pourront alors leur être transmis quant à l’intégration de leur communication dans la problématique des sessions.

Pour les propositions retenues, un résumé de 1500 signes sera demandé pour le site du Congrès de l’AFS début mars.Les textes définitifs (45 000 signes, espaces compris) devront être remis au plus tard le 5 juin 2017.

Comité scientifique et d’organisation :

Anne-Sophie Beliard, Jérôme Berthaut, Jean-Baptiste Comby, Benjamin Ferron, Coralie Le Caroff, Sarah Lécossais, Muriel Mille, Colin Robineau, Karim Souanef

 

[1] Bourdieu Pierre, « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, 89, 1991, p. 3-46.

[2] Bourdieu Pierre, « Champ du pouvoir et division du travail de domination », Actes de la recherche en sciences sociales, 190, 2011, p. 126-139.

 

Voir le programme

 

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