03 Juil AAA Terrains & Travaux – « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes »
Nous avons le plaisir de vous informer de la mise en ligne d’un appel à contributions de la revue Terrains & Travaux : « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes », qui restera ouvert jusqu’au 16 février 2024.
Vous trouverez l’appel ici et ci-dessous
A vos claviers !
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AAA « Rétribuer, inciter, dédommager : les compensations financières et matérielles dans les enquêtes
Alors que l’argent a longtemps été un impensé dans la pratique de l’enquête en sciences sociales, de nombreuses recherches questionnent aujourd’hui ses multiples usages, ses significations, ses effets, mais aussi ses frontières avec d’autres formes de rétributions matérielles. Plusieurs expressions existent pour qualifier ces pratiques diversifiées : payer, rétribuer, rémunérer, inciter ou « incentiver », dédommager, compenser, fidéliser, remercier les enquêté·es. On peut aussi penser aux nombreuses pratiques de don ou contre-don engagées à ces mêmes fins et qui ont une dimension matérielle : offrir un café, payer des services (course en taxi, location d’un logement, repas au restaurant…) ou offrir les siens (woofing par exemple). Pourtant, peu de travaux ont été menés à ce jour pour proposer une réflexion collective, systématique et pluridisciplinaire sur ces pratiques.
Au-delà des enquêtes en sciences sociales, la rétribution des enquêté·es est également un enjeu dans d’autres domaines académiques, en sciences du vivant par exemple. Elle l’est aussi dans le cas de la recherche clinique, et c’est par ailleurs une pratique à l’œuvre dans des univers professionnels lucratifs plus éloignés de la production scientifique (enquêtes marketing…). Il semble dès lors intéressant d’examiner aussi la rencontre entre ces différentes pratiques, issues d’univers variés, en étudiant les conditions de circulation ou de cloisonnement des pratiques de rétribution d’un univers à l’autre, ainsi que les modalités et les effets de leur appropriation.
Dans cette perspective, ce numéro de terrains & travaux entend réunir des contributions en sciences sociales consacrées aux incidences de l’argent et des autres rétributions matérielles sur les situations d’enquête. Il rassemblera ainsi non seulement des contributions de nature méthodologique et épistémologique (dans lesquelles les auteurs et autrices mettront au cœur de l’analyse leur propre expérience réflexive de la rétribution des enquêté·es), mais aussi des contributions originales à partir de recherches prenant ces diverses enquêtes pour objet.
Les propositions attendues pour ce dossier présenteront de manière problématisée les circulations d’argent et d’autres biens matériels à destination des personnes participant aux enquêtes quantitatives et qualitatives. Il s’agira, sur la base de matériaux empiriques explicitement présentés et intégrés à la démonstration, d’examiner les implications méthodologiques, analytiques, éthiques, voire sociales de ces rétributions. Ces implications peuvent renvoyer à un ou plusieurs des axes suivants.
1. Rétribuer pour recruter
Un premier axe renvoie à ce que l’annonce d’une rémunération fait au recrutement des enquêté·es. Dès lors que la rémunération des enquêté·es se pratique dans les univers lucratifs (enquêtes de consommation, démarchages commerciaux…) ou dans ceux de recherche appliquée (études cliniques…), une question devient de plus en plus prégnante dans des mondes traditionnellement moins familiers de cette pratique : faut-il dédommager des enquêté·es pour garantir un bon taux de participation à l’enquête ? Est-ce d’autant plus nécessaire qu’on cherche à avoir accès à certains groupes fortement précarisés, à faibles revenus ou difficiles à joindre ? Inversement, dans quelle mesure la rétribution des enquêté·es présente-t-elle le risque d’introduire des biais dans leur recrutement ?
Il pourra s’agir ici de réfléchir également à la question de la rétribution des enquêté·es en la liant étroitement à l’examen des caractéristiques des enquêtes (pourquoi la rémunération paraît-elle plus ajustée à certains types d’enquêtes qu’à d’autres ?). On pourra aussi réfléchir à la façon dont la rétribution est pensée pour résoudre certaines difficultés identifiées par les concepteurs des enquêtes, qu’il s’agisse de difficultés matérielles (comment faire transiter de telles rétributions ?), de difficultés symboliques (comme s’affranchir de la souillure de l’argent ?), ou encore de difficultés légales (comment rétribuer sans salarier ?). C’est ainsi qu’on examinera le marquage social de la rétribution à travers la forme qui lui est donnée (bons cadeaux, chèques, dons en nature…). Enfin, on pourra étudier ici comment les pratiques de rétribution s’articulent avec d’autres leviers incitatifs déjà mobilisés (portée de la recherche sur la situation personnelle de l’enquêté·e, sens de l’intérêt public, intérêt intellectuel, moment d’introspection, etc.).
2. Les effets sur la relation d’enquête et la qualité des données
Au-delà des effets que la rétribution peut avoir sur la structure de la population enquêtée, en accentuant par exemple la participation de certaines populations, ce deuxième axe propose d’examiner les effets de la rétribution sur la relation d’enquête et sur la « qualité » des données collectées.
Pendant l’enquête, certains échanges matériels peuvent clarifier et fluidifier les relations avec les enquêté·es. Mais ils peuvent également introduire de la gêne, des biais, porter à confusion ou encore donner prise à l’affirmation de rapports de domination entre enquêteur·trices et enquêté·es. Alors que l’effet de ces rétributions dépend des conditions sociales de la population enquêtée (on ne rétribue pas de la même manière les personnes sans domicile et les classes supérieures), comment peut-on déceler ces effets et le cas échéant, comment les enquêteur·trices composent-ils et elles avec eux ?
Ensuite, la rétribution peut modifier le rapport de l’enquêté·e à l’enquête. Les enquêté·es auraient-elles et ils, par exemple, consacré le même temps, la même énergie sans dédommagement prévu ? Se seraient-elles et ils autrement impliqué·es, appliqué·es ? Peut-on constater une accentuation de la désirabilité sociale, poussant l’enquêté·e à la dissimulation ou à la modification des informations fournies ? Il apparaît donc nécessaire de s’interroger aussi sur ce que la rétribution produit sur les motivations et sur le contenu des réponses apportées par les enquêté·es. Peut-on ainsi parler d’un contexte de professionnalisation de la condition de l’enquêté·e ? Si l’on rétribue le temps que ceux-ci consacrent à l’enquête, cette participation ne serait-elle pas assimilée à une relation salariale ou commerciale ? Et dans quelle mesure les rétributions monétaires altèrent-elles le consentement et la libre participation des enquêté·es ?
3. Quelles spécificités du monde académique ?
Le risque de biais de recrutement comme celui de l’altération de la qualité des données concernent a priori toutes les enquêtes, qu’elles émanent du monde académique ou des autres secteurs (sondages, marketing…). À cet égard, les deux premiers axes de l’appel seront déjà l’occasion d’interroger les spécificités du monde académique dans la prise en considération de ces enjeux.
Par ailleurs, le recours aux dédommagements pose de manière impérative la question du financement des enquêtes. On pourrait donc réfléchir, d’abord, en termes de différence de moyens entre ceux dont dispose la recherche publique et ceux dont bénéficient les instituts privés de sondages ou les enquêtes d’opinion financées par certain·es acteur·rices du monde économique. Quel est le modèle économique de ces organismes privés ? La pratique de la rémunération est-elle compatible avec les contraintes financières du monde scientifique ? Est-il à la portée de toutes et tous ou est-il l’apanage de projets de recherche de grande ampleur bénéficiant de financements importants ? Quel serait, si le recours aux rétributions venait à se développer, le devenir des recherches de moindre envergure ou plus faiblement dotées, comme c’est le cas par exemple des thèses ? Quel serait ainsi l’impact plus général de ces pratiques sur la demande et les sources de financement ainsi que sur l’organisation de la recherche ?
De telles considérations conduisent donc à réfléchir aussi aux effets plus structurels que peut avoir l’essor de ces pratiques sur le champ académique. Dans quelle mesure la rétribution des enquêté.es, jusqu’ici souvent perçue comme contraire aux canons de la recherche en sciences sociales, mais usuelle dans d’autres domaines comme l’épidémiologie, tend-elle à s’imposer comme nouvelle norme dans les pratiques d’enquête ? Et dans ce cas, quelles sont les forces qui oeuvrent en sa faveur ou, à l’inverse, les résistances qui peuvent s’exprimer et les arguments qui sont alors mobilisés ?
Ce numéro réunira des articles empiriques originaux de sciences sociales (sociologie, science politique, anthropologie, économie, géographie, histoire, etc.). La mise en regard de plusieurs disciplines y sera particulièrement encouragée afin d’enrichir la réflexion sur ces usages mais aussi sur les normes scientifiques qui les bornent, parfois à des degrés divers. Dans la même perspective, les études de cas internationaux seront aussi les bienvenues.
Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).
Ils devront parvenir aux coordinatrices du numéro avant le 16 février 2024 aux adresses suivantes :
• Stéphanie Abrial : stephanie.abrial@iepg.fr
• Pauline Barraud de Lagerie : pauline.barrauddelagerie@dauphine.psl.eu
• Margot Delon : margot.delon@univ-nantes.fr
• Laure Hadj : laure.hadj@u-picardie.fr
• Efi Markou : markou@ined.fr
Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site de la
revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme
terrains & travau