Les relations professionnelles ont constamment fait l’objet de conceptions diverses voire concurrentes. L’approche marxiste et les différents courants qui s’en inspirent insistent surtout sur la dimension conflictuelle des relations professionnelles qui reflète – tout en la déformant – l’opposition d’intérêts entre les directions d’entreprise d’une part et les salariés d’autre part. Cependant, l’institutionnalisation grandissante des organisations syndicales, le développement des instances représentatives du personnel et l’encouragement répété à la négociation collective entre les représentant.es de direction et des salarié.es concourent ensemble à établir l’espace des relations professionnelles comme un cadre de circulations d’idées, de savoirs, de pratiques voire de valeurs. À cet égard, la promotion récurrente du « dialogue social », que ce soit par le législateur ou par les acteurs syndicaux eux-mêmes, illustre bien comment les relations professionnelles sont de plus en plus appréhendées comme un espace d’échanges.
Comment définir les interactions entre ceux qui représentent le patronat et les représentant.es de salarié.es ? Circulation ou domination ? Échange ou confrontation ? Ces tensions ne s’observent pas seulement dans les différentes approches théoriques des relations professionnelles, mais également, au quotidien, dans les pratiques de régulation, de contestation ou d’appropriation des conditions de travail et d’emploi des salarié.es. Le 10
e congrès de l’Association française de sociologie sera l’occasion d’étudier comment ces notions permettent de décrire les évolutions récentes des relations professionnelles. Il s’agira en particulier d’appréhender les effets de la crise sanitaire, des récentes réformes du Code du travail et plus généralement des mutations des systèmes productifs sur les régulations sociales en entreprise, le syndicalisme et les conflits du monde du travail. Pour ce faire, le RT18 privilégie six axes de réflexion (les deux premiers sont présentés ici, les quatre autres correspondent à des sessions croisées avec d'autres RT).
Axe 1. Les enjeux de l’intersectionnalité pour l’analyse des relations professionnelles et du syndicalisme
Les études sur le syndicalisme et les relations professionnelles ont historiquement mis au centre de leurs problématiques une population composée d’hommes, blancs et valides. Pour autant, des travaux plus récents analysent aussi l’engagement syndical des femmes et des minorités raciales à partir des outils des études de genre et de l’intersectionnalité, afin de prendre en compte conjointement les rapports sociaux de sexe, de race et de classe. Dans cet axe, nous proposons de discuter de l’apport de ces approches dans l’étude du syndicalisme et des relations professionnelles. De quelle manière les différents rapports de domination et leur combinaison permettent de rendre compte des mécanismes de l’engagement et du désengagement syndical ainsi que de la relation entre représentant·es syndicaux·ales et travailleur·ses ? Cette lecture éclaire-t-elle à nouveaux frais les interactions entre travailleur·ses, militant.es syndicaux et les directions des entreprises ? Comment ces outils sont-ils mobilisés pour construire une problématique ou pour analyser un terrain ayant trait au syndicalisme, notamment dans des secteurs d’activités marqués par le sexisme et/ou le racisme structurel ? En quoi les outils fournis par ces courants théoriques permettent d’appréhender les freins et les obstacles à l’engagement syndical des travailleur·ses, mais aussi de saisir les dynamiques d’émancipation ?
La position occupée par le ou la chercheur·e, à l’intersection entre plusieurs rapports de domination peut également faire l’objet de communications qui souhaiteraient montrer en quoi, l’expérience d’un·e chercheur·e socialement considéré·e comme homme ou femme racisé·e ou pas, valide ou en situation de handicap a un effet sur la manière de mener des recherches aussi bien sur le plan épistémologique que méthodologique.
Axe 2. Circulations des causes et des modes d’action
L’espace des relations professionnelles, ainsi que le champ syndical et l’espace des organisations patronales qui le composent en partie sont, à l’instar, d’autres espaces sociaux, lieux de multiples circulations. Cet axe s’attache justement à saisir les circulations des causes et des modes d’action ainsi que les logiques sociales qui les sous-tendent, entre ces trois espaces et d’autres. Ces circulations peuvent être accomplies localement, nationalement, ou selon des processus transnationaux.
Ces circulations sont tout d’abord celles des causes. Ces causes peuvent prendre différents degrés de généralité (la cause des travailleur.ses, des femmes, des minorités raciales, environnementale, etc. ou des revendications plus précises), et se retrouver inscrites dans des supports pluriels (résolutions de congrès syndicaux, tracts, pétitions, pancartes, dispositifs divers, etc.). Comment les causes sont-elles construites, circulent-elles et sont appropriées par les militant·es syndicaux ? Comment sont-elles retravaillées par les interactions qui se déploient au sein de l’espace des relations professionnelles (entre syndicats et directions d’entreprise par exemple) ? Comment les militant·es syndicaux·les se saisissent et participent de causes portées au sein d’autres espaces (espace des mouvements sociaux, monde associatif, champ politique, etc.) ? Que font les circulations des causes dans d’autres espaces que les relations professionnelles aux causes elles-mêmes ? Quelles opérations de traduction cela implique ? Comment les causes s’agencent-elles ou entrent-elles en concurrence entre elles (par exemple, la cause environnementale face aux problématiques d’emploi et de compétitivité) ?
Ces circulations sont ensuite celles des modes d’action au sein des organisations syndicales et entre organisations syndicales et non syndicales. Souvent étudié selon les oppositions binaires ancien/ moderne, contestataire/non contestataire, individuel/collectif, le répertoire d’action syndical témoigne également de continuum - et donc de circulations -, par exemple, entre les actions contestataires et non contestataires. Comment le répertoire d’action syndicale combine des modes d’actions
a priori jugés opposés ? Dans quelle mesure ce répertoire d’action est-il autonomisé de celui d’autres espaces militants ? Comment expliquer les importations et réappropriations de modes d’action entre organisations qui pourraient paraître au premier abord éloignées ?
La circulation des causes et des modes d’action interroge tout particulièrement les acteurs·trices qui les font circuler. Ces militant·es cumulent-elles et ils engagements au travail et hors travail ? Quelles sont leurs propriétés en termes de classe, de genre, de race, etc. ? Quelle place occupent-elles et ils dans les appareils syndicaux ?
Les
propositions de communication devront s'appuyer sur des enquêtes empiriques solides, qualitatives ou quantitatives. Elles préciseront la démarche de recherche adoptée. L’analyse de cas étrangers ou la comparaison internationale sont les bienvenues.
Les propositions de communication devront compter environ 3 000 signes et être déposées sur le site de l'Association française de sociologie avant le
31 janvier 2023. Elles doivent impérativement indiquer le ou les axes dans lesquelles elles peuvent s’insérer.
https://afs-socio.fr/congres/lyon-2023/
Afin d’organiser la discussion scientifique, les auteurs et autrices des propositions acceptées devront envoyer une version détaillée de leur contribution (30 000 à 50 000 signes tout inclus) avant le
2 juin 2023.