Congrès de l’Association Française de Sociologie 2023
« Intersections, circulations »
4 - 7 juillet 2023 à Lyon
Appel à communications du RT9 - Sociologie de l’urbain et des territoires
Si les réflexions relatives à la place qu’il convient de laisser à l’espace - ou de revendiquer pour celui-ci - dans l’analyse sociologique sont anciennes, la thématique du 10
e congrès de l’Association Française de Sociologie (« Intersections, circulations ») est une l’occasion de les revisiter à nouveaux frais. Interroger les phénomènes urbains et ruraux à partir des notions d’intersection et de circulation peut en effet engager l’analyse sociologique dans une série de directions esquissées dans les quatre axes de cet appel. Le réseau propose aux contributeurs et contributrices de réfléchir à partir de ces questionnements, mais accueillera également des communications portant sur d’autres enjeux centraux de la sociologie de l’urbain et des territoires.
Axe 1. Circulations spatiales, circulations sociales
La thématique du congrès amène en premier lieu à interroger les croisements entre deux types de circulations : sociales et spatiales. Bien que la sociologie urbaine et la sociologie rurale aient traditionnellement reposé sur des enquêtes localisées, elles ont communément été attentives aux effets des déplacements spatiaux sur la morphologie sociale des territoires et réciproquement. L'analyse de ces processus a d'ailleurs occupé une place importante dans le développement de ces deux champs de recherche et a contribué à les mettre en dialogue, des études de l’École de Chicago sur la mobilité résidentielle aux études d'Henri Mendras sur l'exode rural. Depuis les années 2000, un ensemble de travaux étudiant les classes sociales à partir des pratiques urbaines et rurales a permis de rouvrir cet échange en montrant comment les déplacements dans l'espace géographique pouvaient s'articuler à des processus de déclassement ou de reclassement social. L'attention portée à la dimension spatiale des positions sociales permet par ailleurs de mettre en évidence les ressources que les groupes sociaux tirent, différentiellement, de l'ancrage local ou de la mobilité.
Alors qu’est annoncé depuis une trentaine d’années un tournant interdisciplinaire ou « post-disciplinaire » des sciences humaines et sociales vers la mobilité spatiale sous forme d’un
spatial turn, comment articuler ce changement de paradigme aux travaux classiques tant de sociologie urbaine ou rurale que de sociologie des mobilités sociales ? Alors que la notion de « trajectoire » a plutôt conduit à étudier la dimension temporelle et biographique des déplacements, dans quelle mesure celle de « circulation », entendue comme mouvement continu fait d'allers-retours ou de déplacements successifs d'un espace à un autre, permet-elle d'enrichir les analyses et de renouveler le questionnement concernant les rapports entre position spatiale et position sociale ? Comment les travaux récents contribuent-ils à mieux appréhender les significations sociales des migrations et mobilités internationales, ainsi que leurs effets sur les positions sociales.
Pour s’inscrire dans ces réflexions, les communications sont invitées à montrer comment les trajectoires sociales et les trajectoires spatiales sont partiellement déconnectées et reconnectées, sous l’effet par exemple du télétravail, de la multi-résidentialité, des migrations successives ou des déplacements pendulaires. Dans le prolongement des travaux sur la socialisation à et par la mobilité, elles pourront se demander dans quelle mesure les circulations géographiques entre lieux, quartiers, villes, régions ou pays participent à une renégociation permanente des rôles sociaux. Il s’agira également de s'intéresser à la manière dont l’obtention ou la privation de différents types de ressources sociales, économiques et culturelles (re)mettent régulièrement en jeu des déplacements géographiques, proches ou lointains ; ou à la façon dont les variations de capacités des personnes à se déplacer physiquement conditionnent la circulation entre différents mondes sociaux.
Axe 2. Circulations sous contraintes
Dans le prolongement du premier axe, le RT9 souhaite mettre l’accent sur la manière dont les circulations spatiales répondent à des enjeux globaux. Couplé à l'épidémie de Covid-19, à la guerre en Ukraine et à la crise énergétique, le changement climatique actuel contribue à interroger les formes de circulation dans les espaces urbains et plus largement les infrastructures et les modes de vie. Face au réchauffement et à l'artificialisation des sols, les ressources énergétiques associées aux mobilités individuelles sont remises au centre du débat public, que ce soit à propos des déplacements élitaires en jet privé, du futur de la voiture électrique ou des inégalités d’accès au carburant et aux transports en commun.
Le RT9 invite dès lors à s’intéresser à la manière dont les injonctions à la mobilité entrent en contradiction avec l’impératif de sobriété. Il s’agit de se pencher sur les conditions de possibilité de la circulation des biens et des personnes, ainsi que d’examiner les luttes dont elles font l’objet. Dans quels systèmes de contrainte s’inscrivent les mobilités des différents groupes sociaux ? Dans quelle mesure la crise écologique et l’augmentation du coût de la vie conduisent-elles à renforcer les situations de circulations contraintes ou imposées d’un côté, et d’assignation à l’immobilité de l’autre ? En s’attachant aux légitimités associées aux circulations, les communications pourront analyser les effets de ces enjeux globaux sur les processus de valorisation et de dévalorisation de certaines pratiques de déplacement, en se penchant par exemple sur les usages distinctifs de l’avion, de l’automobile ou du vélo. Les communications élargissant la réflexion aux déplacements imposés par des logiques industrielles (logistique, transport, BTP), ou encore à l’articulation entre mouvements dans l’espace et échanges virtuels seront également particulièrement appréciées.
Ce deuxième axe permet enfin de s’interroger sur les réponses apportées aux contraintes pesant sur les mobilités. D’un côté, la technologie promet de lever tous les freins à la croissance et d’augmenter l'intensité des flux de personnes, de biens, d’informations et de capitaux. De l’autre, on peut observer de fortes remises en cause d’un développement urbain guidé par un modèle économique néo-libéral. Comment ces réponses à la crise sont-elles construites, mises en œuvre et négociées par les professionnels et professionnelles de l’urbain ? Quels effets ont-elles sur les pratiques individuelles ordinaires ? Comment les préoccupations écologiques transforment-elles concrètement les manières de se déplacer ?
Axe 3. Quelle place pour l'espace dans l'approche intersectionnelle ?
Alors que le triptyque « classe/genre/race » se trouve au cœur des travaux se revendiquant de l’approche intersectionnelle, accompagné dans un certain nombre de cas par la variable de l’âge, les recherches portant sur les dimensions spatiales du social semblent plus que susceptibles d’aider à comprendre comment les rapports de domination s’entrecroisent. On pense ici notamment à la longue tradition de recherche sur la ségrégation résidentielle, qui contribue à éclairer la façon dont s’articulent et s’imbriquent, de manière distincte selon les contextes, les rapports de classe, de genre et de race.
Plus largement, de nombreux travaux en sociologie urbaine cherchent à interroger et documenter le poids relatif de l'espace dans l'explication et la compréhension des comportements sociaux, comme en témoignent les débats et les controverses autour des « effets de quartier » ou des « effets de lieu ». Comment ces réflexions sur les effets sociaux de l’espace peuvent-elles s'articuler aux travaux revendiquant une approche intersectionnelle ? Si les approches intersectionnelles cherchent à élargir la prise en compte des types de domination et de rapports sociaux, quel rôle attribuent-t-elles à l'espace ? Ce dernier est-il, au même titre que les rapports de genre ou de race, à l'origine de rapports de domination à la fois spécifiques et croisés aux autres formes de domination ? S’agit-il, au contraire, d'une dimension mineure ou reflète-t-il d'autres formes de domination ?
En retour, on peut s’interroger sur la manière dont la sociologie de l’urbain et des territoires mobilise ou se situe vis-à-vis du concept d'intersectionnalité, et comment cela se traduit empiriquement dans la conduite des recherches comme dans les résultats. Le RT9 encourage des communications qui reviennent sur les dimensions théoriques, épistémologiques et méthodologiques de ces questions. Des réflexions sur la place des questions spatiales dans les courants intersectionnels et la façon dont les « rapports sociaux d'espace » y apparaissent plus ou moins centraux seraient particulièrement appréciées. Inversement, les réflexions pourront porter sur l'influence des approches intersectionnelles dans la sociologie urbaine et les études urbaines, en France comme dans d'autres contextes. Au-delà de cette entrée en partie théorique, les communications pourront proposer des résultats d'enquête mettant en relief, d'une part, les dimensions spatiales de rapports sociaux intersectionnels, d'autre part, l'intérêt de la prise en compte des dominations croisées en sociologie urbaine.
Axe 4. Circulation des savoirs sur l'urbain
Si les congrès de l'Association Française de Sociologie s'adressent en priorité aux sociologues, des contacts, échanges et collaborations s’y nouent entre disciplines et font de ces rencontres des espaces de dialogue plus interdisciplinaires que leur titre ne le laisse penser. Au cœur de ces échanges, les questions spatiales et urbaines semblent avoir une place singulière, la sociologie de la ville, de l’espace et des territoires s’étant constituée dans le dialogue avec les autres disciplines de l’urbain : la géographie, l’urbanisme et l’aménagement, l’architecture, mais aussi l’histoire, les sciences politiques, l’anthropologie, ou encore la démographie.
Au niveau international, les
urban studies et les
housing studies produisent
de facto des formes de pluri et d’interdisciplinarité. Quelle place la sociologie urbaine française accorde-t-elle aujourd’hui aux concepts, méthodes et approches issus de ces autres disciplines ? Inversement, quelle est la place donnée aujourd’hui à la sociologie dans les disciplines voisines ? Au-delà du constat des liens entre disciplines, quelles sont les modalités (importation, adaptation, bricolage) des transferts théoriques et méthodologiques entre disciplines ?
L'objectif de ce quatrième axe est de questionner, au travers de réflexions théoriques ou de cas empiriques précis, les jeux de frontières, de complémentarités ou à l'inverse de chevauchements disciplinaires qui peuvent émerger autour d’un objet et/ou au cours d'une enquête. Le RT9 invite les communications à embrasser les perspectives historiques relatives à la constitution de disciplines, aux conflits internes ou externes et aux mutations progressives voire récentes des frontières méthodologiques, théoriques ou relatives aux objets étudiés.
Cet axe vise également à réfléchir à la construction des savoirs sociologiques en dehors des arènes académiques. Dans un contexte d’incompréhension fréquente des finalités des sciences sociales, quels sont les espaces de dialogue entre savoirs experts (académiques ou non) et savoirs profanes ? Quelle(s) place(s) donne-t-on aux habitants et habitantes, aux travailleurs et travailleuses, aux citoyennes et citoyennes, aux acteurs publics dans la construction des résultats de la recherche ? La dimension « critique » des savoirs peut-elle être comprise comme un outil pour mieux interpréter les limites des politiques publiques ? Dans un contexte de conflictualité sociale et politique accrue, de crise sanitaire et environnementale, comment et avec qui les sociologues mènent-ils des recherches-actions ou des recherches participatives ? Quels rôles les savoirs militants sur les quartiers populaires et les luttes urbaines peuvent-ils jouer ?
Comment proposer une communication ?
Les propositions de communication (3000 signes maximum, espaces compris, hors bibliographie) sont à déposer avant le 31/01/2023 sur le site de l’AFS. Elles devront impérativement contenir les informations suivantes :
- Nom, Prénom
- Institution de rattachement
- Adresse mail de contact
- Axe(s) souhaité(s)
- Titre de la communication
- Résumé de la communication.
Les propositions devront indiquer clairement l’objet de la présentation et la manière dont celle-ci s’inscrit dans les axes thématiques proposés dans l’appel, ainsi que les méthodes et le type de matériaux mobilisés.
Contacts et renseignements : rt9afs@gmail.com
Le Bureau du RT9
Eliza Benites-Gambirazio (ENS Paris-Saclay/IDHES - coresponsable du RT9
Karl Berthelot (EHESS/Géographie-Cités)
Isabelle Bruno (Université de Lille/CERAPS)
Audrey Chérubin (Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle/CREDA)
Garance Clément (Université de Genève/IRS – EPFL/LaSUR) - coresponsable du RT9
Anaïs Collet (Université de Strasbourg/SAGE)
Eleonora Elguezabal (INRAE/IRISSO)
Colin Giraud (Université Paris-Nanterre/CRESPPA-CSU)
Laura Guérin (CNRS/IMAF - Université Paris 8/LAVUE)
Lydie Launay (Institut national universitaire Champollion/LISST)
Clément Rivière (Université de Lille/CeRIES)
Thomas Sigaud (Université de Tours/CITERES) - coresponsable du RT9
Cécile Vignal (Université de Lille/Clersé)