RT23

Gérer les Cycles : techniques du corps et technologie du soi

Appel à communication section commune des

RT 23 Travail, activité, technique & RT41 Corps, techniques et société

Comme le suggèrent les appels des RT 23 et 41, le corps circule dans l’activité et fait circuler les activités. Les infrastructures techniques qui organisent les activités productives balisent les mouvements corporels  ; de même, dans sa matérialité organique le corps circule entre les « mains » d’expert·e·s différent·e·s qui le transforment et en déplacent les frontières. D’autre part c’est en consentant à un effort physique que les personnes changent d’activités en circulant dans leurs engagements multiples  ; et ce sont les usages sociaux constamment renouvelés des corps qui font circuler des savoirs et des techniques. Mais le corps lui-même est un ensemble de « circulations », de la cellule jusqu’aux organes, qu’il soit sain ou malade : sang, globules rouges ou blancs, aliments, nutriments, oxygène, CO2, virus, bactéries, métastases, etc. Il est pris également dans un rythme interne, le faisant évoluer au fil des jours, mois, années, parfois de façon cyclique. L’histoire de la physiologie est riche d’images de « cycles » et de « rythmes circulaires » qui inscrivent le corps dans son environnement : horloge biologique, cycle de la vie, cycle de la cellule, cycle de la bile, système circulatoire… La centralité du mouvement circulatoire dans l’activité organique a largement influencé les lectures sociales et anthropologiques des usages socioculturels des corps. Ainsi l’eurythmie ou l’arythmie entre circulation sociale de l’activité (notamment dans le travail et dans les déplacements urbains) et mouvements physiologiques ont fait l’objet de nombreuses recherches depuis la fin du XIXe siècle (Bücher, 1896). Ces approches, dont on retrouve la trace jusqu’à aujourd’hui, aboutissent souvent à une lecture dualiste des rythmes du corps qui critique des accélérations imprimées par le progrès technique (Rosa, 2010), conduisant à désynchroniser circulation « interne » et « externe ». Le RT 23 et le RT41 proposent dans une session commune de réouvrir la réflexion sur les rapports entre les « circulations » organiques et sociales du corps. En partant d’une sensibilité commune pour le dépassement des dualismes par lesquels on aborde souvent la technicité humaine, les deux RT proposent d’aborder la place des cycles et des rythmes physiologiques dans les activités humaines en évitant la « naturalisation » de ceux-ci. Penser les activités productives en termes de circulation implique d’aborder les ressources, appuis et les contraintes, entraves de façon « parallèle ». De même, penser les rapports entre corps et techniques comme une circulation suppose de dépasser une différence ontologique entre organique et artificiel. Dans cette session commune, nous invitons donc les communicant·e·s à se pencher sur les discours, les pratiques et les techniques qui visent à produire, conserver ou modifier les cycles et les rythmes du corps.   Les communications pourront se centrer sur les idéologies de la « canalisation », à savoir ces imaginaires qui considèrent l’activité comme l’extériorisation d’un potentiel déjà en circulation dans l’organisme. Les discours de sens commun qui invitent à « canaliser » les énergies ou l’attention, les pratiques de concentration et de relaxation qui invitent à « contrôler » ses « rythmes » s’appuient sur une image du corps comme siège d’une potentialité en « circulation ». Que cette potentialité soit représentée selon une conception physicaliste, comme de l’énergie ou, selon une perspective plus transcendantale, comme une force vitale ou spirituelle, l’activité est vue comme gestion efficace des cycles physiologiques. Ainsi, les communications pourront s’intéresser à la place de cet imaginaire « circulatoire » dans les pratiques disciplinaires, pédagogiques et d’entrainement : le yoga, la méditation avec les images de la circulation de l’énergie, mais également les pratiques d’entrainement intensif comme le cross-fit et son objectif d’atteindre le « flow », les conceptions cybernétiques de l’éducation et de la rééducation comme construction ou reconstruction de boucle de rétroaction en sont autant d’exemples. L’on pourra étudier les représentations du corps sur lesquelles s’appuient les dispositifs de « répétition », de « contrainte » et de « concentration » utilisées pour « dévier » une habitude, pour en instaurer une nouvelle. Dans quelle mesure ces représentations de l’entrainement ou de l’apprentissage comme « orientation » des cycles physiologiques contribuent-elles à justifier des pratiques sociales de discipline des corps ? Comment des conceptions nouvelles des circulations physiologiques modifient-elles les pratiques pédagogiques et disciplinaires ? Comment, par exemple, l’image du cerveau comme circuit synaptique transforme-t-elle la conception de la pédagogie ? Comment les pratiques sportives d’entrainement ont-elles socialement évolué au fil des connaissances des différents systèmes de circulation ? Dans la même perspective, on pourra interroger l’éclosion de pratiques d’autodidactisme(s) liée au développement de supports d’apprentissage (manuels, tutoriels) et d’une idéologie de l’autonomie individuelle (self-helpisme, do-it-yourself) comme des manifestations de cet imaginaire d’une activité déjà en circulation dans le corps et qu’il s’agirait exclusivement de « canaliser ».   La question du rapport entre l’activité comme circulation « interne » et comme « extériorisation » permet également de renouveler la réflexion sur les processus de transmissions et d’apprentissage des savoir-faire et des gestes professionnels.  L’idée de la transmission des « automatismes » du « tours de main », etc., passe souvent par l’image d’une incorporation qui implique une transformation des rythmes du corps pour en établir des nouveaux. Comment, via quels discours et quels supports, les acteurs sociaux, apprentis et « maîtres », font-ils place à cette image dans leurs échanges ? Les questions concernant l’automatisation dans les mondes du travail peuvent également être abordées : si l’activité humaine n’est qu’une question d’orientation de la circulation, sa « substitution » par l’automate n’est-elle qu’une question de sophistication des modèles de circulation de l’énergie et de l’information dans la machine ? Dans quelle mesure cette image de machine à la circulation optimisée est-elle mobilisée dans les discours anciens et contemporains (industrie 4.0) pour justifier des processus d’automatisation ? Dans une perspective similaire, les communications pourront s’intéresser aux techniques qui cherchent à mesurer et à rationaliser les rythmes et les cycles physiologiques afin d’optimiser leur rendement social. D’une part, les applications de surveillance des cycles physiologiques (menstruels, circadiens, alimentaires…) sont proposées comme des instruments de gestion du quotidien, d’autre part dans le domaine des activités sportives et de bien-être, les technologies de la surveillance ou de l’autosurveillance permettent d’enregistrer des valeurs physiologiques afin de les optimiser. Il est intéressant d’interroger ce que ces techniques font aux pratiques sociales, ce qu’elles produisent comme valorisations et évaluations. Dans quelle mesure permettent-elles une maximalisation ou optimisation (et à quelle aune) des corps au travail (que ce soit par exemple pour les travailleur·se·s de plateforme par le biais de l’application et du management algorithmique, ou pour les femmes à qui on demande une parfaite maîtrise de leurs corps, de ses rythmes et de ses éventuelles pathologies — endométriose —, notamment par le biais des hormones) ? Comment ces techniques contribuent-elles à produire des sensations et des sensibilités ? Que font les échanges et les circulations des données collectées par les objets connectés et les applications en ligne aux échanges entre pairs (professionnel·le·s ou amateurs/trices), entre personnes hiérarchisé·e·s (entraineur·se·s et entrainé·e·s), aux personnes mesuré·e·s et aux interactions ? Quels usages et éventuels détournements sociaux ou politiques sont-ils faits de ces dispositifs ? En partant de la critique de ces « naturalisations » du rythme physiologique, on pourra enfin s’intéresser aux formes sociales de la rythmicité corporelle. Des communications pourront en ce sens étudier la créativité sociale des rythmes corporels dans les activités humaines (chansons de travail, mouvements ritualisés,…) en montrant dans quelle mesure ces inventions ne sont pas l’extériorisation d’un fait « naturel », mais que des pratiques collectives de valorisation esthétique et affective de mouvements que l’organisation productive tend à réduire à leur « fonctionnalité ».     Consignes aux auteurs   Pour que les sessions que nous tiendrons soient des moments de discussion, où chacun participe à l’enquête en train de se faire, nous veillerons à ce que les faits présentés soient « discutables ». Nous insisterons sur la nécessité d’appuyer les propositions de communication sur des données d’enquêtes solides, quelles que soient la nature des matériaux analysés et les méthodes mises en œuvre : nous nous intéressons ainsi à la présentation d’activités précises, finement documentées, où les descriptions des sujets, des institutions, des techniques ou dispositifs concernés sont clairement exposés. Pour donner à voir une sociologie au travail, on pourra donc renoncer aux signes du travail fini et présenter les matériaux bruts, les supports concrets de l’analyse, au-delà des classiques citations d’entretiens ou des « vignettes illustratives ». Dans la catégorie des matériaux, nous rangeons à égalité les sources statistiques, documentaires, orales, d’observation, archivistiques, vidéo, etc.   Les propositions de communication (4000 signes max.) devront fournir des indications sur ces points.   Tous les publics de chercheurs et chercheuses, enseignants-chercheurs et d’enseignantes-chercheuses, de doctorant·e·s, sont concernés par cet appel. Les RT 41 et 23 sont composés de sociologues, anthropologues, philosophes et historiennes et historiens, ou toutes les disciplines des sciences humaines et sociales sont les bienvenues, dans la mesure où les thèmes des communications s’inscriront dans ceux des axes énoncés ci-dessus.   Les propositions de communications (titre, résumé, proposition) seront entièrement gérées à partir du site de l’AFS. Il sera donc nécessaire d’ouvrir un compte sur le site avant tout dépôt de proposition.   La date limite d’envoi des propositions est fixée au 31 janvier 2023.   Toutes les propositions seront examinées par les membres du bureau des RT41 et RT23 qui feront connaître ensuite leur décision. Les réponses seront délivrées à partir du mois de mars 2023. Compte tenu du temps limité dont nous disposons et de la nécessité d’entendre et de discuter les exposés présentés, toutes les propositions ne pourront pas être retenues   Une proposition acceptée pour le congrès ne sera effectivement prise en compte que dès lors que les conférenciers et conférencières auront satisfait aux exigences de l’AFS :
  1. adhérer à l’Association Française de Sociologie (ou en s’assurant que leur adhésion est à jour) ;
  2. s’inscrire au congrès, sur le site : https://www.afs-socio.fr/
  Le colloque se déroulera du 04/07 au 07/07 à Lyon. Tous les renseignements pratiques seront mis en ligne progressivement sur le site de l’Association Française de Sociologie.   Contacts : Marco Saraceno (Université de Reims Champagne-Ardenne — PSMS) marco.saraceno@univ-reims.fr Stéphanie Tillement (IMT Atlantique — LEMNA) stephanie.tillement@imt-atlantique.fr Valérie Souffron (Université Paris1 — Cetcopra) valerie.souffron@univ-paris1.fr Marie-Pierre Julien (Université de Lorraine — 2L2S) marie-pierre.julien@univ-lorraine.fr Aurore Koechlin (Université Paris1 — Cetcopra) aurore.koechlin@univ-paris1.fr        












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