RT41

Des corps, des techniques : co-constructions, intersections, circulations

Xe Congrès de l’Association Française de Sociologie

Lyon, 4-7 juillet 2023

Intersections, circulations

 

Appel à communication du RT41, Corps, techniques et société

 

Des corps, des techniques : co-constructions, intersections, circulations

  Le RT41 travaille une problématique spécifique, à l’entre-deux des corps et des techniques, en abordant de manière transversale la relation étroite, les entrecroisements et les intrications, les couplages qui les relient, ainsi que les frontières et les limites de ces convergences, la place et le rôle des humains et des machines, des objets ou des non-objets dans ces associations. Depuis quinze ans, nous interrogeons les possibles mutations anthropologiques portées par les nouveaux dispositifs socio-techniques, les dynamiques qui les traversent, et les manières dont ces transformations contribuent à modifier les liens sociaux (Maestrutti, Moricot, Souffron, 2009). (voir : RT41 : https://cetcopra.pantheonsorbonne.fr/corps-techniques-et-societe ) Pour son dixième congrès, l’AFS propose à la réflexion un thème qui entre en résonance avec les travaux du RT41 puisque ce sont bien des échanges, de (potentielles) hybridations, et des appropriations qui intéressent notre entre-deux problématique : corps-et-techniques. L’humain serait un être de prothèses matérielles déclarait Leroi-Gourhan, mais l’industrialisation a renforcé les espoirs placés dans les innovations techniques, en particulier lors des différentes crises que traversent nos sociétés (crise sanitaire, crise écologique, crise économique …) notamment dans les domaines liés au corps. Il est demandé à la technique – pensée comme un ensemble d’objets matériels, de pratiques, et de savoirs – de venir pallier, améliorer, voire remplacer tout ou partie des corps et de leurs dysfonctionnements. Si certains parlent de « grand remplacement technique », et placent une frontière claire entre technique et corps, le RT 41 s’est toujours attaché au contraire à montrer leur relation étroite, combien ils se produisent mutuellement, voire à quel point ils convergent au risque de se confondre. C’est donc bien la circulation, voire l’hybridation entre les corps -ou leurs fragments à diverses échelles- et les techniques que nous aimerions ici interroger, à la faveur de ce dixième congrès consacré précisément aux intersections et aux circulations. Entre et avec, au travers des corps, entre les lieux, les espaces sociaux, d’un pays à l’autre, entre les acteurs… les techniques et les savoirs circulent et se métamorphosent. Qu’est-ce qui circule des corps aux techniques et retour ? Comment s’opèrent ces échanges ? Selon quelles modalités techniques et pratiques ? Avec quel·les acteur·ices, groupes sociaux ou professionnels ? Quelles limites rencontrent-ils ? Quels ajustements, négociations, transgressions ou transformations pouvons-nous repérer ? Quelles incidences, conséquences, efficiences sont-elles repérables dans ces dynamiques d’échanges des corps et des techniques ? Et enfin, comment les réceptions différenciées en fonction des caractéristiques sociales des usager·e·s (genre, classe, race, …) modifient-elles non seulement les techniques mais l’usage qui en est fait ? Dans les sociétés techniciennes contemporaines gouvernées par les biopolitiques, les techniques et les corps sont deux éléments constitutifs principaux des rapports de pouvoir (Foucault, 1976, Fassin, 1998, Fassin et Memmi, 2004, Memmi, 2003, 2014). Nous proposons donc cette année de travailler à toujours comprendre la co-construction des corps et des techniques, à travers la circulation des techniques, des savoir-faire, et l’intersection des rapports de pouvoir qu’ils engendrent. Nous entendons ces rapports de pouvoir comme porteurs des potentielles appropriations par les acteur·ices de techniques à travers lesquelles elles et ils peuvent (re)-penser, (re)construire leurs subjectivité avec leur corps. Pour réfléchir aux intersections et aux circulations, nous proposons trois entrées sur ces relations étroites qu’entretiennent corps et techniques : 1) Dysfonctions / améliorations corporelles et réponses techniques ; 2) Circulation des matériaux corporels et techniques ; 3) Tensions dans la circulation des savoirs sur les corps et les techniques et rapports de pouvoirs intersectionnels engendrés. Nous proposerons également une session commune avec le RT23 « Travail, activité, technique » qui sera transversale à nos trois axes. (Voir l’appel commun des RT41 et RT23 sur le site de l’AFS)   Axe 1 : Dysfonctions / améliorations corporelles et réponses techniques Il serait intéressant ici de décrire et d’analyser les circuits que suivent les innovations techniques : entre professionnels et amateurs passionnés ; entre soignant·es et patient·es et accompagnant·es, entre espace publics et espaces privés. Comment les techniques participent-elles à la construction de nouvelles normes corporelles ? Dans ce processus de circulation des innovations techniques, la médecine a bonne part, notamment parce qu’elle étend son domaine au-delà des pathologies, pour prévenir les maladies et médicaliser la santé elle-même, et par là les modes de vie (Zola, 1972, Crawford, 1980, Conrad, 1992). Les innovations techniques permettent de prévenir les maladies à un niveau de plus en plus génétique – tests génétiques – (Ménoret, 2007), de surmonter les handicaps – prothèses – (Maestrutti, 2011), d’empêcher ou de retarder le vieillissement – opérations –, d’avoir une sexualité contraceptée (Thomé, 2019), tout au long de la vie – Viagra – (Bajos et Bozon 1999), protégée – PrEP : prise de médicament prophylactique avant exposition au VIH –, mais aussi de développer des pratiques sexuelles récréatives ou « augmentées ». En quoi le Viagra (qui fut pendant un moment seulement accessible sur internet) ou les traitements de la ménopause ont-ils transformé le rapport à la sexualité dans l’avancée en âge ? Quels sont les effets des modifications effectuées tant par les hormones que par les chirurgies sur les corps trans, leur refus et l’évolution des lois en matière de changement de genre (Beaubatie, 2021) ? On pourra se demander comment le changement peut favoriser une redistribution de l’expertise : ce qui était vécu comme un handicap peut-il devenir une qualité voire une compétence ? Dans quelles mesures les nouvelles techniques reconfigurent-elles ce qui est considéré et vécu comme un corps dysfonctionnant ou refonctionnant, en fonction des âges de la vie, mais aussi de l’accès à certaines pratiques sportives, voire dans le sport de haut niveau ? A l’inverse, comment la non-maitrise d’une technique est-elle handicapante tant dans des situations professionnelles que dans la vie quotidienne ? Dans le domaine professionnel par exemple, certaines techniques ont permis l’ouverture d’emploi à des personnes jusque-là considérée comme non-embauchables du fait de leurs qualités corporelles. Mais dans le même temps, d’autres techniques ont éliminé des salarié·es de certaines tâches réclamant des savoir-faire informatiques par exemple qu’ils et elles n’avaient pu acquérir. Il s’agirait ici d’analyser ces circulations de savoir-faire techniques et leurs conséquences sur les sujets qui les maitrisent ou pas. Comment la technique participe-t-elle à la redéfinition de savoir-faire et à la catégorisation des sujets ?   Il s’agira ainsi de comprendre qui a accès à quelles techniques. Au niveau médical, les prothèses de hanche, de genoux, cardiaques, auditives ou dentaires sont accessibles à une partie de la population française mais que se passe-t-il pour celles et ceux qui en sont exclues ? A quelles normes sociales corporelles répondent-elles ? On pourra également interroger les échelles de ces techniques et les dysfonctions prises en compte, qu’elles interviennent au niveau du squelette (prothèses, exosquelettes), des organes internes ou externes (dysfonctions cardiaques, visuelles, auditives, érectiles…), ou encore des gènes (génétique clinique, oncogénétique, dysfonctionnements neurologiques, cytogénétique et tests diagnostiques…), ou des cellules (maladies neurodégénératives, rôle du microbiote, infections, virus…). Quels en sont les acteurs et les enjeux économiques et politiques ? Parallèlement nous proposons aussi d’analyser quelles diversités corporelles sont à l’œuvre dans les sociétés contemporaines ?   Axe 2 : Circulations des matériaux corporels et techniques mobilisées Avec cet axe, nous nous intéresserons à la fois à la circulation de matériaux non vivants qui intègrent le corps humain et doivent s’intégrer aux vivant (prothèses) et à celle de matériaux vivants qui viennent en remplacer d’autres ou qui supportent la création de vivant (organes humains ou non, produits issus de bio-impressions, gamètes, tissus, cellules et cellules souches, colostrum, lait infantile, sang, etc.). Il pourra s’agir de décrire leurs filières d’approvisionnement (production, modalités et trajets de circulation, formes de consommation/utilisation) ou d’analyser la façon dont leurs circulations transforment les représentations du corps, les rapports entre vivant et non-vivant, les rapports entre espèces, etc. (Lafontaine, 2021). Comment ces circulations sont-elles possibles, à quelle échelle nationales ou internationales ? Quelles techniques mobilisent-elles ? L’objectif est ici de comprendre comment ces circulations engagent de nouveaux rapports de pouvoir comme nous avons pu le voir lors de l’épidémie de covid 19 mais aussi lors d’autres épidémie (Cros et Keck, 2022).  Mais il s’agit aussi de comprendre les modalités de circulations des matériaux corporels en dehors des filières médicales, comme celle de l’ADN pour connaitre des liens familiaux, et la façon dont ces circulations pèsent sur les transformations juridiques, comme les lois sur l’adoption par exemple. Nous proposons également d’élargir ces questionnements sur les circulations de matériaux humains au temps post-portem, donc aux restes humains, qu’ils soient récents ou plus anciens. Le domaine des identifications post-mortem est par exemple devenu un espace d’investissement technique des corps potentiellement important (situations de catastrophe, attentats, crimes, populations migrantes), aux croisements de la médecine et de la justice (Kobelinski, 2017, Nicolosi, 2017). Il est aussi celui où s’exerce sans beaucoup d’ambiguïtés des logiques de pouvoir et des prérogatives d’Etat (disparitions sous les régimes autoritaires, génocides, contrôle des mémoires), et qui ouvrent parfois des espaces de résistance (Anstett et Dreyfus, 2012), où les restes humains sont de véritables enjeux. Les technologies d’identification, les protocoles de recherche et les politiques qui s’y rattachent, mais également les reconfigurations professionnelles qu’elles peuvent engendrer (médecine légale, police scientifique, anthropologie biologique, thanato-anthropologie) sont autant de domaines à explorer.   Axe 3 : les tensions dans la circulation des savoir-faire sur les corps et les techniques et les rapports de pouvoirs intersectionnels qu’elles engendrent. Il s’agit, dans ce troisième axe, de proposer une autre entrée sur les questionnements soulevés précédemment pour réfléchir plus spécifiquement aux enjeux de réappropriation des savoir-faire techniques à l’œuvre dans la transformation des rapports de pouvoirs. On pourra se demander par exemple, en quoi les interactions avec les intelligences artificielles dans un cadre professionnel (robot d’analyse médicale) ou quotidien (approvisionnements en ligne, interactions avec les services publics, jeux vidéo) transforment les rapports de pouvoir dans les dynamiques professionnelles ou familiales ? Comment au sein de nouveaux lieux de conception, de production et de collaboration (Lallement, 2015), les savoir-faire et les techniques engagent de nouveaux rapports des corps au travail ? Comment ces apprentissages sont-ils mobilisés, transmis, à l’extérieur des ateliers expérimentaux ? En quoi ces lieux d’expérimentations techniques participent-ils à une critique des rapports sociaux qui engagent corps et techniques ? Dans le domaine médical, la diffusion des innovations techniques ne se fait pas sans heurts : les vaccins contre le Covid-19 qui reposent sur les technologies de l’ARN messager ont soulevé controverses et prises de position politiques clivées. Ces débats ont également rendu visible l’importance de la réception par les usagères et usagers des connaissances mais aussi des techniques médicales, et leurs éventuelles réappropriations non médicales, dont les détournements des usages des hormones, l’utilisation des réseaux sociaux par les associations de personnes trans pour s’informer des différentes avancées internationales, ou l’auto-gynécologie sont autant d’exemples. Plus largement, quels changements peut-on observer dans l’usage des savoirs et des pratiques ? Quelles conséquences repère-t-on sur les pratiques professionnelles ? Quelles appropriations différenciées les profanes connaissent-ils et elles en fonction de leurs caractéristiques sociales (classe, genre, race) ? En outre, les techniques interrogent les rapports de genre.  Certaines techniques, comme les hormones, ont été présentées comme pouvant guérir ou améliorer un corps féminin pathologisé et infériorisé, voire comme pouvant délivrer du corps lui-même. Ce corps ayant souvent été analysé comme la cause même des différences de genre, les techniques étaient alors synonyme d’émancipation. Mais ces dernières années ont vu également s’exprimer la valorisation au contraire d’un rapport au corps direct, non « transformé », naturel. Comment situer ce renouvellement de l’opposition entre technique et nature ? Enfin, les savoir-faire sur les corps peuvent délimiter de nouveaux territoires des expertises et dessiner des formes inédites de tris, d’exclusion, ou au contraire de prise en charge d’individus ou de groupes jugés « dysfonctionnels » : assignation d’un âge biologique par les examen osseux (Chariot, 2016, Souffron, 2019), tendance neuroscientifique de la criminologie (Larrègue, 2021), DSM-IV, troubles cognitifs ou psychiques, gestion des « risques » et des genres (Reef, 2010, Alessandrin, 2014) … On pourra s’intéresser ici aux acteurs, professions, populations concernés ou touchés par les techniques mises en œuvre.   Transversale : Corps, activité, techniques et circulation (voir l’appel commun aux RT41 et 23) Afin d’enrichir les travaux du RT41, nous proposons une lecture de nos axes (notamment 1 et 2) à l’aune de l’Activité, en suggérant d’approfondir les questions posées ci-dessus aux domaines des activités sportives, et aux situations de travail. Dans le domaine des activités sportives et de bien-être, les technologies de la surveillance, de l’auto-surveillance, de la mesure des capacités et des faiblesses, les techniques et les outils technologiques, sont autant de moyens de soutien, de renforcement, d’améliorations, mais aussi de tris et de discriminations des corps, de leurs compétences et performances. Il est intéressant d’interroger ce que ces techniques font aux pratiques sportives et de bien-être, ce qu’elles produisent comme catégories de classements et d’auto-classements. Comment contribuent-elles à produire des sensations et des sensibilités ? Que font les échanges et les circulations des données collectées par les objets connectés et les applications en ligne pour le suivi d’entrainements (Strava, Fizzup, Pocket Yoga, Petit Bambou…) aux échanges entre pairs (professionnels ou amateurs), entre sujets hiérarchisés (entraineurs et entrainés), aux sujets mesurés, aux interactions, aux groupes concernés ? La problématique des circulations invite à se pencher sur les transmissions des savoirs et des savoir-faire, et notamment sur les gestes qui font l’activité professionnelle. Comment transmettre des gestes ? Ou comment travailler sur et avec des corps ? Quels apprentissages sont possibles ou empêchés dès lors qu’on se trouve dans des espaces disjoints ? Comment circulent alors les savoirs et les savoir-faire ? Les questions -anciennes- de l’automatisation dans les mondes du travail sont elles aussi renouvelées, et ce sont les risques dysfonctionnels que certaines technologies cherchent à pallier (en même temps qu’elles les construisent comme dysfonctions ou manques ?). D’autres pistes sont possibles et nous ne souhaitons pas limiter ici les propositions éventuelles qui pourraient nous être faites. Nous insisterons cependant sur la nécessité d’appuyer les propositions de communication sur des données d’enquêtes solides, quelles que soient la nature des matériaux analysés et les méthodes mises en œuvre : nous nous intéressons ainsi à la présentation d’activités précises, finement, voire pluridisciplinairement documentées, où les descriptions des sujets, des institutions, des techniques ou dispositifs concernés sont clairement exposés. Compte tenu de la thématique générale du congrès, il parait nécessaire de préciser l’inscription temporelle de l’objet présenté. Tous les publics de chercheurs et chercheuses, enseignants-chercheurs et d’enseignantes-chercheuses, de doctorant·e·s, sont concernés par cet appel. Le RT 41 est composé de sociologues, anthropologues, philosophes et historiennes et historiens, ou toutes les disciplines des sciences humaines et sociales sont les bienvenues, dans la mesure où les thèmes des communications s’inscriront dans ceux des trois axes énoncés ci-dessus.   Consignes aux auteurs Les propositions de communications (titre, résumé, proposition) seront entièrement gérées à partir du site de l’AFS. Il sera donc nécessaire d’ouvrir un compte sur le site avant tout dépôt de proposition. Les rubriques du site prévoient l’enregistrement : Du (des) nom(s) et prénom(s) du ou des auteurs et autrices Des adresses de courriel Du titre de la communication D’un résumé de communication : en 4000 signes maximum, espaces comprises. D’une proposition : Pourront figurer dans cette rubrique les développements que les auteurs et autrices souhaiteront apporter quant à l’objet de leur recherche, les données théoriques, méthodologiques, analytiques qu’elles et ils déploient, et qui n’auraient pas pu figurer dans leur résumé. La date limite d’envoi des propositions est fixée au 31 janvier 2023. Toutes les propositions seront examinées par les membres du bureau du RT41 qui fera connaître ensuite sa décision. Les réponses seront délivrées à partir du mois de mars 2023. Une proposition acceptée pour le congrès ne sera effectivement prise en compte que dès lors que les conférenciers et conférencières auront satisfait aux exigences de l’Afs :
  1. adhérer à l’Association Française de Sociologie (ou en s’assurant que leur adhésion est à jour) ;
  2. s’inscrire au congrès.
sur le site : https://www.afs-socio.fr/   Le colloque se déroulera du 04/07 au 07/07 à Lyon. Tous les renseignements pratiques seront mis en ligne progressivement sur le site de l’Association Française de Sociologie. Nous nous tenons à votre disposition pour tous renseignements. Contacts : Valérie Souffron (Université Paris1 – Cetcopra) valerie.souffron@univ-paris1.fr Maire-Pierre Julien (Université de Lorraine – 2L2S) marie-pierre.julien@univ-lorraine.fr Aurore Koechlin (Université Paris1 – Cetcopra) aurore.koechlin@univ-paris1.fr












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