L’articulation des temps sociaux, une affaire d’intersection ?
Appel à communications du RT 48
L’analyse sociologique de l’articulation des temps sociaux constitue un objet de
recherche intrinsèquement marqué par la variété des sous-champs sociologiques qu’il
appréhende. Ce domaine d’analyse engage une approche intégrative de questionnements
sociologiques traditionnellement segmentés : la question des conditions d’emploi, du rapport
au travail et des trajectoires professionnelles ; la question des inégalités de genre devant la prise
en charge des tâches domestiques et parentales ; la question de la mise en œuvre de styles de
parentalité socialement situés ; la question des temporalités ; la question de la production, de la
mise en œuvre et de la réception des politiques publiques ; etc. C’est donc à l’intersection de
domaines de spécialités variés que se situe l’objet du RT48.
Pour l’heure, les travaux se sont surtout concentrés sur les ressorts genrés de
l’articulation des temps sociaux. Ainsi, on sait depuis de nombreuses années que la prise en
charge du travail domestique et familial est principalement effectuée par les femmes, et plus
encore les femmes étant mères : penser aux horaires des activités des membres de la famille,
gérer et exécuter les tâches domestiques, investir le travail parental et éducatif, etc. Si des
évolutions se dessinent sur la période récente, la sociologie de l’articulation des temps sociaux
observe toujours la fabrique des inégalités entre les hommes et les femmes. De nombreux
travaux, prenant comme entrée la question de l’activité professionnelle montrent à quel point
la « conciliation », terme parfois utilisé par les personnes interrogées dans les enquêtes, reste
une affaire de femmes. Cette approche par le genre a progressivement intégré une approche par
l’appartenance sociale. Ainsi, les travaux sociologiques sur l’articulation des temps sociaux se
sont d’abord intéressés aux femmes des classes populaires, avant de se centrer sur des femmes
issues des classes moyennes ou supérieures. Ce n’est que récemment que des contributions plus
nettement ancrées dans une perspective intersectionnelle invitent à envisager la question de
l’articulation des temps sociaux à travers l’articulation de la variété des rapports sociaux qui
s’y forgent et y exercent leurs effets.
Notre intention à l’occasion de ce congrès est précisément de traiter de la qualité
profondément intégrative de notre objet : intégration de sous-champs sociologiques (et parfois
économiques, politistes, voire psychologiques) et prise en charge dans l’analyse d’une pluralité
de variables (considérées ici comme interagissantes). A cet effet, nous souhaitons profiter du
congrès pour ouvrir la discussion dans trois directions qui pourraient servir de support aux
propositions des communicants.
Axes de questionnements
Axe 1 : Pour une approche intersectionnelle de l’articulation
Un premier axe invite les communicant·es à présenter des travaux montrant comment
les rapports sociaux, qu’ils soient nourris de mécanismes liés à la « race », la classe, le genre,
l’âge ou encore le handicap, structurent la question de l’articulation des temps sociaux1. A titre
d’exemple, les communications pourront porter sur le care drain et délégation raciale du travail
domestique dans différents contextes géographiques. Elles pourront également prendre pour
objet l’articulation des temps sociaux de celles à qui les familles des classes supérieures
délèguent leur travail domestique ou familial : femmes de ménage, assistantes maternelles et
plus globalement travailleuses du care… Comment celles-ci font-elles pour tenir ensemble des
charges familiales et des métiers pénibles, parfois en horaires décalés ? Les interventions
pourraient également traiter des effets de génération, d’âge ou encore de situations de handicap
sur les pratiques et le rapport aux pratiques des individus concernant l’articulation des temps
sociaux (degré de proximité avec les normes d’égalité de genre, etc.) en lien avec les variables
précisées.
Axe 2 : La production de « bonnes conciliations » par les dispositifs institutionnels
Au-delà de l’expérience de l’articulation des temps sociaux chez les individus, le RT48
explore les différentes configurations de la « bonne conciliation » promue par les dispositifs
institutionnels (entreprises, politiques publiques, etc.). Les structures employeuses et leurs
caractéristiques font varier la disponibilité des femmes et des hommes à leur famille, selon
l’organisation temporelle du travail qui s’y déploient et son adéquation avec les horaires des
structures prenant en charge les personnes dépendantes, les normes organisationnelles de
l’entreprise ou du service mais aussi la disponibilité des individus pour tout type d’engagement
en dehors du travail, qu’il s’agisse d’activités de loisirs, militantes, familiales ou associatives.
Dynamique, cette disponibilité peut également varier en fonction de la situation d’emploi
(indépendance, auto-entreprenariat sur plateforme ou non, salariat) mais aussi des secteurs
d’activités dont les conventions collectives et les accords de branche ne garantissent pas les
mêmes droits, et enfin des structures employeuses et de leurs particularités. Il en va de même
des politiques proposant une prise en charge des publics perçus comme vulnérables ou
dépendants : vieillesse, petite enfance, handicap. Quelles conceptions de la conciliation les
acteurs économiques, politiques et associatifs impliqués dans cette activité notamment
organisée autour de l’enjeu de l’articulation des temps sociaux portent-ils? Nous invitons ainsi
les communications s’inscrivant dans cet axe à analyser les enjeux macro et méso de
l’articulation des temps sociaux, notamment la manière dont ces instances forgent des
prescriptions socialement situés (sur le plan de la classe, de la race, etc.). Il pourra s’agir (par
exemple et non exclusivement) de dispositifs tels que le télétravail, des outils de réduction du
temps de travail, mais aussi d’externalisations du travail familial ou domestique encouragées
par l’État (crèches, congés parentaux, recours aux « services à la personne » via des chèques
emploi service).
Axe 3 : Un objet à l’intersection de champs disciplinaires
Entre la sociologie du genre, la sociologie du travail, de la famille ou encore de la santé,
l’articulation des temps sociaux est à l’intersection de domaines sociologiques balisés, et
souvent traités de manière distincte. Cet axe invite à une réflexion épistémologique sur la
manière dont les chercheurs et chercheuses se saisissent dans leurs travaux de la question de
l’articulation en tant qu’objet à part entière. Quels sont les outils conceptuels mobilisés dans le
cadre de ces travaux ? Comment les montées en généralité s’opèrent-elles dans chacun de ces
domaines de spécialité travaillant cet objet (notamment lors d’une comparaison
internationale) ? Ces questions pourront également être adressées en ce qui concerne le dialogue
avec les autres disciplines qui se saisissent de cet objet, notamment la géographie, l’économie
ou la psychologie.
Pour contacter les responsables du réseau
Julie Landour (julie.landour@dauphine.psl.eu) et Pascal
Barbier (pascal.barbier@univ-paris1.fr)
Note de bas de page
1. Le terme « race » est ici à comprendre au sens de rapport social lié à l'origine culturelle et ethnique qui
s'accompagne d'une hiérarchisation, de mécanismes de racisation, de racisme et de domination structurelle
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