RT40

Circulations et ancrages dans les institutions de la modernité avancée

Le RT 40 de l’AFS a pour objectif de développer une conceptualisation de la notion d’institution dans une perspective de sociologie générale et comparative. Telle que nous l’entendons, la sociologie des institutions se présente comme transversale par rapport à différentes sociologies spécialisées basées sur les découpages de la vie sociale (telles que la sociologie de la famille, la sociologie de l’éducation, la sociologie du travail social). Cette approche vise à analyser les manières dont les rapports politiques au sens large du terme instituent les rapports sociaux à travers la prise en charge d’enjeux sociétaux. La thématique de la circulation est une problématique centrale dans les travaux conduits sur la postmodernité et le nouvel esprit du capitalisme. À l’ancrage des individus dans des liens sociaux, géographiques, familiaux, conjugaux, marqués par la permanence et la durabilité, auxquelles renvoient les institutions de la première modernité (elles-mêmes organisées par des éléments de traditionnalité tels que la classe sociale, le progrès, la nation), succède une nouvelle manière d’être au monde caractéristique de la vie post-moderne. La circulation, la mobilité des personnes entre différents mondes sociaux, entre différentes relations sociales y tiennent une place centrale, conduisant certains auteurs à affirmer que : « La pierre angulaire de la stratégie de vie post-moderne n’est pas la construction de l’identité, mais le fait d’éviter d’être fixé » (Bauman, (2003), La vie en miettes. Le Rouergue/Chambon). Dans de nombreux domaines de la vie sociale (l’emploi, les relations interindividuelles), s’impose un style de vie fondé sur un investissement fragmentaire et discontinu dans les relations sociales. Cette nouvelle manière d’être au monde a partie liée avec les transformations de l’esprit du capitalisme (Boltanski, Chiapello, (1999) Le nouvel esprit du capitalisme.  Gallimard). Dans un monde en réseau, où la capacité à nouer des relations est une source de profit, la fixité versus la mobilité des personnes constitue un enjeu des rapports de domination. Dans le monde connexionniste, la mobilité, la capacité à circuler entre les espaces géographiques, les savoirs et les personnes est une qualité des « grands », de sorte que les plus faibles se trouvent d’abord caractérisés par leur fixité. Tout en intégrant les travaux ci-dessus ayant établi cette « grande transformation » qui a fait de la circulation accélérée (des personnes, des idées, des identités) une norme dominante des sociétés contemporaines, nous faisons l’hypothèse dans cet appel à communication que perdurent, malgré tout, des formes d’ancrage desdites personnes, idées et identités, qu’il s’agit aussi d’analyser. Ainsi, envisageant cette tension entre fixité et circulation, à la fois dans sa dimension instituée (c.-à-d. établie) et dans sa dimension instituante (c.-à-d. faisant exister différents phénomènes sociaux contemporains), nous proposons de l’explorer selon plusieurs perspectives.   Quel statut de la circulation versus de la fixité des personnes dans les institutions ? On peut étudier comment cette tension entre circulation et fixité se présente dans les différentes institutions étudiées et en identifier les enjeux. Quelles sont les institutions qui tendent à valoriser, à promouvoir ou à imposer un modèle culturel fondé sur la circulation des individus ? Comment celui-ci est-il institutionnalisé (justifications, normes, opportunités, contraintes pratiques, etc.) et décliné selon les contextes, les situations, les enjeux et le mandat des institutions considérées, etc. ? Comment ce modèle se traduit-t-il ? Quels en sont les vecteurs, les rhétoriques, les valeurs, les fonctionnements ? A quels dispositifs ou pratiques donne-t-il lieu ? Quels en sont les principaux acteurs ? À quels acteurs, au contraire, certaines institutions imposent-elles la fixité et l’immobilité ? Des institutions fonctionnent en effet comme des supports, des ancrages pour les individus, mais elles peuvent aussi entraver ou contrôler leurs circulations dans les espaces, les mondes, les idées, les normes. Enfin, des institutions prônent le surplace de leurs publics. D’autres institutions ne seraient-elles pas traversées par des attentes contradictoires ou ambivalentes, valorisant à la fois la circulation, la mobilité des savoirs et des personnes, mais requérant dans le même temps l’ancrage des individus dans des activités, et une permanence dans l’investissement de ces derniers ?    Comment les individus mènent-ils leur vie au regard de ce contexte de circulation ou de fixité encadrée par les institutions ? On peut aussi étudier finement comment circulation et ancrage participent d’un processus d’institution des individus en tant que corps, subjectivités, relations, identités (de genre, ethnique, profilage des personnalités) etc. À côté des formes de circulation et de fixation attendues par les institutions, des enquêtes permettent-elles de discerner des ruses, des tactiques (De Certeau, (1990), L’invention du quotidien, Gallimard), des résistances des acteurs ? Peut-on repérer des formes de circulations minoritaires, bâtardes (Hughes E.C. (1997). Le regard sociologique, Editions de l’EHESS)) par rapport aux normes instituées ? Comment des individus composent-ils avec cette exigence de circulation-mobilité et l’aspiration à s’ancrer (cf. le discours sur le développement personnel, également les le discours, pendant le confinement, d’individus aspirant à changer de rythme de vie) ? L’ancrage, la fixité dans des liens, des territoires, des activités, constitueraient-ils des critiques adressées à ce nouvel esprit du capitalisme ? Et inversement comment les individus situés en bas de la hiérarchie sociale, contraints à la fixité par leur encastrement dans telle ou telle institution, parviennent-ils à réaliser malgré tout leurs aspirations à la circulation ?  Dans quelle mesure et sous quelles formes ? Se plaignent-ils et comment résistent-ils ou échappent-ils aux contrôles exercés sur leurs circulations ? Certains s’évadent-ils vers des « ailleurs » (y compris imaginaires) pas encore ou moins colonisés par les institutions de la post-modernité ? Peut-on discerner des figures paradoxales de l’expérience de la circulation chez certains acteurs ? Ainsi, certaines circulations ne sont-elles pas… fixes (étymologiquement « circuler » c’est « aller en rond ») ? Certains ancrages institutionnels ne sont-ils pas « mouvants » par oscillations (ondes) ? Enfin, parler en termes de « circulation » et d’« ancrage », c’est continuer à étudier le social par ses positivités, ses « pleins ». Mais n’existe-t-il pas un « envers » de ces processus, qui fait creux, vide dans l’expérience des individus ? On pourrait par exemple étudier les relations entre « ancrage » et « ennui » (Lapeyronnie D., Ennui. L’ombre de la modernité, Rue de Seine Editions, 2022) ou entre « circulation » et « anxiété » ou « angoisse ». Outre ces pistes d’interrogation, sur un plan plus théorique, il s’agit de penser dans leurs inter-relations dynamiques et symétriques, les questions concernant la subjectivité des acteurs, les situations et interactions concrètes, les discours, les idéologies, les cadres normatifs de référence ou dominants, sans considérer que ces derniers sont en surplomb des situations singulières. A l’opposé, il s’agit de ré-entrer dans l’analyse institutionnelle, l’agentivité des acteurs, qu’il s’agisse de leur réinterprétation de référents normatifs et idéologiques ou de leur singularisation des scripts institutionnels et routines organisationnelles. En bref, il s’agit de penser de façon non exclusive les stratégies d’imposition d’un ordre normatif et le travail d’invention et de bricolage cognitif et moral qui peut s’opérer « par le bas » dans la singularité et la temporalité propre des situations locales. Les propositions de communication (1 page, environ 3.500 caractères, bibliographie et espaces compris) doivent être déposées sur le site de l’AFS, avant le 31 janvier 2023. Elles seront examinées par les membres du bureau qui reviendront vers vous début mars 2023. Les propositions de communication indiqueront la problématique, la méthodologie et les données mobilisées, voire les principaux résultats, qui seront présentés lors du congrès. Elles comporteront également le nom, le statut, l’affiliation et les coordonnées de leurs auteur·e·s.  
   












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