RT10

AAC RT10 pour le 8e Congrès de l'AFS Aix-en-Provence 2019

Classer, déclasser, reclasser, autant d’opérations mentales qui mettent nécessairement en œuvre une activité fondamentale de catégorisation qui est par essence une activité sociétale d’appropriation collective du donné. Cette mise en forme du réel présuppose une longue pratique relevant d’une construction sociale et d’une histoire de la connaissance : une histoire des sciences et des savoirs savants, mais aussi, plus directement une histoire des savoirs ordinaires qui s’exercent dans le monde de la vie quotidienne et se déploient dans l’univers des multiples cultures qui le structurent.

Une telle histoire de la construction collective des catégories et des classifications est une histoire comparée des visions du monde en acte selon les époques et les sociétés. Elle requiert des observations et des analyses mettant en évidence les cadres sociaux de la connaissance dans des registres variés et croisés qui constituent un phénomène-social-total : cadres économiques, scientifiques, techniques, politiques, éthiques, religieux, esthétiques, etc. De ce point de vue les communications pourront mettre en évidence les modes de classements, déclassements reclassements qui s’exercent dans ces différents registres au niveau micro, méso, ou macrosociologique, en montrant comment ces opérations de mise en ordre et de contrôle du réel relèvent de l’activation de connaissances, de formes de consciences et de sensibilités particulières. Les catégories et les classifications engagées dans ces différents domaines sont des productions sociétales théorico-pratiques qui déterminent une appréhension de la réalité, un mode d’existence et d’action, dont elles sont en même temps l’émanation, en vertu d’un processus historico-logique de co-construction.

Dans ce registre épistémologique qui pense les assises catégorielles des théories dans leurs systèmes de référence, nous pouvons considérer que ces diverses opérations par lesquelles les sociologues et penseurs du social catégorisent classifient et reclassifient, c’est-à-dire connaissent et comprennent en leur langage, comment les individus dans une société connaissent comprennent et agissent sont diversement nommées : « classifications » chez Mauss, Durkheim et Lévi-Strauss, « idéaltypisations » chez Weber, « formisations » chez Simmel, « typicalité » et « typifications » chez Husserl, Schütz, Berger et Luckmann, « catégorèmes » chez Bourdieu, etc. A cet égard ces différents systèmes sociologiques pourront faire l’objet de communications qui révèleront les caractères propres de chaque sociologie.

L’enquête menée sur les catégorisations et les classifications en acte dans une collectivité est donc propédeutique à une pragmatique et à une praxéologie des catégories. Enquêter sur les catégories et les classifications en cours, c’est tenter de catégoriser et de classifier les formes de la connaissance dans ses différentes composantes, afin de comprendre la manière dont les acteurs comprennent le monde. C’est travailler sur le langage et la grammaire, sur les transactions sociales, sur les négociations, sur les phénomènes de reconnaissance, d’intégration et d’exclusion, sur la culture, sur le rapport existant entre les mots et les choses, sur le rapport entre la pensée et le réel, entre l’homme et le monde dans tous ses aspects contradictoires ; Comprendre la nature et la fonction des catégories, c’est comprendre un rapport, un mode de relation de l’esprit au monde relevant de l’acte fondamental de mise en ordre du réel.

Les catégories permettent de parler le monde, et de le mettre en ordre en classant les individus, les objets et les événements, en assignant à chaque chose une fonction et une place - avec tout ce que cette mise en ordre implique dans le registre idéologique et politique - parce qu’elles permettent de le voir, et de le voir comme il est parlé. Le rapport entre l’instituant et l’institué peut ici être investigué afin de comprendre la logique même de l’institution et des classements. Étant d’étoffe langagière, et plus précisément grammaticale, les catégories actives dans tous les domaines de la vie, sont en étroit rapport avec le pouvoir sous toutes ses formes, et sont en conséquence objet de conflits permanents et de tentatives d’appropriation en vue de s’assurer un contrôle de la réalité. Elles structurent notre rapport au perçu et au senti, modèlent nos formes de conscience, déterminent un mode d’appréhension partagé - ou non - de la réalité, et contribuent ce faisant au maintien ou à la destruction du lien sociétal. Catégoriser c’est vivre selon certaines modalités. S’entendre, c’est parler le même langage et ce faisant percevoir la même réalité, mais cette réalité peut en vérité n’être qu’une fiction collectivement accréditée et entretenue.

Dans le registre non plus synchronique mais diachronique, les catégories fabriquent l’Histoire et notre lecture de l’Histoire, mais ont elles-mêmes une histoire qui les a fabriquées et qui les fabrique toujours, dont elles tirent leur contenu de signification et leur opérationnalité liées à des intérêts à élucider. L’analytique des catégories qui semble être purement théorique est en conséquence une analytique sociale de dimension empirique, et l’épistémologie des catégories est une entrée privilégiée vers une morphologie sociale d’une nature particulière, s’attachant à comprendre des formations mentales et narratives matérialisées dans les pratiques et les institutions sous l’effet de forces multiples.

Toute communication qui se proposera de prendre pour objet l’un ou l’autre des objets et des thèmes abordés dans cette présentation sera bienvenue, quelque soit l’école de pensée en laquelle elle sera enracinée, pour autant qu’elle soit cohérente. Attentive à la multiplicité des courants qui traversent notre univers de recherche, ouverte à l’approche socio-anthropologique et à la transdisciplinarité (philosophie, économie, histoire, sciences politiques, psycho-sociologie,  psychanalyse, littérature, sémiologie), intéressée par les postures critiques et généalogiques, notre réseau s'attache prendre en considération tous travaux pouvant contribuer à l’élucidation des diverses formes de consciences, savoirs et représentations qui constituent la trame de la vie individuelle et collective.

Les propositions de communication (max. 3000 signes espaces compris) concernant les thèmes ici abordés, devront être saisis directement sur le site de l'AFS sous cet appel. Pour tout renseignent concernant la procédure d'envoi des propositions de communications veuillez envoyer un mail à gruevr@yahoo.fr.

Les propositions de communications peuvent être déposées sur le site entre le 15 janvier 2019 et le 15 février 2019 1er mars 2019 !  
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