Pour Guy Vincent

Pour Guy Vincent

Guy Vincent vient de disparaître à l’âge de 85 ans. Professeur de sociologie à l’Université Lyon 2, il a formé nombre de sociologues plaçant au cœur de leurs recherches la question de la socialisation. Il fut un acteur central de la création (1976) du Groupe de Recherche sur la Socialisation et du renouvellement de l’analyse sociologique centrée sur les processus de socialisation. En effet, pour Guy Vincent et ses proches, traiter de la socialisation ne revenait pas à constituer un nouveau domaine spécialisé de la sociologie qui viendrait s’ajouter et peut-être concurrencer la « sociologie de l’éducation » ou encore la « sociologie de la famille ». Posant la socialisation comme un processus tramant l’ensemble des univers sociaux, transversal à diverses instances, il s’agissait justement de dépasser les découpages en sociologies spécialisées ou sectorielles et de définir les objets « autrement qu’en suivant les découpages institutionnels »[1]. Prendre pour objet la socialisation impliquait, pour Guy Vincent, une autre manière de faire de la sociologie, d’envisager le monde social en s’intéressant aux processus et à l’historicité du social[2]. Du même mouvement, il sortait le concept de socialisation de deux enfermements conjoints dans lequel la sociologie tendait à le contenir. En soulignant que la socialisation « est sans cesse en train de se faire, de se défaire et de se refaire autrement », on sortait d’une perspective, longtemps dominante, réduisant la socialisation à la production de l’enfant comme être social pour la traiter comme un processus continu et non strictement linéaire qui autorise les transformations comme les renforcements. En proposant, dans une formule large, que socialiser « c’est réaliser une certaine manière d’être ensemble et d’être au monde », on échappait aux conceptions fonctionnalistes et normatives qui encombrent encore nombre de dictionnaires de sciences sociales définissant la socialisation comme apprentissage des valeurs et des normes d’une société.

Guy Vincent est surtout connu pour le concept de forme scolaire qu’il a développé dans sa thèse d’État à partir d’un travail socio-historique sur l’école primaire française[3]. Loin de rabattre son objet dans l’école comme institution (« la notion de forme scolaire n’est pas une manière plus savante de dire “école” »), ses travaux sur la forme scolaire se donnent pour objectif d’« étudier si l’on peut définir par la prééminence de la forme scolaire, – distinguée des institutions et des groupes -, un mode de socialisation qui serait propre au type de société constitué en Europe à partir du 17e siècle » et proposent l’analyse d’une nouvelle forme de relations sociales et de socialisation qui émerge progressivement en lien avec « une restructuration du champ politico-religieux ». Ainsi, avec le concept de forme scolaire, Guy Vincent ouvrait la possibilité d’analyser comment un mode de socialisation se constitue historiquement et peut prendre une place dominante au point d’imprégner de larges secteurs du monde social au-delà de l’institution (l’école) auquel il est associé. Il permettait également l’analyse de la diversité des modes et logiques de socialisation, leurs rencontres et frottements, etc., auquel nous sommes quelques-uns à nous être attelés.

Sylvia Faure, professeure de sociologie, Université Lyon 2

Rachel Gasparini, MCF de sociologie, Université Lyon 1

Gaële Henri-Panabière, MCF de sociologie, Université Paris Descartes

Bernard Lahire, professeur de sociologie, ENS de Lyon

Mathias Millet, professeur de sociologie, Université de Tours

Fanny Renard, MCF de sociologie, Université de Poitiers

Daniel Thin, professeur émérite de sociologie

Stéphanie Tralongo, MCF de sociologie, Université Lyon 2


[1] Guy Vincent, « Avant-propos », in Actes de la table ronde « analyse des modes de socialisation, confrontations et perspectives – 4 et 5 février 1988, GRS – CNRS – Université Lyon 2.
[2] Le GRS a d’abord été nommé « Groupe de recherche sur le procès de socialisation ».
[3] Guy Vincent, L’École primaire française, Lyon, PUL, 1980.













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