RT10

Appel à communications RT10 Sociologie de la connaissance pour le 9e Congrès à Lille 2021

  En 1893, dans sa thèse intitulée De la division du travail social, Durkheim, soucieux avant tout de la question de la solidarité sociale, menacée d’anomie en raison des changements induits par une économie envahissante et par une industrialisation croissante, écrit : « De ce que nous nous proposons avant tout d’étudier la réalité, il ne s’ensuit pas que nous renon­cions à l’améliorer : nous estimerions que nos recherches ne mériteraient pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif. Si nous séparons avec soin les pro­blèmes théoriques des problèmes pra­tiques, ce n’est pas pour négliger ces derniers, c’est, au contraire, pour nous mettre en état de les mieux résoudre. » La tâche qui incombe ici à la sociologie, et qui lui fournit sa légitimation, serait donc de changer la réalité, de l’améliorer. Ce projet moral est présenté comme inhérent à la science : connaître non pas pour simplement connaître, mais pour agir (theoria et praxis). La question de la connaissance se trouve de la sorte substantiellement liée à celle de l’action, et la sociologie se voit engagée dans une démarche cognitive à portée sociale et même politique. Cette vision et cette pratique interventionnistes de la sociologie ont-elles changé ? « La réalité » a-t-elle été changée, « améliorée » par la sociologie ? A-t-elle en retour changé la sociologie ? Autant de questions pour des communications, qui pourront également prendre pour objet l’une ou l’autre des problématiques soulevées plus loin. La sociologie actuelle est majoritairement centrée autour d’une procédure d’enquête de terrain que l’on peut globalement considérer comme abstentionniste de tout engagement socio-politique déclaré. Elle se veut descriptive et soucieuse de ne pas altérer son objet, préoccupée de scientificité, d’objectivité et de neutralité. Comment cette nouvelle sociologie, qui se réclame elle aussi de la science, est-elle susceptible d’accueillir cette ancienne injonction du père fondateur, qui était son acte de foi disciplinaire ? La sociologie a certes connu bien des changements depuis Durkheim : mutations internes certes, mais se produisant bien évidemment en corrélation avec les cadres sociaux, institutionnels politiques économiques et historiques qui influent sur ses connaissances. Mais la discipline a-t-elle changé au point de ne plus se reconnaître dans cette conscience sociale et politique se déployant dans un projet interventionniste et réformiste ? A-t-elle, si c’est le cas, perdu son identité et sa foi mélioriste ? Cette sociologie contemporaine qui s’est depuis trouvée changée, doit-elle changer de nouveau, pour échapper à une fonction de service à visée souvent adaptative, qu’il lui est souvent demandé de remplir ? Et surtout, changer le peut-elle, si toutefois elle se positionne favorablement en référence au point d’interrogation ponctuant ce verbe « changer », qui constitue le thème du congrès ? Changer est un verbe, et en tant que tel, indicateur d’une action volontaire ; il récuse implicitement la dimension substantivée, donc subie, qui réside dans le substantif « changement. » Et pourtant tout change et le plus souvent dans la méconnaissance. Toute analyse de ces questions sera bienvenue. Qu’en est-il de la possibilité et de la pertinence de cette réintégration potentielle de la position dukheimienne assumant son engagement socio-politique, pour lutter contre ce qu’il nomme « les désordres de toutes sortes » auxquels la sociologie proposerait un « remède » ? Changer, n’est-ce pas devenir étranger, d’abord à soi-même ? C’est donc du statut de la connaissance sociologique qu’il s’agit, de sa fonction sociale, et pas seulement de son statut de science pure, qui se développe dans des laboratoires après une incursion curieuse sur le terrain. Nous voyons que cette problématique de la continuité ou du changement disciplinaire excède la question du simple changement de paradigme (pouvant même être une révolution), qui mérite toutefois grandement d’être exploré par des communications, en particulier celui de l’éloignement historique de la discipline, à la fois du marxisme : adepte du changement politique et social radical, ainsi que du structuralisme : plutôt adepte du statu quo sociétal. On connaît cette formule inscrite sur un mur de la Sorbonne, dans le fil des événements de mai 1968 : « Les structures ne descendent pas dans la rue. » Ces paradigmes qui furent antagonistes constituèrent deux des principales assises de la sociologie dans l’après-guerre. Cet antagonisme semble avoir maintenant trouvé une issue dans l’interactionnisme sous ses diverses formes, qui possède l’avantage d’évacuer cette question de l’engagement, et surtout de pouvoir se dispenser d’analyses historiques et macro-sociologiques toujours idéologiquement surdéterminées. Que signifie ce changement paradigmatique neutralisateur et pacificateur, qui va de pair avec un repli institutionnel sur des postures de recherche, et sur des connaissances de nature méso ou micro-sociologiques de plus en plus hyper-spécialisées, encloses dans leur domaine de prédilection, se dispensant d’une historicité et d’une théorie globale, qui sont porteuses d’une vision dynamique et réaliste de la vie collective toujours sujette à changements. Quelles sont les causes de ce changement de posture dispersif, généralement dissolvant de l’esprit critique, et de toute synthèse de grande ampleur, telles qu’elles sont présentes chez tous les pères fondateurs, pourtant toujours au programme de l’enseignement ? À tel point qu’il serait maintenant plus approprié de ne plus parler de la sociologie mais de sociologies. C’est donc la connaissance qui s’est éclatée, et surtout les sujets qui en sont porteurs ; abandonnant la recherche de la « généralité » (chère à Auguste Comte), au profit de spécialités proliférantes. Cet abandon d’une sociologie générale, qui s’étayait d’une conception du phénomène-social-total, est symptomatique d’un changement de disposition à l’égard de la réalité sociétale, qui se réduit maintenant à la multiplicité de ses composantes. Cette fragmentation sociétale de l’objet se révèle dans la pluralité des réseaux thématiques, des comités de recherche, et des multiples laboratoires composant la recherche sociologique contemporaine. Que faudrait-il changer pour produire une sociologie qui se réapproprierait le projet durkheimien ? Et ce changement, à supposer qu’il soit possible, est-il souhaité par l’institution, est-il souhaité par les sociologues, est-il souhaitable pour la discipline ? L’institué peut-il changer sous la pression de l’instituant qui introduit du changement et déstabilise les équilibres. L’inertie et la pesanteur de l’appareil, n’invalide-t-elles pas tout projet de changement qui ne confirme pas l’établissement dans sa perduration confortable ? L’utopie a toujours menacé l’idéologie par son aspiration au nouveau. Avez-vous déjà vécu cette situation d’affrontement de l’instituant à l’institué dans vos enquêtes et dans votre vécu de sociologue ? Avez-vous tenté de changer les pratiques consacrées de la recherche en changeant de méthode ? Avez-vous innové dans vos modes de connaissance, ou n’avez-vous rien changé à la routine ? Quelle forme de connaissance et de mise en œuvre de cette connaissance défendez-vous dans la pratique de votre sociologie, quelque soit votre objet et votre domaine de recherche ? Nous attendons des propositions en ce sens. Par ailleurs, quelle est la forme de connaissance selon vous la plus appropriée à la difficile saisie du changement social, et des métamorphoses du lien social, étant entendu que la sociologie est en général plus performante pour comprendre ce qui ne change pas, que ce qui change, manquant d’outil pour saisir la dimension d’innovation essentielle à la vie sociale, qui est en réalité en perpétuel mouvement. C’est là un large axe de réflexion, pour les communications à venir. L’on ne peut dans un autre registre, éviter de mener une autre réflexion, en relation avec la pandémie de Covid 19 qui nous frappe. En quoi cette maladie mortelle a-t-elle modifié notre appréhension de nous-même, des autres, et du monde ? Qu’est-ce qui a changé dans nos représentations, nos formes de connaissance et de sensibilité. Une situation de crise est par excellence le moment de la manifestation d’un changement objectif dans la réalité, changement subi, qui requiert l’irruption d’un changement agi dans les subjectivités. Toute communication sur cette question sera bienvenue. Enfin, le réseau Sociologie de la connaissance est réceptif - quelque soit l’école de pensée mobilisée - à toute proposition relevant d’une analyse théorique, voire philosophique de ce concept de « changement » et de ses concepts satellites, en tant qu’ils constituent des outils privilégiés de la connaissance socio-anthropologique. Toute communication travaillant également sur des auteurs, et sur l’histoire des idées, son également bienvenues, de même que tout travail empirique. L’essentiel est de  manifester l’importance - dans les phénomènes analysés - des formes de conscience, de connaissance, et de sensibilité.
Les propositions de communication (5000 signes espaces compris maximum) sont à déposer sur le site de l’AFS (voir en bas de cette page).
Calendrier : Ouverture du dépôt des propositions de communication : mi-novembre 2020 Date limite de dépôt des propositions de communication : 31/01/2021 15 février 2021 Retour aux auteurs : mi-mars 2021 Programme définitif RT 10 : mi-avril 2020 Congrès à Lille : 6 au 9 juillet 2021
N'hésitez pas à visiter le site du RT10 : https://rt10.hypotheses.org/












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