AAC Colloque international CENS/AISLF « Penser les frontières, passer les frontières »

AAC Colloque international CENS/AISLF « Penser les frontières, passer les frontières »

NOUVEAU DELAI : Les propositions sont désormais attendues jusqu’au 18 janvier 2019.

Le colloque international organisé à Nantes par le CENS, en collaboration avec l’AISLF, entend s’intéresser aux frontières tout à la fois dans l’acception usuelle de limite qui, naturellement, détermine l’étendue d’un territoire ou qui, par convention, sépare deux États et fait obstacle aux déplacements des personnes mais aussi dans l’acception figurée courante dans les sciences sociales de limite ou point de séparation entre deux groupes différents et/ou opposés (classes sociales, professions, groupes sexués, groupes ethniques, …) ou encore entre deux espaces différents et/ou opposés (famille et marché, privé et public, travail et loisir, savant et profane, pur et impur…).

Le colloque invite à considérer que non seulement les humains mais aussi les non- humains (plantes, animaux, virus…), les idées et les objets se déplacent, franchissent des frontières et suscitent des entreprises et des pratiques de surveillance, d’hospitalité ou au contraire de containment et de rejet. Il invite aussi, contre tous les fantasmes de mobilité généralisée, à mettre au jour la sélectivité sociale du franchissement des frontières, que celles-ci soient matérielles, juridiques ou symboliques.

Ce colloque s’adresse donc aux spécialistes des migrations et des politiques migratoires mais aussi, plus largement, à tou·te·s les chercheur·se·s et doctorant-e-s en sciences sociales que la notion de « frontière » intéresse, y compris dans ses acceptions figurées. Loin de considérer ces frontières comme déjà-là et éternelles, le colloque invite à explorer leur genèse mais aussi leurs recompositions (des frontières fixes aux frontières mouvantes et délocalisées, des frontières visibles aux frontières invisibles), et à mettre au jour les conditions sociales de leur porosité ou de leur fermeture. Il s’agit également de s’intéresser à la dynamique des frontières, aux « choses » que les frontières définissent (des catégories, des entités, des territoires, des États), plutôt qu’aux frontières entre des choses préétablies.

Dans cette perspective, les frontières seront envisagées comme des constructions sociales et saisies à travers la diversité des institutions, des objets et des acteurs qui les font exister : des scientifiques jusqu’aux migrants, des fonctionnaires jusqu’aux passeurs sans oublier ceux qui font profession ou commerce de leur contrôle, de leur surveillance, de leur franchissement, de leur abolition ou de la négociation quotidienne de leur sens. Les cartes, papiers d’identité, planches anatomiques, certification, normes, bases de données, classifications, concours et toutes autres formes matérielles et immatérielles sans lesquelles les frontières ne sauraient exister feront aussi l’objet d’une attention privilégiée. Les approches pourront se centrer sur les effets biographiques de ces « traversées des frontières », sur les ruptures et/ou continuités qu’elles peuvent induire en termes d’appartenances.

Ce colloque sera ainsi l’occasion de s’intéresser à la variété des acteurs sociaux qui gravitent autour des frontières que celles-ci soient physiques ou métaphoriques, matérialisées ou non par des dispositifs de contrôle : celles et ceux qui les produisent ou les définissent et en fixent le droit d’entrée, celles et ceux qui en contrôlent ou en ouvrent le passage, mais aussi celles et ceux qui, étrangers, transfuges ou encore parias, les traversent, les transgressent ou s’y trouvent bloqués ; celles et ceux encore qui y vivent ou qui en vivent ; celles et ceux enfin qui les étudient, les pensent, les catégorisent. Ainsi abordé, le thème des frontières se révèle ouvert à de multiples contributions présentant des recherches empiriques portant sur diverses époques et contextes nationaux comme sur divers groupes (nationaux, sociaux, professionnels, ethniques, sexués, etc.). Le colloque peut aussi être l’occasion de réflexions plus épistémologiques ou théoriques sur la notion même de frontière et ses apparentées, leurs usages savants et politiques ou encore des réflexions sur les frontières disciplinaires et leur franchissement.

La thématique générale des frontières pourra être abordée suivant six sous-axes :

1)   Frontières terrestres, géographiques, nationales

Les frontières pourront tout d’abord être saisies dans leur acception la plus commune, qui renvoie aux limites géographiques ou administratives séparant deux territoires. On s’intéressera alors au travail de construction dont elles font l’objet et inséparablement, aux acteurs et institutions qui s’en saisissent pour leur donner corps, les rendre réelles, en permettre le franchissement, ou au contraire, le non-franchissement. Comment et par quels processus les frontières sont-elles matérialisées, investies, travaillées ? Par qui et avec quels effets en matière de migration ou de circulation ? Cette perspective invite à s’intéresser aux différents niveaux et acteurs de l’action publique – au sein de l’État, des institutions de pouvoir et des instances intermédiaires – appliquant les politiques, ainsi qu’aux individus eux-mêmes qui sur le terrain, s’y ajustent, les subissent ou leur résistent, voire les transgressent.

2)   Frontières du social

Ni substantielles, ni atemporelles, les frontières plus ou moins objectives et/ou symboliques qui séparent les classes, les sexes, les groupes ethniques seront appréhendées comme des constructions sociales et historiques. Faisant le pari qu’il est fructueux de réfléchir de concert aux frontières entre classes, sexes et groupes ethniques, il s’agira de proposer des approches empiriques et contextualisées de la fabrication, de l’abolition, de la recomposition ou du contrôle de ces frontières. Les contributions pourront porter sur les personnes, mais aussi sur les objets, les dispositifs, les normes, les pratiques ou les méthodes qui passent les frontières sociales. Elles s’intéresseront autant aux acteurs qu’aux institutions, groupements, processus et situations qui volontairement ou non contribuent à les abolir, les brouiller ou au contraire à les renforcer. Le développement de frontières internes aux classes, sexes et groupes ethniques moins souvent étudiées que leurs frontières externes et propice à l’examen de l’intrication des diverses frontières pourra aussi être étudié avec profit.

3)   Entre public et privé

Dans ce sous axe, les frontières seront analysées sous l’angle de ce qui oppose et sépare le public et le privé et leurs déclinaisons sémantiques : le collectif et l’individuel, le commun et le personnel, le politique et le domestique, le visible et l’intime. Plus précisément, il s’agit de s’emparer de la question de la définition et de la maîtrise de la frontière entre le public et le privé, et ce, selon une double approche. D’une part, elle pourra être abordée sous l’angle des luttes historiques et institutionnelles à propos de la construction de la distinction entre le public et le privé quels qu’en soient les enjeux : la différenciation performative entre vie collective et vie intime, la distinction entre ce qui relève du domaine public et ce qui n’en relève pas, entre ce qui peut être dévoilé à tou·te·s et ce qui doit rester secret.

D’autre part, les frontières entre le public et le privé peuvent aussi être interrogées du point de vue de ce qu’elles font à des individus inégaux dans leurs capacités à en jouer, à les instrumentaliser, à les transgresser, ou encore à maîtriser l’image publique de leur sphère privée.

4)   Frontières professionnelles

La déstabilisation de l’emploi – comme forme sécurisée du travail salarié – et la montée du chômage de masse ne cessent, depuis la fin des années 1980, de brouiller les frontières entre travail salarié et travail indépendant, entre travail rémunéré et travail bénévole. Conjointement, ce sont les espaces de travail eux-mêmes qui voient leurs limites bouger : l’entreprise, ses murs, ses bureaux, ses postes individualisés perdent progressivement leur place de lieu de travail attaché à l’emploi au profit d’open-spaces, d’espaces de co-working où la mobilité et la flexibilité s’imposent jusque dans les corps. Les cadres traditionnels du travail sont également remis en cause par la sous-traitance, la précarisation ou encore les multiples formes d’entrepreneuriat. On pourra ainsi s’intéresser aux effets de ce double mouvement de précarisation des emplois et de réenchantement du travail indépendant sur les groupes professionnels. La porosité grandissante des frontières du monde du travail pourra ainsi être abordée à partir d’enquêtes empiriques au sein d’entreprises privées (commerciales et associatives) et publiques, au sein de collectifs de travail, auprès de catégories plus isolées de travailleurs, où ces tensions s’observent. Les contributions pourront s’attacher tant aux institutions qu’aux individus, à leurs pratiques, leurs intentions, leurs stratégies, leurs marges de manœuvre, leurs contraintes.

5) Frontières disciplinaires et méthodologiques

Le découpage en disciplines correspond à un modèle d’organisation du savoir qui peut varier selon les institutions, les pays et les périodes. Le tracé des frontières, disciplinaires ou scolaires constitue un enjeu épistémologique fort qui peut être objet de négociations, de résistances, de tensions, de conflits, voire d’impérialismes, ou de réflexions sur la notion de science ouverte. Les contributions pourront ainsi interroger la genèse de ces contours, le rôle des acteurs et les effets que ces séparations disciplinaires exercent sur le monde social. Enfin, elles pourront rendre compte des évolutions et des recompositions de ces frontières sous l’effet de la promotion de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité, des incitations ou des réformes institutionnelles, ou encore des intérêts propres des chercheur·se·s. De même, au sein de chaque famille de disciplines, les choix de méthodes ne sont pas sans effet sur les découpages des frontières du social. Des communications pourront par exemple s’intéresser à l’intersectionnalité, aux catégorisations statistiques, à la fixation des frontières temporelles en histoire (bornes, cycles, périodes, phases, événements) ou encore aux effets que les définitions des frontières entre groupes produisent sur la mesure de la mobilité sociale.

6)   Frontières de l’humain

Les frontières entre espèces, entre humains et non-humains, entre vivant et inerte ou entre domestique et sauvage ne sont pas plus éternelles ni substantielles que les autres. Elles ne sont pas réductibles à la seule question de la technique et de ses usages. L’histoire de la frontière entre nature et culture, longtemps structurante des modes de pensée occidentaux, est aujourd’hui revisitée par la philosophie et les sciences sociales. En explorant l’histoire des cultures comme l’histoire des sciences, en étudiant des controverses scientifiques ou encore des crises sanitaires ou écologiques contemporaines ainsi que les mobilisations politiques et citoyennes qu’elles suscitent, il s’agira de mettre en lumière les mécanismes de construction et de catégorisation des « existants » dans leur diversité comme les mécanismes de contrôle, de dissolution ou de recomposition des frontières qui les séparent. Les contributions pourront focaliser l’attention sur les êtres, les idées, les dispositifs qui franchissent ces frontières comme sur les actions politiques ou les entreprises scientifiques ou culturelles qui les mettent en cause.

Bibliographie

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Comité scientifique :

Marie Cartier (Présidente), CENS, Université de Nantes ; Sébastien Chauvin, UNIL, Lausanne (Suisse), Estelle d’Halluin, CENS, Université de Nantes ; Svetla Koleva, Institut des Sciences et du Savoir, Académie des sciences, Sofia (Bulgarie) ; Nathalie Lewis, Université du Québec à Rimouski (Canada) ; Imed Melliti, , Université de Tunis El Manar (Tunisie) ; Stéphane Moulin, Université de Montréal (Canada) ; Sébastien Mosbah Natanson, GEMASS, Sorbonne Université, Paris ; Swanie Potot, URMIS, Université de Nice Sophia Antipolis ; Emilia Schijman, CMH, ENS Cachan Paris ; Marc-Henry Soulet, Université de Fribourg (Suisse) ; Miriam Ticktin, New School for Social Research, New- York (Etats-Unis).

Comité d’organisation :

Ludivine Balland, Marie Cartier, Mary David, Annie Dussuet, Joseph Godefroy, Karine Lamarche, Alice Lermusiaux, Thibaut Menoux, Martine Mespoulet, Pascale Moulévrier, Johanne Palomba, Arnaud Sébileau, Baptiste Viaud.

Calendrier :

5 octobre 2018 : Diffusion de l’appel à communications.

Date délai pour le retour des propositions : 14 décembre 2018.

Format : Une note d’intention de 3000 à 4000 caractères maximum times new roman caractère 12 qui intègre questionnement/problématique, modes d’enquêtes, matériaux, et qui précise le sous-axe dans lequel la proposition s’inscrit.

Réponse mi-février 2019 aux propositions reçues.

Public concerné : doctorant-e-s et chercheur-e-s en sciences sociales Contact : cens-colloque-aislf@univ-nantes.fr













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