RT46

CONGRÈS 2019 - APPEL DU RT46 "FORMATION, CERTIFICATION, QUALIFICATION"

Congrès AFS 2019

Aix-en-Provence, 27-30 août 2019

Classer, déclasser, reclasser

 

RT46 – Formation, certification, qualification

APPEL À COMMUNICATIONS

 

Formation, diplômes et orientation comme outils de classement : quels modalités pour quels usages ?

Les formations et les certifications professionnelles apparaissent d’emblée comme le produit d’un classement qui les distingue de l’enseignement général. Cette distinction ordonne des registres de savoirs à partir d’une dynamique contradictoire en fonction de l’offre. Dominées dans l’enseignement secondaire (Grignon, 1971 ; Palheta, 2012), elles sont en position bien plus favorable dans l’enseignement supérieur ou la formation continue. 

Elles sont également d’importants vecteurs de classement que donnent parfois à voir les conventions collectives et qui ne cessent de s’étendre sous l’effet de politiques publiques très volontaristes. En tant que constructions sociales et donc objets historiques, ces formations et titres divers sont le produit de décisions, négociations plus ou moins paritaires, qui leur attribuent une position spécifique dans le système d’éducation et de formation ou d’emploi. Bien qu’ils se veuillent rationnels et objectifs, les critères dont résulte une telle position sont plus souvent incertains et labiles. Par exemple, si la hiérarchie des diplômes semble particulièrement stable, elle se recompose et se déplace, au gré, notamment, des politiques publiques d’éducation et de formation et des pratiques des acteurs. Ainsi, le CAP après avoir été un diplôme ouvrier emblématique et reconnu a été menacé de disparition pour apparaître désormais comme le diplôme minimal à détenir, le baccalauréat général a perdu de sa superbe au fil de la massification du baccalauréat et de l’enseignement supérieur et ne représente plus qu’un signal faible sur le marché du travail ; quant à la maîtrise, elle a quasiment disparu après avoir été pourtant un diplôme reconnu par les employeurs. La hiérarchie qui structure le système éducatif ne se reflète pas totalement dans le système d’emploi ; les classements bougeant, même s’ils affectent peu la structure générale des inégalités. Ce faisant, ce sont également les mécanismes de l’orientation qui participent à construire les classements et façonnent des carrières en formation initialecomme en formation continue. 

C’est vrai pour les formations et les diplômes mais également pour les savoirs et les compétences (Bautier & al., 2017 ; Rey, 2014 ; Ropé & Tanguy, 1994), les « compétences transversales » ayant pris depuis quelques années une place prépondérante dans les curricula, à la fois en raison d’injonctions institutionnelles et d’initiatives issues des concepteurs des formations et des diplômes. On le constate dans les « socles communs » du système éducatif (Clément, 2012), dans les référentiels des diplômes de la voie professionnelle et de l’enseignement supérieur (Prot, 2015 ; Maillard, 2011), tout comme dans les formations destinées aux demandeurs d’emploi considérés comme les moins employables (Tiffon et al., 2017). S’il opère au niveau « micro », le déclassement de certains savoirs n’en a pas moins des effets qui dépassent ce niveau. Les luttes de classement n’opposent pas seulement des formations et des diplômes, ceux qui les définissent et ceux qui en font usage, mais également différents types de savoirs et de corps professionnels. Outre leurs effets, il apparaît important de mieux saisir ces évolutions et leur genèse. Au-delà de processus très remarquables, d’autres, moins visibles mais pas moins actifs, doivent être considérés. Tous ces processus font cependant l’objet de divisions au sein des pouvoirs publics comme au sein des instances qui les élaborent – et entre les uns et les autres –, qu’il serait nécessaire de contribuer à éclairer. 

 

Dédiées aux individus, tout en répondant officiellement aux « besoins de l’économie », selon les termes de l’adéquationnisme qui caractérise la manière dont les pouvoirs publics envisagent les relations entre formations/diplômes-certifications et emplois/qualifications en France, les formations et les certifications sont désormais largement associées à « l’employabilité », « la flexisécurité professionnelle », la mobilité professionnelle sous toutes ses formes, jusqu’à « la liberté de choisir son avenir professionnel », titre de la loi du 5 septembre 2018 destinée à « la rénovation du modèle social français (communiqué de presse du Conseil des ministres du 27 avril 2018). Le projet de cette loi est de conjuguer « l’innovation et la performance économique, la construction de nouvelles libertés et le souci constant de l’inclusion sociale » (ibid.).

Officiellement, c’est donc tout un ensemble d’opportunités qui sont mises à la disposition des « individus », afin qu’ils puissent devenir les acteurs de leur carrière et se protéger contre les aléas de l’économie et le fonctionnement sélectif du marché du travail. Ils sont ainsi censés pouvoir se classer et se reclasser dans le système d’emploi, échapper au déclassement et à la reproduction sociale, et éviter la relégation des surnuméraires et autres inclassables (décrocheurs du système éducatif, inemployables divers etc.). Autrement dit, les formations et les diplômes, comme les autres certifications professionnelles, doivent permettre aux acteurs sociaux d’élargir le champ des classements possibles, chaque formation et chaque diplôme étant associés à une position dans un espace social déterminé. Sur quels arguments se forge cette ouverture proclamée et comment se traduit-elle en pratique ? Quelle est la place accordée aux capacités et capabilités (Véro, Zimmermann, 2018) ? Le fait que les certifications professionnelles fassent désormais partie de l’équipement minimal des actifs signifie-t-il qu’elles sont dorénavant systématiquement reconnues par les employeurs ? Comment interpréter ce renouveau de l’adéquationnisme entre formation et emploi, malgré sa mise en cause par Pierre Bourdieu et Luc Boltanski dans Le titre et le poste(1975) et par l’équipe de chercheurs réunis dansL’introuvable relation formation emploi(Tanguy, 1986) ? Les rapports entre système de production et système de formation se sont-ils transformés au point de réduire l’autonomie (pourtant déjà relative) du second ? 

Parmi les ressources dont disposent les individus en quête d’une formation ou d’un titre figurent des services d’orientation (avec un nombre croissant de sites spécialisés), des répertoires comme le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), des brochures d’information d’établissements d’éducation et de formation (lycées publics et privés, écoles d’enseignement supérieur, universités, organismes de formation divers...), des listes signalant les formations habilitées à être financées (par exemple de Datadoc). Toutes ces listes classent par catégorie, niveau de formation, afin de donner à ceux qui en font usage d’établir les classements qui peuvent leur servir. Dès lors, le déclassement, le chômage et la précarité résultent-ils de l’inadaptation des moyens mis à la disposition des individus voire des professionnels qui en ont la charge, de choix irrationnels, d’un investissement inadapté en « capital humain », comme le laissent supposer les lois successives de la formation professionnelle et leur traduction dans le Code du travail ?

Les propositions de communication peuvent porter sur :

     les formations initiales ou continues, 

     les diplômes et les certifications professionnelles en général, 

     les emplois et les classifications auxquels ils donnent accès, 

      les politiques publiques et les organisations professionnelles qui participent à leur définition, 

     les dispositifs et leurs acteurs. 

Les propositions de communication devront indiquer les éléments suivants :

- Nom et Prénom du (des) auteur(s) - Statut(s) du (des) auteur(s) - Établissement(s) et laboratoire(s) de rattachement 

- Adresse(s) électronique(s) - Titre de la communication - Résumé de la proposition (environ 2500 signes maximum, espaces et bibliographie compris) avec : le thèmechoisi, la problématique traitée, le type de technique d’enquête et le terrain ou les sources qui caractérisent la recherche et ses principaux résultats. - Références bibliographiques 

Les propositions doivent être déposées au plus tard pour le 17 février 2019 sur la page du RT46 sur le site de l’AFS (https://afs-socio.fr/rt/rt46/).

Les réponses aux propositions seront communiquées à la fin du mois de mars

Références

Bautier É., Bonnéry S., Clément P., 2017, L’introduction en France des compétences dans la scolarité unique. Enjeux politiques, enjeux de savoir, enjeux pédagogiques et didactiques, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 16-1, p. 73-93.

Clément P., 2012, Le Conseil national des programmes (1985-1994) : l’institutionnalisation chaotique d’une entreprise réformatrice, Politix, 98, (2), p. 85-107.

Grignon C., 1971, L’ordre des choses. Les fonctions sociales de l’enseignement technique, Paris, Minuit. 

Maillard F., 2011, La certification professionnelle pour tous comme instrument de la flexicurité. Éléments de réflexion sur un consensus improbable, Regards sociologiques, n° 41-42, p. 147-158.

Palheta U., 2012, La domination scolaire. Sociologie de l’enseignement professionnel et de son public, Paris, PUF. 

Prot B. (dir.), 2014, Le référentiel contre l’activité. En formation, gestion, certification, Toulouse, Octares Éditions. 

Rey B., 2014, La notion de compétence en éducation et formation : enjeux et problèmes, Bruxelles, De Boeck.

Ropé F., Tanguy L. (dir.), 1994, Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise, Paris, L’Harmattan. 

Tanguy L. (dir.), 1986, L’introuvable relation formation-emploi, Paris, La Documentation française.

Tiffon G., Moatty F., Glaymann D., Durand J.-P. (dir.), 2017, Le piège de l’employabilité. Critique d’une notion au regard de ses usages sociaux, Rennes, PUR.

Véro J., Zimmermann B., 2018, À la recherche de l’organisation capacitante : quelle part de liberté dans le travail salarié ?, Savoirs, 47, (2), p. 131-150.

 












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